Mr. Dynamite
Mr. Dynamite

Album de Creep Show (2018)

Idées Noires, Funk Sale et Ambient Industriel

L'annonce de l'union entre John Grant (ex chanteur folk du groupe américain Czars) et du trio électronique anglais Wrangler (Stephen Mallinder, ex Cabaret Voltaire; Benge, ex John Foxx And The Maths; Phil Winter, ex Tunng) avait fait son petit effet chez les fans de musique électronique. Comment mêler les vocalises d'un chanteur de folk avec les expériences synthétiques de Wrangler ? Si les deux factions ont sorti divers albums au cours des cinq dernières années (les excellents Grey Tickles, Black Pressure pour John Grant et L.A Spark pour Wrangler), leur union annonçait donc d'ores-et-déjà un rejeton atypique.


Sorti le vendredi 16 mars, Mr. Dynamite est donc le premier album de Creep Show, nom donné à cette alliance étonnante. On retrouve ici tout ce qui faisait déjà le charme de Wrangler dans leurs deux premiers albums : du synthé analogique 70's à foison, des effets vocaux sombres et distordus et des beats électroniques millimétrés. Auteur d'un folk-funk plutôt synthétique dans ses deux derniers albums, Grant s'est parfaitement inclut dans le trio en y apposant sa voix de crooner aux accents à la Iggy Pop, tantôt froide et traitée, tantôt "nature" et douce.


L'album démarre sur le titre éponyme, "Mr. Dynamite". Après quelques notes de synthés planants, une voix robotique nous accueille puis nous entraîne dans une mêlée de beats saccadés. On se trouve là entre les expérimentations de Cabaret Voltaire (Mallinder doit y être pour quelque chose) et le côté plus industriel encore de Nine Inch Nails période Downward Spiral. "Modern Parenting", le titre suivant, s'ouvre sur un côté planant et assez pop : séquences de synthés aériennes, boites à rythmes groovy. La voix, chaude et posée, de John Grant; nous mène au bout de ce titre doux-amer. Notons d'ailleurs l'apparition d'un chœur féminin ajoutant un petit côté soul inattendu à ce morceau dans l'ensemble assez froid. Viens ensuite selon moi le premier point fort du disque, "Tokyo Metro". Situé quelque part entre Autechre et Kraftwerk, le titre est parsemé de boites vocales robotiques, citant les différentes stations du métro de la capitale japonaise, pendant que Mallinder chante en japonais d'une voix couverte d'effets synthétiques. A la fois planant et rythmé, le titre est selon moi empreint d'une certaine dose de mélancolie. Cette mélancolie est encore plus marquée dans le titre suivant, "Endangered Species", m'évoquant une collaboration entre Yellow Magic Orchestra, Aphex Twin et Iggy Pop. Les synthés, assez lumineux, portent une fois de plus la voix de Grant, qui s'essaye au falsetto en clamant un texte un poil nihiliste. Le solo de synthé final évoque une sorte de jazz synthétique futuriste qui n'aurait pas dépareillé dans un film de SF.
La deuxième partie du disque s'ouvre avec "K Mart Johnny". Retour ici à la noirceur du titre introductif. Breakbeats, basse électronique à la Autechre, exclamations vocales distordues de Mallinder. On dérive là dans quelque chose d'à la fois planant et sale, avant l'arrivée d'un beat plus funky au bout de deux minutes, rendant le tout très oppressant. Suit le plus "pop" "Pink Squirrel", son côté électrofunk downtempo renforcé par la voix de Grant, autotunée de manière bien étrange. Les synthés partent dans tous les sens, font des "blips" et des "blops" pendant que la séquence de basse entraine le tout sur un groove intéressant. Ne manque plus que quelques accords de guitare pour en faire un tube... Le titre suivant est un recyclage d'une démo oubliée de Cabaret Voltaire composée à l'époque de Code, "Doom Zoom". Nommé "Lime Ricky", le titre est construit sur une rythmique très funky. Ponctué de samples vocaux et de chant vocodérisé robotique, on se retrouve ici avec une sorte de hip-hop sinistre qui groove comme pas possible. L'album se poursuit avec le très Kraftwerkien "Fall", qui est un poil trop long à mon goût, mais qui regorge cependant de belles mélodies. L'album se termine en grande pompes sur "Safe And Sound", qui retrouve une fois de plus le côté Autechre des débuts (breakbeats, nappes lumineuses et basse synthétique ronde) pour mieux transporter la voix de Grant vers des sommets jamais atteints sur ce disque. Très beau lyriquement et musicalement, le morceau referme doucement ce Mr. Dynamite.


Je dois avouer être agréablement surpris par ce disque, n'attendant plus rien de Wrangler après leur décevant White Glue sorti en 2016. L'association avec John Grant leur permet donc une meilleure exposition, mais également une voix qui semble être parfaite pour leur musique électronique un rien bizarre. Ce premier album de Creep Show va, je pense, devenir un de mes disques préférés de 2018. Il serait beau de voir cette formation prendre la route pour le live, et pourquoi pas poursuivre la composition.

Blank_Frank
8
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le 17 mars 2018

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