Léningrad (actuelle Saint Petersbourg), 1945
La guerre est finie depuis quelques mois à peine.
Après 900 jours de siège non-stop par la Wehrmacht, des bombardements incessants, des millions de morts sur le territoire soviétique, des années de résistance face à l’envahisseur nazi, la famine, le froid, (et j’ai même lu le cannibalisme), l’ancienne capitale russe se relève doucement mais ces trois années ont laissé des traces. Une tragédie et un contexte difficiles à imaginer et pourtant c’est ce que Balagov, le jeune metteur en scène, essaie de faire à travers « Une Grande Fille ».
« La Girafe » et son amie Macha travaillent dans un hôpital comme aide-soignantes, auprès de soldats cassés physiquement et psychologiquement par des années de guerre.
Elles-mêmes sont amochées et souffrent de troubles et de crises, Macha revenue du front retrouve son amie, démobilisée plus tôt.
Sous la coupe d’un médecin humaniste et compatissant elles font ce qu’elles peuvent pour soigner les souffrances et s’attachent à se rendre utiles (la scène d’euthanasie très émouvante d’un soldat tétraplégique et qui ne veut pas rentrer chez lui dans cet état pour que ses filles ne le voient pas faible et inutile).
Et la faim et le froid qui rôdent toujours (même si les apparatchiks eux ne manquent de rien).
Mais en plus un lien les unit (mais je ne veux pas trop dévoiler l’intrigue du film).
Ici il y a peu de dialogue, tout est filmé lentement, avec beaucoup de plans fixes, d’où un côté pesant, éprouvant voire oppressant, la tension est palpable à chaque scène. On sent, connaissant la psychologie des personnages, le contexte, qu’à tout moment il peut se passer quelque chose (et d’ailleurs des choses il s’en passe).
L’esthétisme et la rigueur de la mise en scène sont impressionnants.
Le réalisateur Balagov ne laisse quasiment jamais le spectateur reprendre son souffle et se remettre les idées en place, il veut bouleverser et déranger celui-ci, le faire réagir.
Et aussi la découverte de deux actrices époustouflantes, dans des registres différents.
Impossible de sortir indemne de ce film qui est une charge contre la guerre, ses ravages, la folie et les destructions qu’elle fait subir. Des traumatismes dont il est difficile de s'échapper.
A voir absolument malgré quelques petites longueurs parfois (mais rien de bien méchant).

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le 12 août 2019

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nico94

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