Employment
6.9
Employment

Album de Kaiser Chiefs (2005)

De deux choses l’une. Soit on considère le groupe Kaiser Chiefs comme encore un nouveau représentant de la « britpop », auquel cas ils résolvent par un pied-de-nez malicieux l’ennuyeuse querelle entre Blur et Oasis. Soit on préfère les ranger dans la catégorie « rock indépendant », auquel cas ils représentent l’aile plutôt conformiste de ce mouvement. Mais trêve de classifications aux tendances réductionnistes. Quelle que soit la catégorie où l’on « range » les Kaiser Chiefs, ce sont des cas d’école qui prouvent qu’il est toujours possible de faire des choses formidables rien qu'avec des paroles légères ponctuées de « oooh », de « aaah », de « wouhouu » et de « lalala » sur un fond instrumental assez basique. Les Ecossais de Franz Ferdinand ont trouvé leur alter ego anglais, et ils ont de quoi se faire du souci !


Employment est une véritable machine à tubes. Même les morceaux qui n’ont pas fini dans le top 10 des Charts auraient pu le faire aisément. La sauce prend à chaque fois, le groupe emmenant l’auditeur sur sa rythmique rafraîchissante et ses mélodies accrocheuses. Hormis un « Saturday Night » qui semble puiser très loin dans la verve lourde, l’album possède une certaine unité, chaque chanson étant comparable à la précédente sans pour autant faire double emploi. "You Can Have It All" en est sans doute le meilleur échantillon, suivi de près par "Modern Way" (dont le clip vidéo vaut le détour). Si la première est stimulante malgré son solo de guitare qui ne fait que répéter la mélodie chantée, la seconde parvient à ménager un suspense subtil dans un passage novateur où quelques notes électroniques sans cohérence apparente sortent des baffles comme un triste pantin à ressort de sa boîte.


Une certaine authenticité émane de la voix du chanteur Ricky Nelson. Le côté joyeux et effréné pourrait faire penser que les Kaiser Chiefs vivent dans un monde d’euphorie permanente. Mais les apparences sont trompeuses : tout n’est pas gentillet, les paroles expriment souvent des choses négatives sur un ton festif et l’atmosphère dégagée par l’album oscille entre le tempérament d’un gentleman bien British et celui d’un voyou désabusé qui a décidé de prendre le monde en dérision. Ainsi, sur la première chanson « Everyday I Love You Less and Less », le narrateur offre une leçon de misanthropie en ayant l’air désolé de rejeter l’amour qui s’offre à lui. L’égocentrisme, perceptible dans d’autres chansons, y est exacerbé au point de devenir cocasse. Quant à la dernière, « Caroline, Yes », elle semble se moquer respectueusement des Beach Boys dont le groupe ne renie pourtant pas l’influence.


L’album est majoritairement dominé par le chant, mais cela n’empêche pas les différents instruments de trouver leur place et de réserver eux aussi quelques surprises. La part belle est faite aux mélodies organiques et autres sons de claviers qui s’insèrent à merveille dans la texture musicale et forment une composante indispensable de l’esprit du groupe. Les Kaiser Chiefs ne révolutionnent pas grand-chose, mais ce qu’ils proposent n’en est pas moins unique. C’est un cocktail détonnant où les influences s’effacent suffisamment pour qu’on ait la sensation d’écouter quelque chose de nouveau, ne serait-ce que parce que le travail est effectué avec brio. Le sautillement irrésistible rapproche parfois la musique des Kaiser Chiefs de celle des Doors, mais elle est définitivement plus ancrée dans la période contemporaine.


Ce premier album des fans du club de football sud-africain Kaizer Chiefs est donc une pilule efficace contre des maux tels que l’ennui, la dépression ou une overdose de mauvaise soupe pop/rock trop entendue à la radio. Il est à ce jour le meilleur album du groupe, et mérite de figurer en tête de ce que le rock « commercial » a produit de mieux depuis les années 2000.

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