Penis Envy
7.2
Penis Envy

Album de Crass (1981)

« Penis Envy » est le troisième album de CRASS, le groupe fondateur de l'anarcho-punk. Pour commencer il faut bien avoir toujours en tête que dans ce courant musical la pochette et l’esthétisme en général (look, logo) et les textes (surtout les textes, qui ici sont engagés et intéressants) sont aussi importants voire plus que la musique. Le but étant ouvertement de faire passer un message politique, anarchiste et/ou pacifiste, de politiser les punks (en opposition par rapport aux punks uniquement dans un trip « destroy », « provocateurs » ou nihiliste et n’ayant aucune vision politique hormis de se revendiquer « anti-système »). De faire réfléchir. Le groupe s’en prend dès le départ à Clash, politisé certes, mais qui a signé chez le gros label CBS et les accuse de critiquer le capitalisme tout en signant sur une multinationale (cf morceau « Punk is dead » sur le premier LP), ce à quoi Clash rétorquera que cela permet d’avoir une audience et une portée beaucoup plus grandes, une meilleure visibilité (et de fait le London calling de Clash aura une audience plus importante que n’importe quel album de CRASS). Le débat n’est toujours pas résolu et reste ouvert (deux conceptions différentes de l’attitude à avoir face aux majors), malgré tout les faits montrent qu’au final c’est toujours la multinationale qui a le dernier mot (et très rares sont les groupes qui ont assez de poids pour ne pas faire de compromis). Toujours est-il que CRASS fidèle à ses idées créée son propre label, et le mouvement aura ses propres réseaux de distributions, ses propres réseaux de concerts (squats, centres autogérés) ses propres fanzines, les bases du DIY (do it yourself = le faire par soi-même) sont posées. CRASS dès ses débuts joue une musique basique, ultra primaire (notamment sur les deux premiers albums). Musicalement « Penis Envy » est le meilleur album du groupe », plus abouti et travaillé que les deux précédents, le plus accessible aussi, avec les deux chanteuses au micro, Eve Libertine (la chanteuse principale), secondée de Joy de vivre (l’habituel chanteur de CRASS Steve Ignorant n’est donc pas présent sur cet album). J’ai d’ailleurs toujours trouvé que les voix féminines pouvaient amener des ambiances différentes au punk rock, quelque chose de plus, d’intéressant et là c’est clairement le cas avec un timbre de voix assez inhabituel pour l’époque (cf titre « Poison is a pretty pill »). On a beaucoup reproché à CRASS sa pauvreté musicale mais là le groupe s’est surpassé, c’est toujours minimaliste mais ça tient parfaitement la route à tout point de vue. Oui CRASS sait jouer ! Le son, notamment des guitares, est assez typique des premiers groupes anarcho-punk anglais. Mais la voix atténue un peu le côté austère de l’ambiance générale. Sur cet album les textes, habituellement axés sur un pacifisme intransigeant et sur l’anarchisme, prennent ici une thématique plus féministe. Musicalement il y a vraiment de bonnes chansons, ma préférée étant « Where next Colombus ? » avec un refrain qui ne vous lâchera plus. Un très grand titre. Mais aussi « Bata motel », «systematic death », « Poison is pretty pill » et “Berkertex bribe”. Et je ne vois que deux titres un peu faibles « What the fuck ? »(avec son texte récité) et « Our weeding ». En tout cas ce Penis Envy me réconcilie avec CRASS car j’avoue que musicalement parlant je ne suis pas trop fan du premier LP « The feeding of the 5000 » même s’il contient la plupart des standards du groupe. Après la dissolution du groupe fondateur l’anarcho-punk verra quelques divergences apparaître entre ceux qui veulent rester sur la ligne anarcho-pacifiste de CRASS et d’autres qui auront une vision et une stratégie un peu différente (Conflict…), avec malgré tout une base et un cadre communs : le DIY… mais cela est une autre histoire et pour le moment ne boudons pas le plaisir d’écouter ce « Penis Envy » un classique de ce courant, plus important qu’il n’y paraît, mais souvent méconnu dans la mesure où l’intransigeance des groupes les confinait dans un (relatif) anonymat, alors que certains avaient un indéniable talent (Subhumans, Citizen Fish, Inner Terrestrials, Oï Polloï…pour rester en Grande Bretagne).


7,5/10 arrondi à 8/10

nico94

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