Waco
7.2
Waco

Série Paramount Network (2018)

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Quand les flingues remplacent les cerveaux

Les Etats-Unis, ce pays qui fascine autant qu'il fait peur. Une société sans pitié, marquée par une histoire violente masquée par une économie en bonne santé, une technologie de pointe et une influence mondiale. Tel est le paradoxe américain si difficile à cerner. Fusillades, tueries de masse, bavures policières font partie du quotidien des américains et pas seulement celui des classes populaires. Forcément, il y a beaucoup de choses à dire, de parallèles à faire sur ce sujet mais je ne vais pas trop m'étendre non plus sous peine de vous perdre en cours de route.


Le siège de Waco reste à ce jour l'une des plus grandes catastrophes humaines qu'ait connu les Etats-Unis depuis la Guerre de Sécession, et sûrement l'une des plus représentatives des maux américains. La mini-série des frères Dowdle nous propose de revenir sur cette tragédie en 6 épisodes. Porter sur petit écran une des plus grandes controverses du pays n'était pas une tâche facile. Il ne fallait déjà pas tomber dans un manichéisme primaire en essayant de bien doser les deux points de vue de l'affaire à savoir d'un côté les Davidiens et de l'autre les autorités. L'autre défi était évidemment de développer tout l'aspect dramatique en misant beaucoup sur les émotions de part et d'autre. Néanmoins, Waco n'est ni un biopic ni un documentaire mais plutôt une œuvre de mémoire.


Petit rappel vulgarisé du contexte. Vernon Howell rebaptisé David Koresh, est un homme paumé, moqué durant son enfance car dyslexique et peu futé, abandonné par son père et en partie par sa mère. Il rejoint rapidement les Branch Davidians, une secte issue des Adventistes du Septième Jour. Après avoir appris la Bible par cœur, il s'autoproclame comme prophète recevant ses ordres de Dieu seulement et prend la tête du groupe. Rassemblant de plus en plus de fidèles, il s'installe dans un grand ranch à l'extérieur de Waco au Texas. Toujours assez complexé, il défend la polygamie, se marie avec une fille de 14 ans et se met à faire des enfants un petit peu partout dans la communauté. Gros adeptes de l'Apocalypse, les Davidiens se mettent au fil des années à rassembler une grosse quantité d'armes illégales pour se défendre contre les "hordes impies du Malin". Tout cela éveille bien sûr l'inquiétude des autorités qui voient en Koresh les signes d'un perturbateur social en plus d'un pécheur pédophile (faut pas oublier qu'ils sont pas mal branchés religion les ricains). Reste que ces Davidiens ne gênent personne et respectent le choix de vie des autres citoyens.


Ce qui me paraît intéressant à souligner, c'est le choix des Dowdle de raconter cette histoire en suivant une certaine ligne directrice : commencer par l'incident à Ruby Ridge ayant eu lieu quelques mois avant celui de Waco n'est pas anodin, cela est déjà annonciateur de ce qu'il va suivre. La raison ? L'homme a la fâcheuse habitude de ne jamais tenir compte de ses erreurs surtout quand on les banalise. "Ah, j'ai buté une femme non armée qui ne représentait aucun danger, arf on fera plus attention la prochaine fois."
- Ne vous inquiétez pas, c'est pas très grave je vais même augmenter votre budget pour que vous achetiez plus de guns. "
D'emblée, le message est assez clair : les choses ne peuvent que mal se passer.


On ressentira ce fatalisme tout au long de la série. Gary, le négociateur du FBI, magnifiquement interprété par Michael Shannon est alors dès le départ isolé. Les relations avec ses collègues de l'unité d'intervention du FBI sont plus que tendues, ces derniers voulant la jouer cowboy coûte que coûte. Mais lorsqu'il arrive sur place après le souk causé par l'ATF, on voit tout de suite qu'il a de mauvais pressentiments. Et cela ne s'arrange pas puisqu'il se rend compte que ses méthodes qui marchaient autrefois ne fonctionnent pas avec David Koresh qui s'avère ne pas être le débile décrit par les autorités et les médias.


Waco possède donc deux temps forts correspondant aux deux assauts menés à l'encontre de la secte. Pour autant, il y a une progression régulière sur le plan dramatique, mention spéciale à la guerre psychologique ayant lieu pendant le siège qui est très bien mise en scène. La réalisation d'un point de vue global est à la hauteur : aucune prise de risque, et un réalisme plutôt respecté. Les acteurs sont eux aussi au diapason. Jusque là Taylor Kitsch ne m'avait jamais vraiment convaincu, mais son interprétation d'un Koresh à la fois illuminé, manipulateur et sensible est parfaitement juste. Julia Garner (aperçue dans la série Ozark) est très touchante dans son personnage de Michelle qui n'arrive pas à admettre qu'elle se sent prisonnière. Il est vrai que l'on pourrait regretter un peu plus de développement chez certains personnages mais c'était compliqué étant donné le format et un rythme général assez lent et pesant. Sur ce dernier point, je regrette une bande sonore trop absente qui aurait dû apporter un peu plus en termes d'intensité et d'émotions.


Finalement, Waco joue à mon sens sur un bon équilibre en exposant les causes internes et externes de ce drame mais en ne tombant pas non plus dans le pathos. On en revient là au manichéisme dont je parlais au début de cette critique… Il a été selon moi plutôt bien évité et ce jusqu'à la fin. Et même si cela a été décrié par certains observateurs, je pense que mon regard étranger sur cette affaire est légitime. Le poids de la culpabilité chez chacune des parties est dur à admettre surtout pour le FBI et l'ATF qui continuent de cracher aujourd'hui sur les victimes de ce drame en niant la vérité. Malgré des milliers de morts depuis 1993, la question des armes subsiste toujours et aucune solution n'est encore envisagée. En cela, tous les américains sont responsables. Et le serpent continuera à se mordre la queue.


Waco passera sûrement inaperçue en France mais je vous conseille de la regarder rien que pour le portrait d'une Amérique malade qui y est dressé.

Le_Bison_Rutilant
8

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Créée

le 8 mars 2018

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