Je ne suis qu’un ignare en ce qui concerne Blur, ne connaissant que ses singles gentillets, alors qu’est-ce que je peux bien foutre ici, à adorer quelque chose qui me dépasse ? 13 est bien pourtant un album à part, différent, sortant des sentiers battus dans leur discographie, c’est celui qui a attiré en premier ma curiosité, et voilà ce que j’y ai trouvé sur mon chemin.
Sur mon chemin "Coffee And TV" m’a séduit de suite, (et puis zut cette bouteille de lait dans le clip est beaucoup trop mignonne) je suis tombé dedans très naïvement, sans aller plus loin, je ne m’y suis replongé que bien plus tard.
Sur mon chemin je me suis d’abord heurté à un mur de son. J’ai même caché mes yeux en voyant Blur s’accoupler avec le Shoegaze si chéri des années 90, pour donner naissance à cette galette si étrange.
Sur mon chemin j’ai compris la noirceur de ce mur de son pour le franchir. La détresse amoureuse d’une rupture, l’inspiration droguée qui lui permet de surpasser sa douleur, sa couleur “Caramel", sucrée, réconfortante, dans un album qui l’enferme loin de toute cette agitation, toute cette exposition. Cette libération temporaire, sucrée, elle est très bien imagée dans "Swamp Song", tout ces “Gimme Good Times” répétés, souhaités, puis regrettés car très vite indisociables du “I wanna be with you" murmuré en refrain. C’est une introspection renfermée, une mise à nu de Damon Albarn (comme le bonhomme de la pochette peut laisser suggérer, de la même teinte caramel qu’une héroïne portée à ébullition), une oeuvre conflictuelle contre soi même, “Battle”, mais surtout “Tender”, une belle ode gospel. On pourrait se demander s’il s’agit du même album, jusqu’à ce qu’on se penche sur les paroles, la lutte pour l’oubli qu’elle représente. J’ai été témoin d’une scène plus touchante, celle de l’acceptation de “No Distance Left To Run", à la fin de l’album, celle de Damon, qui au milieu du mur finit enfin par surpasser sa peine et accepter que son ex compagne puisse être heureuse avec quelqu’un d’autre, et ce malgré la désillusion dégoulinante de son album.
Sur mon chemin je me suis senti à mon tour très mélancolique, sous un ciel gris d’automne. Lassé comme "Coffee And TV" de toutes ces ondes, ces bruits parasites, cette agitation, languissant un calme jamais plus retrouvé au milieu de tout ce train train quotidien de la ville. Tout ça pour finir littéralement douché par la pluie de sons de “1992", dont on ressort inondé de confusion.
Je me suis même moqué de la musique commerciale avec Blur en chemin, comme une petite parenthèse dans l’album, c’était sur “B.L.U.R.E.M.I”. Et puis c’est parti en couille dans les dernières secondes du morceau, un clavier étrange et pesant m’a fait très vite oublier mon sarcasme comme pour me remettre sur le droit chemin (pas fait exprès, j’vous jure) de la fidèle morosité ambiante.
Sur mon chemin j’ai même fait preuve d’incompréhension en me heurtant à “Battle" et sa construction si particulière. On parlait d’étrange pour ce disque ? Elle est très bien dans le thème. Je me suis perdu, de la même manière, dans les sentiers de “Caramel", petit pic difficile d’accès au beau milieu de la paroi à laquelle je me heurte.
Sur mon chemin j’ai admiré la classe de Coxon, bien moins dans l’ombre cette fois (et ça continuera avec ses futurs projets perso, faudra que je m’y penche aussi tiens …), ce petit pont anxiogène délicieux qui se répète dans “Trailerpark” nous fige sur place et rend cette piste particulièrement intéressante. Monsieur Coxon, au chant, fait même mieux que se défendre, il marque encore plus de nostalgie ce petit bijou de “Coffee and TV" bien à part dans cet album. Sa guitare crachotante, chatoyante de shoegaze sur “Bugman” dissémine ses notes dissonantes dans tout l’album, sans en rajouter des tonnes, sans en faire trop peu non plus, ce sera la marque de fabrique mélodique de 13.
Sur mon chemin j’ai été bercé, dorloté pendant une petite pause, par "Mellow Song", et puis forcément, son final m’a replongé dans ce mur de sonorité, qui commençait maintenant à être bien familier. Et puis par cet instrumental en clôture, "Optigan I" comme une invitation à passer à autre chose, un mur enthousiaste d’avoir livré ses secrets, Damon soulagé d’avoir laissé libre cours à sa peine, purgé après le musée de bizarreries musicales qu’il vient de pondre.
Ayant fini mon bout de chemin depuis un certain temps je voulais coller un 7 coeur, mais si ce chemin est bouclé depuis si longtemps, et si je suis encore ici, c’est que mon petit cerveau de randonneur entêté a apprécié les lacets épineux de ce mur de son, et s’est entiché de ses subtilités. Allez, un 8 !