Ce nouvel opus de Kasabian, sorti cette année, est passé un peu inaperçu ; moi-même, je n’ai appris son existence que lors des dernières vacances, en me baladant sur des sites de critiques, alors qu’il était sorti en juin, et pourtant j’aime beaucoup ce groupe ; et ceux qui l’ont écouté l’ont bien souvent sous-estimé. C’est que, à leur habitude, les britanniques n’ont pas mis en place une large campagne de publicité, contrairement à ce qui c’était fait par exemple pour le dernier Muse ou le dernier Arctic Monkeys ; le groupe revendique toujours cette indépendance, et la pochette rose fushia immonde, avec comme titre la durée de l’album, et sur la face arrière la durée de chacune des chansons ; rien d’autre.
J’avais oublié à quel point les albums de Kasabian commençaient fort. La court morceau « Shiva » fait partie des introductions qui me plaisent, qui intriguent, ne laissent pas du tout présager ce que sera l’album, créant une ambiance mystérieuse et profonde. Et puis c’est l’explosion. Un grand déluge de sons, de guitares, de batterie, de secondes voix, entre dans les oreilles, puis le rythme redescend, puis remonte ; c’est le savant mélange de « Bumblebee », première bombe de cet album. On retrouve l’assemblage entre la superbe voix de Tom Meighan, accompagné des guitares, de la seconde voix et du texte de Sergio Pizzorno.
Alors qu’on croyait déjà avoir touché de la très bonne musique, le groupe en remet un coup avec « Stevie », sans conteste la meilleure chanson de l’album. Les violoncelles du début rappellent l’orchestration de "Unsustainable" de Muse, et réussissent avec le même brio à intercaler des rappels du classique au-milieu du morceau très rock. Le début du couplet apparaît donc déjà très puissant, par contraste avec l’introduction ; puis le refrain ira encore plus loin, plus haut, plus fort ; on est complètement emportés.
L’album se poursuit avec ce savant mélange : union entre Meighan (chanteur) et Pizzorno (compositeur, auteur et guitariste), aux styles complètement différents ; union entre le rock alternatif qui a fait la célébrité du groupe, auquel s’ajoutent quelques tendances électro, sans que ces tendances ne deviennent massives, à part dans « Eez-eh », dont le texte me laisse complètement indifférent, mais qui reste tout de même une bonne chanson. « Doomsday », « Treat », « Explodes », « Clouds » sont toute quatre des très bonnes chansons ; accompagnés de deux courts morceaux, « Mortis » et « Levitation », qui font de bons contrastes. J’ai néanmoins des réserves sur « Bow » et « S.P.S », les deux dernières chansons de l’album, qui sont aussi à mon avis les plus mauvaises.
Certains ont prétendu que cet album constituait un tournant majeur du groupe, notamment en faveur de l’électro. Ce sont, à mon avis, des gens qui n’ont écouté que « Eez-eh » : l’ambiance de l’album reste très rock et, en réalité, les moments d’électro sont en grande partie des approfondissements de tendances qui étaient déjà dans le groupe ; quand on écoute bien, sur de nombreux morceaux des autres albums se trouvent déjà des sons électroniques.
Le concert de la tournée que j’ai pu voir au Zénith de Paris m’a convaincu de cette absence de revirement : c’était bel et bien un concert de rock, et un très bon (j’ai largement préféré ce concert à celui que j’avais vu de Muse). Pour le dire simplement : Kasabian déchire sur scène. « Bumblebee » et « Treat » ont été deux grands moments de ce concert. Même, en sortant du concert, je me disais que Kasabian était peut-être le meilleur group de rock au monde ; moi qui ai été autrefois fan de Muse, je place désormais Kasabian au-dessus.
Je crois que Kasabian va rapidement devenir un groupe culte. Ils n’ont pas encore le succès de Muse, parce qu’ils ont choisi de ne pas se vendre en faisant des chansons aussi niaises ou commerciales que « Starlight », « Undisclosed Desires » ou « Madness » ; et ils n’ont pas autant de prétentions intellectuelles ; la poésie des textes de Pizzorno est beaucoup plus profonde, plus simple aussi, mais en lisant les textes on se rend compte qu’il y a toujours quelque chose qui ne va pas, il y a toujours un mystère ; là où Muse, dans ses derniers albums, s’est quelque peu abandonné au kitsch.
Cela nous donne donc désormais cinq albums de Kasabian. Cinq bon albums d’un très bon groupe. A redécouvrir.
(J'ai écrit l'original de cette critique ici : http://wildcritics.com/?q=critiques/4813-kasabian)