The Time Traveler’s Wife par Christine Deschamps

Le voyage dans le temps, c'est toujours l'occasion de se faire des nœuds à la tête. Cette série n'y échappe pas, mais c'est ce qui fait le charme de ces histoires impossibles qui tordent la chronologie avec tellement d'application qu'on finit par renoncer à suivre et se laisser emporter par des postulats complètement farfelus. D'autant qu'il s'agit ici davantage d'une histoire d'amour que d'un paradoxe temporel. Henry est né comme ça : il se dématérialise régulièrement pour se retrouver dans une autre époque, à poil, affamé et le souffle court. Propice à des tas d'aventures, ça; mais ça n'est pas l'aspect que les scénaristes ont retenu. D'ailleurs, ils ont évacué des tas de trucs, dans cette première saison qui laisse à penser qu'une deuxième devrait suivre, notamment parce

et qu'on n'en reparle jamais. Mais bon, mise à part cette contrariété tenace, qui m'a occupé la tête à intervalles réguliers, la série m'a embarquée quand même dans les rebondissements de la relation déstructurée entre Clare et Henry, sorte de couple maudit par Chronos mais béni de Cupidon, à la Benjamin Button. L'héroïne accepte avec grand naturel la particularité de cet inconnu, qui a veillé sur son enfance par bonds successifs, et n'aura de cesse de le retrouver dans le futur, bien décidée à en faire son mari. D'où un glissement fertile entre cette figure paternelle qui lui a fait faire ses devoirs et appris la conjugaison française, et celle de l'amoureux archétypal, Tristan ou Abélard, dans une Amérique urbaine qui ne s'étonne presque de rien. On s'y défie du gouvernement et de la science au lieu de se faire examiner par un médecin, et on y boursicote pour faire fortune, en détournant le délit d'initié parce que l'argent y est un préalable indispensable à tout épanouissement. Bref, on ne va pas les refaire. Malgré tout, les scénaristes ont su trouver de quoi nous tenir en haleine, même de ce côté-ci du monde : des conflits de génération (un peu particuliers), des deuils, des rivalités amoureuses, du machisme de Far West, et j'en passe. Un plutôt bon moment, donc, et des personnages attachants malaxés par une machine à broyer leur romance qui les met à l'épreuve et nous parle de nos propres questionnements sur la vie, le temps, le couple, la confiance, le consentement, l'engagement, la connaissance, le mensonge, tout ça. Ça n'est pas si mal, comme programme.