En aiguille, en aiguille (comme conclut l'expression).



C'est venu sur le tard, ma découverte de Matthieu Boogaerts. Je veux dire, sa découverte quoi, l'écouter vraiment, pas juste connaître son nom au loin comme un ensemble de voix françaises qui n'sont encore que des échos, des friches. Peut-être que j'avais déjà eu une oreille sur l'On dirait que ça pleut, j'sais pas trop, mais voilà rien de beaucoup plus que ça - pas grand grand.
Et puis donc on a eu le confinement de mars, avril, et avec son lot de reprises, de petits concerts improvisés à la maison, et dans le lot, l'autre à la voix d'à-coups-de-graves, Bertrand Belin qui plaisantait "tuer le virus" avec le verbe de Dick Annegarn (aparté : quelques jours plus tard, il reprenait aussi Jean-Louis Murat de très belle façon, "que fait cette tige d'or" qu'il scandait, puis il sifflait).


En aiguille, donc, découvrir La Limonade de l'Annegarn par le biais de Belin - ce genre de révélation d'une chanson qui t'aurait manqué jusque-là. Et d'un coup, se devoir d'explorer ce que faisait le bruxellois d'adoption : Sacré Géranium d'abord (Ubu, le petit éléphant, ce genre de gaietés), puis pour y retrouver la limonade qui "coule à flots" dans sa version d'origine, Adieu Verdure (que j'aime peut-être mieux d'ailleurs, plus varié, un peu surprenant dans les tons abordés, le Javer ou le Lille). Et Adieu Verdure, si c'est d'abord La Limonade ou Javer donc pour moi, voilà qu'il y a une voix qui seconde Annegarn (même, le précède) sur Rhapsode, et que cette voix c'est celle de Matthieu Boogaerts.


En aiguille, je disais. Voilà la curiosité agitée, et encore renforcée par quelques notes de Dominique A à propos de l'album Michel ("le sentiment d’abandon assez poignant finalement qui s’en dégage"), et cérémonieusement, enfin je précise cette voix, "une bonne nouvelle", ou "toi qu'a vu l'homme", entre autres entourloupes et vagabondages du chant. Je précise ce que j'en pense, ce qui peu à peu vient à m'émouvoir, la discrétion de quelques éclats, la rigolade d'un Siliguri, et puis que quand même on peut s'y attacher pas mal à ces paroles mâchonnées, on peut partager le sens avec d'autres qui écoutent, et se faire une habitude de ritournelles faites de "Chais pas où t'es parti", de répétitions d'inconnues et de doutes. Et ça a coulé, fait son chemin, de Michel, 2000, puis de 2000, Promeneur maintenant, tout ce qu'il agite et évoque de chaleureux, de plaisant.



C'est une jolie bamboche.



Il apprend pas forcément de nouveaux mots Boogaerts sur Promeneur, mais "bambocher" ça lui irait bien, je trouve. L'un peu caricaturale, picturale vision qui émerge de certaines chansons, de gens qui se font mal, se rabibochent, s'abandonnent, un peu Images d’Épinal mais pas si loin de quelque chose de vrai, en tout cas qui parvient à saisir du moins, ses ritournelles.
Promeneur donc, je l'ai beaucoup aimé tout de suite, une première écoute faite à deux personnes simultanément, à échanger les impressions soudaines, un petit instantané qui n'a pas tant bougé d'ailleurs, les coups de cœur sont plus ou moins les mêmes, les coups de mou aussi. On pourrait y parler de la musique, ses instrumentations de petits battements étouffés, de basse monocorde, de variations discrètes et qui scintillent. Mais enfin c'est pas que ça, c'est accompagné par des petites phrases d'écorce et d'herbe les éclats, une du genre "Là, des débuts difficiles, des embûches pas facile", et compagnie. J'aborderai facilement l'album sur le côté "discussion de coin de thé", et comment les courts thèmes et refrains (2 minutes, à grand peine 3, de chanson le plus souvent) multiplient les reflets simples, les projections sur des amertumes et joies simples, des qu'on confesse avec les proches, ceux dont la vue réchauffe, en buvant une bière.
Oui, c'est ça que ça m'évoque Promeneur je sens bien, quand Matthieu commence avec ses "Qu'en est-il" de rêves écharpés ou à poursuivre, ça comme le questionnement succinct de nos faits et erreurs, nos embarras du doute. Ce n'est pas aussi morne que Michel, il y a du grand air, des cordes et des monts, mais tout de même ça fait un peu la grogne quand ça s'inquiète du dessin bizarre qu'on fait de soi, de la déchéance du glorieux, des méchancetés de tout-chacun.
Rien de très trop malheureux non, même si ça fait parfois plus semblant de croire au bonheur que d'être sagement joyeux aussi (Va, en conseils qu'on dirait pas suivis par la personne qui les fait, le sombre du morceau qui ment avec la lumière cherchée).


Toujours que bavasser tout ça, avec un peu de fausse naïveté, d'humour caustique, ça m'a bien plus, je crois bien. Puis, toutes les fêlures qui lui arrivent dans la voix, au Matthieu, ça finirait par m'adoucir, j'sais bien, et c'est pas trop mal.
Toujours, toujours vers le Soleil, il dit.

Rainure
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le 28 déc. 2020

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Rainure

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