Quand il n’y a plus de place en enfer, les morts reviennent sur terre

Tiré de l’armée des morts

L’utilisation des zombies dans l’art a évolué dans le temps. Il s’est progressivement détourné de son rôle purement horrifique pour devenir une allégorie de notre société de gens rouages qui errent sans but et sans autres fonctions que de rendre cette société pérenne. Et même si ce qu’on appelle plus couramment « La masse » est une idée hypothétique et arrogante de la vie (car selon elle la majorité des gens vivent leur vie sans avoir de questionnements dit « profond »), il faut admettre que ce décors a pu permettre à de grandes œuvres d’illustrer le rapport entre un individu et la société dans laquelle il évolue ; c’est le cas par exemple de Shaun of the Dead et désormais de Zom 100: Bucket List of the Dead.


Le choix du zombie dans Zom 100: Bucket List of the Dead est intéressant de par le cadre dans lequel se déroule l’histoire : la société nippone. Le Japon a en effet tendance à plus encourager une certaine uniformisation entre les japonais (l’idée de ne pas sortir du rang, de ne pas trop se démarquer pour ne pas imposer sa présence à autrui), donc sans non plus partir dans un extrême « C’est une société de zombie » on peut se dire que le choix du zombie résonne beaucoup plus dans un espace ou l’on peine plus à exprimer son individualité. On peut de plus se réjouir du fait que le thème du zombie dans l’œuvre ne mène pas au cliché arrogant d’individus éclairés face à une masse de gens stupides. La série (et le manga dont elle est adaptée) contourne le problème en faisant de la liberté le thème central de l’œuvre et en la rendant, sur le papier, accessible à chacun de ses personnages.


Ce sujet est notamment utile pour se débarrasser de l’aspect horrifique qui est amené avec l’idée d’une invasion de zombie. En décrivant avec minutie l’enfer des rouages de comportements abusifs au travail, l’arrivée des zombies donne plus au protagoniste une délivrance qu’une réelle place en enfer. La menace représentée par les morts vivants ne se ressent en effet que dans le deuxième épisode, et c’est sans compter l’amorce faite par le premier qui traite la chose de manière presque comique. La colorimétrie aide aussi grandement à casser une quelconque ambiance de peur avec des décors très colorés et des tâches de couleurs sur les zombies. Hormis durant la scène avec les hôtesses de l’air, on ne retrouve pas vraiment de scènes choquantes/horrifiques. Plus la série avance moins elle se focalise sur les morts vivants, qui comme dit précédemment se positionnent en petit à petit en décor, pour que la question devienne de plus en plus pour le spectateur : « Par quel moyen nos personnages vont s’en sortir ».

Le revers de cette médaille est peut-être une perte de la tension très rapide. On perd vite toute peur de voir nos personnages en difficulté, la série ayant délégué les zombies à un simple rôle métaphorique, laissant tomber la forme (dans son aspect narratif pur), au détriment du fond. On arrive beaucoup trop vite à ce palier de croissance dans les œuvres de survie où les personnages sont trop forts par rapport à la menace. C’est un défaut gênant mais pas non plus encombrant car la forme arrive à s’exprimer par d’autres manières intéressantes comme l’animation des zombies qui par exemple, permet des scènes marquantes comme avec les voisins où la crush d’Akira ou encore en grand nombre, donne une impression de masse liquide, parfaite représentation de « La masse ». Malheureusement, ces scènes se rarifient grandement au fil des épisodes, et la suspension consentie est parfois mise à l’épreuve à cause de la suprématie de la métaphore qui fait que tout s’emboîte trop bien, comme le charpentier dans le dernier épisode. Bien heureusement, cet aspect bancal arrive généralement à ne pas bousculer le cœur de son propos, notamment grâce à sa mise en scène, bien que la narration en soit légèrement impactée.

Mais revenons aux thèmes abordés ; ce n’est pas parce qu’il désamorce la peur que Zom 100: Bucket List of the Dead ne traite pas sérieusement de ses sujets. Au-delà de cette idée de liberté, l’œuvre aborde en premier lieu de ce qui entrave cette liberté, avec le sujet de la vie en entreprise. Le premier épisode sert d’exposition à tous les travers reprochés à cette culture du travail réputée très présente au Japon : harcèlements, dépassement des horaires, négociations sexuelles, ect. La première partie de l’anime se base d’ailleurs sur la relation entre Akira, le protagoniste et le travail. Il donne lieu à une opposition avec son ancien patron (un des moments où l’on se rend le plus compte que les zombies ne sont devenus qu’un décor à l’histoire) pour se libérer de cet épisode traumatisant de sa vie. Le sujet se développera également par une opposition entre la ville et la campagne, le travail rural étant certes plus dur mais aussi plus social, comparé à une grande ville ou on ne peut pas nommer ses collègues.

Si tous les personnages ne sont pas très intéressants (comme Beatrix), on peut tout de même voir que le personnage de Shizuka a une évolution intéressante (même si sur la fin elle finit un peu par s’effacer dans le groupe, comme si sa personnalité avait « trop » évolué, notamment l’idée qu’elle préfère se zombifier que d’embrasser un homme) dans la définition de la liberté acquise. Malgré sa présentation qui vise à la présenter comme charismatique et sans faille, au fil de l’histoire on va se rendre compte qu’elle ne sort pas heureuse de son mode de vie basé sur l’optimisation, qu’à trop survivre on elle en oublie de vivre. Son comportement sert au début à mettre en exergues la stupidité du comportement de nos deux protagonistes qui paradoxalement sortent les plus grandis du désastre.

Même si le combat final est un peu télescopé, il offre cependant une némésis métaphorique aux quatre personnages, ce que chacun aurait pu devenir dans d’autres conditions, en s’appuyant sur le négatif et en voulant donner au monde un même négatif. Akira permet de poser une distinction entre liberté et chaos, avec une forme de doctrine « Bonheur pour moi, bonheur pour les autres ».

En conclusion, sans révolutionner les codes du zombie, Zom 100: Bucket List of the Dead arrivent à s’en servir avec brio pour dépeindre les travers de la société nippone. La mise en scène et l’avalanche de situations burlesques capte le spectateur et arrive à le détourner d’une narration affaiblie pour optimiser la métaphore d’une liberté retrouvée, dans un monde où les zombies sont plus fréquentables que ses collègues de travail, dans un monde où un enfer en a mangé un autre.

Le bonheur est un rêve d'enfant réalisé dans l'âge adulte.

Sigmund Freud

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le 29 déc. 2023

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Lordlyonor

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