« Servants in Heaven, Kings in Hell » met K.O à chaque écoute. Naviguant entre puissance musicale inouïe et punchline bouillonnantes, ce cinquième album de Jedi Mind Tricks, malheureusement assez méconnu en France, est une pure merveille de rythme s’imposant dès les premières minutes comme étant un régal auditif immodérément hypnotique. Moderne et flanqué d’une ambition crépusculaire, donnant aux instru un rythme quasiment pulsatif, l’album se targue en plus d’un classicisme transgressif.


On le sent dès le quatrième morceau, pour lequel le titre de chef-d’œuvre est un euphémisme : « Uncommon Valor : a Vietnam Story », où le rappeur R.A. the Rugged Man narre l’histoire de son père le long de la guerre du Viêt-Nam. Ce morceau ne tarde pas à se viser dans les tripes. Ici, chaque flow pourrait être une chorégraphie de John Woo, ancrée dans une maitrise verbale et musicale à proprement parler hallucinante. Nombreuses sont également les influences, avec notamment Alejandro Jodorowsky, dont le monologue culte de « La Montagne Sacrée » est cité dans le morceau « Razorblade Salvation ».


Et nous n’avons pas parlé de la profondeur des paroles, anti-guerres et d’une sincérité affolante, s’ancrant dans la mélancolie et une violence presque venimeuse. In fine, l’album s’en sort avec une noblesse et une grandeur digne d’être rangée parmi les plus grands classiques du hip-hop. Le flow est particulièrement descriptif, et transmet une fureur d’une rare acuité critiquant ouvertement l’histoire de l’Amérique, se dressant ainsi comme une luxueuse piqure de rappel.


Avec une régularité bluffante, JMT enchaine et déchaine des morceaux tous plus subtiles les uns que les autres, se mariant à n’importe quel contexte d’écoute. « Servants in Heaven, Kings in Hell » est donc un album s’axant avant tout sur les mots. Et à ce titre, rarement le hip-hop aura aussi bien prouver qu’il est aussi une arme. Un moment inoubliable au service d’une œuvre intemporelle. Pour l’auditoire, les mots sont difficiles à trouver. Tout ce que l’on peut dire, c’est qu’il y a en cet album tout ce qui fait l’essence du rap : poésie, politique, grandeur. Une merveille. Une révélation.

Kiwi-
10
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le 31 mars 2017

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