Star Wars
6.2
Star Wars

Album de Wilco (2015)

Surprise ! Le 16 juillet dernier, Wilco émergeait du néant et balançait sur l'avide toile du net les mp3 pour un nouveau disque en accès libre : Star Wars. Pourquoi pas après tout ? Il y a plein de choses plus absurdes en ce monde que la présente démarche des américains. Mais cela n'empêche que tout ce bin's semble sorti de nulle part. Qu'est-ce qui pouvait bien animer Jeff Tweedy & Cie quand leur est venue cette idée ? La joie enfantine qu'on éprouve devant une farce rondement menée ? Simple goût pour l'aléatoire – comme le laisse entendre leur "Random Name Generator" ? Volonté de se faire bien voir par son public (rappelons-nous les émules de In Rainbows) ? Pur esprit de contradiction ou syndrome dit de l'attention whore ? Crise de la cinquantaine ? Les paris sont ouverts – Tweedy se contente de décrire l'initiative par un "Pourquoi pas ?" énigmatique. Mais l'important au fond c'est surtout de savoir si ce disque est bon, non ?


Plus on l'écoute, ce Star Wars, plus l'hypothèse du simple coup de sang sans arrière-pensées paraît tenir la route : le groupe a rarement sonné aussi fun et détendu qu'ici ; plus depuis Being There en fait. Et un Wilco qui s'amuse, qui relâche la soupape, ça ressemble à un groupe qui prend plus que jamais plaisir à détourner les différents styles. Est-ce d'avoir souffert de la catégorisation "alt. country" tout au long de leur carrière alors que ça fait plus d'une décennie déjà qu'ils ont ouvert leur horizon, d'avoir endossé bien malgré eux le dossard rock à papa tandis qu'ils se réinventent sans cesse ? Toujours est-il que plus le temps passe, plus ces gars-là prennent une approche de (gentille) déconstruction du rock pour mieux jouer avec ses codes. Qui d'autre aurait pu inventer un truc comme, au pif, "War On War" ? À savoir une répétition euphorique du même motif ad libitum, à l'image d'un enfant extatique qui chanterait une ritournelle créée à partir de mots d'adultes dont il ignore encore le sens mais dont les sonorités le ravissent. Sur Star Wars le " détournement " est bien plus explicite. Dès l'intro "EKG" on a droit à un court pastiche de noise-rock, qui ressemble à ce que ferait une bande de potes dans son garage pour rendre hommage à Sonic Youth ou Shellac. Et ça continue de plus belle sur le trio "More...", "Random Name Generator", "The Joke Explained", qui fait allègrement mumuse avec un son de guitare que n'aurait pas renié un T-Rex au sommet de son glam ! "You Satellite" s'impose comme un superbe crescendo propre à vous faire pousser des ailes, atteignant des sommets quasiment psychédéliques dont le sens de la répétition nous forcera à esquisser des lèvres le terme si galvaudé de "krautrock" ; tandis qu'un "Pickeld Ginger" foule un territoire stoner-pop du plus bel effet.


Vous voyez bien qu'il y a à boire et à manger ! Ce qui fait de Star Wars un excellent disque de Wilco – oui monsieur – c'est que le groupe ne se contente bien sûr pas de proposer un pastiche dans le simple de but de se voir offrir un diplôme d'éclectisme, mais qu'il revisite tout ce qu'il emprunte pour jusqu'à nous convaincre que ce son est fait pour eux. Et puis il y a cette voix quoi... cet organe de Tweedy qui n'a l'air de rien au premier abord, mais qui devient vite un ami proche, une constante rassurante. Cette voix qui semble émerger directement des migraines de Jeff, l'air de dire "Si j'ai fait le chemin jusqu'ici c'est qu'il y a une bonne raison alors tais-toi et écoute". Si les pistes sont brèves, comme l'album en lui-même, cela ne fait que garantir une certaine efficacité, une belle force d'impact à chacun des morceaux, et donner à l'album un goût de reviens-y. Sans compter que ça n'empêche pas le groupe d'y cacher des surprises en cours de route, comme la deuxième moitié de "Where Do I Begin" où la partie de batterie est inversée, ou le crescendo implacable de "You Satellite". Ou encore la progression de la sublime "Magnetized", qui conclut le disque en se muant petit à petit en véritable outtake de Deserter's Song, alors que viennent de poser la guitare, puis la scie musicale et vas-y le mellotron qui débarque... Bref, ces montées en puissance qu'on a l'habitude de savourer avec Wilco, au même titre que ces perles de nostalgie dont ils ont le secret : "Taste the Ceiling" tout simplement.


De toute évidence, Star Wars n'est pas une farce, même si je ne comprends toujours pas pourquoi ce nom. Il s'agit peut-être d'une série de chanson enregistrée d'un coup d'un seul et aussitôt lâchée en pâture au public, je n'en sais rien mais certainement rien de bâclé. Quant à savoir la place qu'il se fera au sein de la discographie hétérogène du groupe difficile de le prédire, mais il se présente en tout cas comme une bouffée bienvenue d'insouciance de la part d'un Wilco en pleine forme, prenant plaisir à jammer sur un peu tout et n'importe quoi tout en se montrant capable d'éditer ces sessions en un album court, compact et qui se laisse bien volontiers tourner en boucle... Quoi demander peuple ?


Chronique provenant de XSilence

TWazoo
7
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Créée

le 7 août 2015

Critique lue 417 fois

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T. Wazoo

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