Les meilleurs films de Denis Villeneuve selon trineor

Annotation :

Peut-être le plus grand chef-d'œuvre de plasticien sur lequel il m'ait été donné de poser les yeux.

Annotation :

La démonstration technique la plus éblouissante de Villeneuve et, pour ne rien gâcher, une écriture magistrale dont le suspense m'a mordu à l'os dès l'introduction pour ne plus me lâcher avant la fin.

L'esthétique est à la fois incroyable de précision et dénuée de tout maniérisme, ce qui permet au film d'installer son atmosphère dans une enveloppe visuelle caractéristiquement rugueuse et élégante. À l'exception sans doute du Michael Mann des grands jours – plus encore que Heat, je pense à The Insider – j'ai peu de souvenirs de films policiers si brillamment pesants et oppressants. Le coup de génie de Sicario, à ce qu'il me semble, est de réussir à entretenir l'inquiétude d'un spectateur gardé jusqu'au dernier acte dans le même état d'incompréhension que le personnage d'Emily Blunt, avant de récompenser l'attente par une dernière demi-heure en forme de gigantesque point d'orgue – ce, que ce soit du point de vue de la réalisation ou du point de vue des révélations qui, plus qu'être à la hauteur du flou entretenu jusque là, parviennent à transfigurer rétroactivement tout le sens et la portée du film.

La séquence du convoi dans Juárez à mi-film mérite une mention particulière tant elle est menée de main de maître ; de même, les nappes électro rugueuses de Jóhann Jóhannsson ou le travail de Roger Deakins à la photographie, qui apportent énormément à la noirceur générale du film.

Annotation :

Ambiance glaçante, quelque part entre Hitchcock et Cronenberg ; symbolisme rêche ; mise en scène paranoïaque ; esthétique clinique et lancinante ; photographie jaunâtre maladive.

Ce n'est assurément pas fait pour jouer un numéro de charme, et ça pourra très légitimement paraître inutilement lent et hermétique à ceux qu'indifférera le sous-texte sur l'impuissance et sur la peur des femmes ; mais passées ces réticences, Villeneuve signe un thriller psychologique obsessionnel à ranger sans rougir près de Vertigo.

Annotation :

On se croirait chez Fincher pour ce qui est de la rigueur millimétrée des travellings et la composition des cadres ; chez Clint Eastwood à la façon de Mystic River pour ce qui est des personnages tels autant d'écorchés pathétiques indépêtrablement bourreaux et victimes.

C'est prenant, c'est noir, c'est émouvant, et ça ne mollit jamais sur ses plus de deux heures et demi. Vraiment un thriller de très belle facture et, pour moi qui ne suis pas spécialement friand du genre, parmi les meilleurs de ces dernières années à côté de Gone Girl.

Annotation :

À vouloir trop donner dans l'horreur tragique, ça finit par forcer un peu le trait (au risque de lorgner vers la cruauté sadique) et ne plus être tout à fait aussi bouleversant que ç'aurait pu en marquant davantage de retenue. Mais ça reste, quoi qu'il en soit, indéniablement soigné, bien joué et émouvant.

Annotation :

Très classe plastiquement – minimal, austère, hanté par la musique de Max Richter et de Jóhann Jóhannsson – et passionnant pour ce qui est de l'angle choisi sur son thème – traiter la rencontre avec un peuple extraterrestre du point de vue d'une linguiste chargée face à une langue inconnue d'aller établir la communication.

Juste dommage que le scénario, incapable de résoudre proprement les pistes lancées dans la première heure, dégoupille complètement dans la deuxième et s'embarque dans une grande foire au n'importe quoi qui, contrairement au dégoupillage du trou noir d'Interstellar – lequel relevait d'un véritable désir de Nolan de s'abandonner à un de ses habituels vertiges de scénariste-illusionniste – relève ici de l'expédient bancal d'un scénariste incapable de boucler son affaire. Le paradoxe temporel du dernier acte n'est pas loin d'être honteux.

Annotation :

Qu'il me rend triste, ce film !

Pourtant Dieu sait que j’aime ce style chez Villeneuve, ce cinéma taillé comme une architecture brutaliste — ample, massif, monolithique, pur. Mais là c’était juste gris et mort. Élégant, propre, scrupuleux sans doute. Mais gris et mort.

J’y allais a priori persuadé d’aimer ce que je verrais. Et finalement rien. Pas d’étrangeté, pas de poésie, pas d’émerveillement, pas de découverte. Des scènes d’exposition sans âme qui se succèdent, où tout est exposé par la parole et rien, jamais, par l’image. Un récit qui s’interrompt abruptement à la fin de son deuxième acte, au bout de plus de deux heures et demie dont on n’a aucune idée d’où elles sont passées ni de ce que le film a bien pu en faire.

Limite, toute bancale et un peu ridicule qu’elle était, la version de Lynch m’a procuré dix fois plus de cinéma et de plaisir que ça. Là j’ai vu un film raté, sans joie, exécuté avec une élégance aussi scrupuleuse que monotone au milieu de somptueux décors vides et sans vie.

Où est passé le Denis Villeneuve de Blade Runner 2049 ? Celui qui fabriquait de la durée saturée de sensations ? Celui qui jouait avec la présence physique jusqu’à rendre de l’immatérialité palpable ? Celui qui composait des plans habités, imprégnés de mélancolie ?

Le plus triste est que, manifestement, ce Dune était pour Villeneuve le projet d’une vie. Il a tant dû vouloir respecter son matériau, être irréprochable et rendre une belle copie d'élève exemplaire que, ce faisant, il a oublié de faire un film.