Bon, cette critique m'avait l'air assez indispensable dans la mesure où la seule autre alternative n'est qu'une vaste blague. Cela dit, vu le nombre important de vieux cons que compte aujourd'hui le public Rap, ça ne m'étonne pas plus que ça.
Bref, mesdames et messieurs, laissez-moi vous présenter Vince Staples, jeune rappeur affilié au collectif Odd Future : vous savez, ce que tout le monde présentait il y a quelques années comme les futurs prodiges du Hip-Hop, mais dont la hype a sévèrement baissé en même temps que le temps s'écoulait. Au final, le seul coup d'éclat d'envergure que le groupe a connu n'est autre que Channel Orange, le sublime premier album de Frank Ocean. Mais voilà que se pointe le petit Vince Staples et son Summertime '06, prêt(s) à changer la donne. Autant le dire tout de suite, nous tenons enfin l'album Rap que mérite Odd Future.
Paradoxal, quand nous savons que l'année 2015 avait très mal commencé pour le collectif, entre l'expérimental totalement raté de Tyler The Creator Cherry Bomb et le nouvel essai toujours aussi nauséeux d'Earl Sweatshirt I Don't Like Shit, I Don't Go Outside. A côté de tout cet insignifiant bric-à-brac, Vince Staples est parvenu à susciter l'attente de son côté avec l'efficace single Senorita, portant sur un impressionnant sample de Future.
Et puis voilà l'album, Summertime '06. Avec un titre pareil, on pouvait logiquement s'attendre à de jolies mélodies sentant bon le grand air du large, le soleil et les cocktails. Il n'en sera rien, car c'est un séjour au pire sur les rives du Styx, au mieux dans un ancien bunker désaffecté que nous réserve Vince.
En effet, après une courte introduction évoquant un vieux port enseveli sous la brume et baigné par le cri des mouettes, la première track de l'album, Lift Me Up, nous entraine dans la noirceur. La prod quasi-minimaliste fonctionne à merveille, nous rappelant presque un petit air de Yeezus, et le flow ralenti du MC lui va comme un gant. Cette entrée en matière sera à l'image de l'album, Vince ne s'autorisant qu'un moment d'évasion dans Summertime et quelques instants plus larmoyants dans 3230 et Might Be Wrong. Si la sauce ne prend pas vraiment dans ces moments-là, le reste de l'album s'avère bien plus jouissif, à l'image du glauque mais entrainant Norf Norf, qui réussit au passage l'exercice du sample de sonnerie d'alarme là où Kanye avait échoué deux ans plus tôt, ou du brumeux Get Paid, emmené par un refrain ultra-accrocheur.
Au final, la grande réussite de ce Summertime '06 est d'accoucher d'une atmosphère noire, pesante voire presque suffocante, et de nous faire prendre part au malaise général sans jamais nuire en quoi que ce soit au plaisir d'écoute ; l'album se veut entrainant au possible, et fournit son lot de gros titres en puissance. C'est là la différence avec un Earl Sweatshirt, pour qui le malaise rime à mes oreilles avec dégout.
Ce qui est en tout cas sûr, c'est que pour la première fois depuis longtemps, un album signé d'Odd Future tournera dans mes écouteurs à long terme, histoire de me raviver les souvenirs de ces vacances pas vraiment relaxantes.

romainbonhommelacour
8

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le 27 août 2015

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