Love Streams
7
Love Streams

Album de Tim Hecker (2016)

Faut-il encore présenter Tim Hecker ? En 15 ans de carrière, le Canadien a en effet réussi à se hisser au sommet de la chaine alimentaire de l’ambient. Et s’il est aujourd’hui le porte-étendard d’une scène pourtant immensément vaste, condamnant des artistes comme Fennesz, Lawrence English ou Rafael Anton Irisari à devoir se contenter de miettes de reconnaissance critique, cela s’explique parfaitement par l’ampleur et la diversité des travaux du Canadien : de la beauté simple du drone ambient des débuts aux cathédrales sonores de Virgins, Tim Hecker a toujours préféré bouleverser ses habitudes plutôt que de perfectionner dans ses travaux une unique approche.


Après l’intégration d’instruments à partir de Ravedeath 1972, Hecker choisit donc d’ajouter sur ce Love Streams le plus ancien instrument (et probablement le plus utilisé) qui soit : la voix. Pas pour communiquer un quelconque message, mais pour au contraire désorienter un peu plus.


Reprenant les structures de Virgins, Tim Hecker nous fait encore évoluer dans des édifices au bord de la rupture, les ambiances de fin du monde en moins. Il fait en effet rentrer bien plus de lumière dans ses constructions, notamment en adoucissant les différences de ton entre les parties électroniques et acoustiques, là où Virgins faisait au contraire tout pour les mettre en avant. De ce précédent album ne reste dès lors plus que l’aspect quasi-sacré, comme si après avoir bâti une cathédrale il fallait bien un chœur pour l’habiter.


Et si on se demande ce que peut bien proposer Hecker au début de l’album (la faute à une introduction assez inintéressante), les constructions mélodiques mises en place par la suite forcent le respect, tant celles-ci semblent émerger au détour d’une voix étirée, pour aussitôt replonger dans le brouillard, le temps de muter et revenir. Hecker fait ainsi subir à ses chœurs le même sort qu'au piano de Ravedeath 1972, les torturant et les rompant pour mieux les ré-assembler quelques secondes plus tard, façonnant ainsi un ensemble fragile et bancal, aux allures baroques. Symbole de cette fragilité, le thème de la chute est parfaitement incarné par "Collapse Sonata" un morceau faisant directement référence à l’effondrement de la scène sous les pieds d’un orchestre chinois pendant une prestation - orchestre par ailleurs représenté sur la pochette du disque.


À l'écoute de Love Streams, on en vient finalement à se demander quelle pourrait bien être la prochaine étape dans la discographie de Tim Hecker, lui qui a œuvré à la construction d'édifices splendides dont il a orchestré la déconstruction méthodique. Car loin d'entendre un artiste révolutionner sa musique, on a avant tout ici l’impression de l'entendre se livrer à une très belle synthèse de ce qu’il a pu proposer ces cinq dernières années. Bref il faudra attendre encore un peu avant de vraiment pouvoir crier à nouveau au génie.


Critique originellement publiée sur Goûte Mes Disques

Gweilo
7
Écrit par

Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur et l'a ajouté à sa liste I Am Made of Endless Hours

Créée

le 7 juin 2016

Critique lue 304 fois

6 j'aime

Gweilo

Écrit par

Critique lue 304 fois

6

Du même critique

Harmony in Ultraviolet
Gweilo
10

Haunt Me, Haunt Me Do It Again

"Ce que j'essaye de vous traduire est plus mystérieux, s'enchevêtre aux racines même de l'être, à la source impalpable des sensations" Paul Cézanne Comment aborder un disque de Tim Hecker ? La...

le 20 juil. 2015

26 j'aime

1

Opus Eponymous
Gweilo
7

Satanisme en carton

Quand on parle de satanisme et de metal, on s’attend généralement à ce que soit évoqué le black metal ou le groupe de death metal Deicide, et non pas Ghost, groupe entre doom metal et hard rock. Et...

le 21 juil. 2014

25 j'aime

1

Symbolic
Gweilo
9

Seigneur Schuldiner

Chuck Schuldiner, on le savait, était un guitariste exceptionnel et un homme avec une vision très précise des choses, son groupe n'étant au final qu'une extension de lui-même, Chuck en étant le seul...

le 24 oct. 2014

23 j'aime

4