The Young Ones
7.8
The Young Ones

Série BBC Two (1982)

The Young Ones c’est le joyeux bordel de quatre colocataires qui n’ont rien, mais alors rien, en commun. Sauf leur amour pour Cliff Richard. Éternels étudiants sans grande ambition, ils semblent voués à se foutre sur la gueule entre deux combines foireuses, son fond d’une marginalité fantasmée en rébellion à la junte Thatchérienne. (P)Rick (avec un P qu’on ne prononce pas) (Rik Mayall) est un gamin gâté et anarchiste, il recherche sans cesse l’attention des autres. Se fait taper par Vyvyan. Vyvyan (Adrian Edmondson) est un punk, un violent instinctif qui préfère les murs aux portes. Se fait taper par Rick. Neil (Nigel Planer) le hippie, défenseur des végétaux, suicidaire et homme de maison. Se fait taper par Rick, Mike et parfois étrangement épargné par Vyvyan. Mike (Christopher Ryan), le mec cool, homme à femme, probablement le plus sensé de la bande. Globalement respecté, excepté un « Mike you bastard ! », lancé par un Rick apeuré. Un membre de la famille Balowski (Alexei Sayle) vient régulièrement s’incruster chez ses jeunes locataires.


The Young Ones n’est pas la 1ère création de cette nouvelle génération de la comédie alternative. Elle est en revanche son plus beau coup d’éclat. Porteur d’un humour irrévérencieux et novateur, elle est celle qui marque enfin la reconnaissance du groupe. Créée par Ben Elton, Rik Mayall et Lise Mayer, la série est un tournant fondateur pour la comédie britannique. Rik est déjà connu du public via Kevin Turvey Investigates et comme membre de la troupe 20th Century Coyote avec Adrian Edmondson. Cette révolution punko-anarchiste germe sur la scène du Comedy Store fondé en 1979 et trouve ici son manifeste. Une semaine avant sa diffusion Channel 4 lance Comic Strip Présents porté par les humoristes du Comedy Store dont Rik. La BBC s’inquiète dès la signature du partenariat entre sa principale concurrente et la troupe, relance notre trio à qui elle avait pourtant refusé le script et profite du succès moindre du concurrent. Les amateurs de comédie ont donc déjà un avant-goût du bouleversement qui s’opère et c’est bien en 1982 et la sortie de The Young Ones qui ridiculise l’humour bon enfant et bienveillant de la sitcom traditionnelle. Les enfants se marrent et les adultes retrouvent leur insouciance. L’impact est phénoménal et installe définitivement le groupe sur le devant de la scène. Nos auteurs ont seulement 23 et 24 ans.


A 1ère vue The Young Ones est un immense défouloir pour sales gosses. Les murs bougent, s’effondrent, ils se balancent assiettes et insultes à la gueule. Ne se supportent pas, espèrent le pire et se complaisent dans la crasse absolue. Ils haïssent le bourgeois, les flics et la Thatcher. L’humour se déploie dans toute sa brutalité, n’en déplaise aux gardiens de la bienséance. La série a néanmoins l’intelligence de ne pas tourner au tract politique. L’idée est de casser les codes sans tomber dans une quelconque revendication ou moralisation du propos. Ces personnages sont autant une part d’eux-mêmes dans leur refus des conventions qu’un parti-pris comique fondé autant sur la caricature que l’autodérision.


The Young Ones s’attaque au sacro-saint slapstick dans une version brutale. Les coups pleuvent, c’est souvent totalement gratuit, néanmoins on ne va pas plaindre Rick pour un joli coup de batte dans les parties. Porteuse d’un humour dévastateur la série délivre quelques dialogues savoureux dont le génial « I don’t want to be negative but no » de Mike, ou Neil devenu flic se présente lui-même sur le lieu d’une infraction ainsi « It’s the pig ». Renouveler l’humour c’est introduire de multiples pastilles surréalistes à l’image des marionnettes sales et déglinguées de Marcus Kimber ou des scénettes historiques. Pratique pour se débarrasser d’une évangéliste (Dawn French) écrasée par un sandwich club géant tombé du ciel. Mayall, Mayer et Elton se permettent de répondre à une ancienne génération empêtrée dans la frilosité par de petites parodies de sitcom. Quelques écrans statiques, façon message subliminal, n’ont d’autre utilité que d’emmerder le spectateur. Chaque épisode est entrecoupé d’une performance musicale. Cette particularité est une astuce des créateurs pour ranger la série dans la catégorie divertissement, obtenant un meilleur budget qu’une simple sitcom. Au programme Motorhead (Ace of Spades), Madness (House of Fun et Our House), Amazulu (Moonlight Romance), Radical Posture (Dr Martens Boots)…


Nos quatre étudiants représentent cette frange contestataire, incohérente et/ou irréfléchie, dont les intérêts prennent souvent le dessus. Le cultissime épisode 1 de la saison 2 « Bambi » met en scène l’affrontement entre eux issus du « Scumbag College » et les salauds du bourgeois « Footlight College » (Ben Elton, Emma Thompson, Stephen Fry et Hugh Laurie) dans une version hilarante et sanglante du jeu télévisé University Challenge. Mayall admettra plus tard que The Young Ones est une version trash de la famille nucléaire. Avec Mike en père respecté et j’menfoutiste, Neil débordé par une famille ingérable, Vyvyan le petit garçon destructeur et Rick la petite fille capricieuse. Le plus souvent chaque personnage évolue selon les assauts des autres colocs, leur passé importe peu, les idées et engagements se révèlent et cèdent sous les moqueries. Les Torys sont une cible favorite, principalement de la part de Rick et Balowski. Encore une fois il s’agit de balancer des « You Bastard » ou « You Fascist » à foison que de porter de véritables revendications politiques.


Le casting est quasi-exclusivement composé d’humoristes de la nouvelle scène. Neil, Mike, Rick et Vyvyan sont comme une seconde peau pour nos interprètes. Christopher Ryan, seul non-comique, insuffle suffisamment d’assurance pour un Mike aussi sympathique que ridicule. Nigel Planer est absolument génial, en grande tige neurasthénique et hippie parodique, rien de plus drôle que de le voir onduler sous le coup de la panique en lâchant « heavy » sur « heavy ». Quoi de plus normal pour Adrian Edmondson, grand admirateur des Sex Pistols, que de passer 30 minutes à cogner sa tête et celle des autres. Rik Mayall, égale à lui-même insupportable et intenable n’a certes pas encore atteint la souplesse de Bottom mais déploie déjà une énergie exceptionnelle avec un art de la mimique parfaitement maîtrisé. Une nouvelle ère de la comédie débute, notre troupe n’est pas prête de quitter les écrans, avec toujours plus d’innovations et d’excellents projets.


Retrouvez sur mon blog une rétrospective et un hommage et portrait de Rik Mayall, un artiste généreux et génie comique : https://dismoimedia.com/2016/06/19/rik-mayall-hommage-a-lartiste-genereux-et-genie-comique/


https://dismoimedia.com/

AmMy
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le 19 mai 2016

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