The Outsider
6.7
The Outsider

Série HBO (2020)

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Il se fond dans le décor jusqu'à la mort

The Outsider est l’adaptation du roman homonyme de Stephen King par le romancier et scénariste Richard Price pour HBO dont il avait déjà signé avec Steve Zaillian, l’excellente série The Night Of en 2016. C’est d’ores et déjà une des meilleures séries de l’année 2020.


De quoi ça parle?


Croire ou ne pas croire, telle est la question. C’est celle que vont se poser les différents protagonistes et plus particulièrement Ralph Anderson (Ben Mendelsohn).


Dès le début, l’affaire semble entendue, le coupable est Terry Maitland (Jason Bateman). Les preuves sont contre lui. Divers témoins l’ont vu sur le lieu du crime puis l’ont croisé couvert de sang, enfin son adn est partout sur la victime. Fort de ces éléments, Ralph Anderson ne fait pas dans la demi-mesure et va le déclarer coupable sans prendre le temps d’effectuer une enquête. Seulement, d’autres éléments vont remettre en cause sa culpabilité. Mais il est trop tard, le mal est fait, la famille de Maitland est conspuée et mise en quarantaine comme s’ils allaient contaminer les “gentils” habitants de cette paisible ville du Maine.


Face à l’incompréhension de cette situation, Howard Salomon (Bill Camp) et Alec Pelley (Jeremy Bobb) vont faire appel à Holly Gibney (Cynthia Erivo), une enquêtrice particulière. Au fil des investigations, elle va devoir faire équipe avec Ralph Anderson et bousculer ses convictions pour l’amener à avoir une autre vision de l’affaire. Ce sont deux esprits qui s’affrontent avec chacun sa perception du monde, dû à leurs parcours de vie. Pendant ce temps, Il continue son oeuvre…


Il est parmi nous…


The Outsider est dans la continuité des œuvres de Stephen King. Ce n’est pas un hasard si j’ai pris le parti d’appeler le monstre de son histoire : Il. Cela renvoie à Ça dont la récente adaptation cinématographique ne fût pas une réussite. Comme celui-ci, il a un cycle de vie durant lequel, il s’en prend aux enfants. Il ne se nourrit pas seulement de leur chair mais aussi de la douleur, des émotions provoquées par leurs morts chez les proches.


Il est comme un croquemitaine, planqué dans le placard de la chambre des enfants, leur rendant visite la nuit, attendant son heure pour venir les prendre et se régénérer en se nourrissant de leurs innocences. Il s’en prend aussi des adultes, ou plutôt, il les utilise, en les plongeant dans leurs terreurs enfantines. On en revient toujours à l’enfance, à l’origine… du mal?


On le connaît. Il est dans nos contes pour enfants, dans les ouvrages religieux et dans l’inconscience collective. Il a toujours été là depuis la nuit des temps. Il porte plusieurs noms selon la culture, religion et pays. La question se pose de savoir si c’est le diable. Mais aussi, est-ce le seul? L’action se déroule aux Etats-unis, mais quand est-il ailleurs? Erre-t’il d’un continent à l’autre, d’un pays à un autre? Ne pas savoir, rester dans le flou confine à la peur et elle est bien omniprésente du début à la fin.


Comme un air de...


La première saison de True Detective. Au fil des épisodes, elle me revenait en tête, sans vraiment réussir à mettre le doigt sur la raison de cette sensation. Est-ce son rythme, sa qualité narrative, ses plans sur les paysages longeant les routes ou le duo Ben Mendelsohn et Cynthia Erivo, peut-être un peu de tout ça. Cela en dit long sur la qualité de la série, de son ambiance étouffante qui nous étreint chaque seconde, sans relâcher la pression en nous gardant sous tension jusqu’à la dernière seconde.


Le témoin du mal de Gregory Hoblit avec Denzel Washington, John Goodman et Elias Koteas, entre autres, datant de 1998. Dans ce film, le mal se déplace d’une personne à une autre par le toucher. C’est un état de possession limité contrairement à la série, ou Il, use son hôte jusqu’à ce que sa faim soit rassasié. Le côté paranoïaque était intéressant, à l’image de cette idée. Le héros ne savait plus où il se trouvait, celui-ci jouant avec lui, car ils se connaissaient. Les ressorts dramatiques sont différents mais cette similitude ne cessait de me ramener à cette oeuvre.


Déjà vu. C’est devenue une habitude avec les adaptations des romans de Stephen King, comme l’impression de retrouver toujours la même manière de procéder, en recyclant ses thèmes et procédés narratifs avec une absence de nuance : le bien contre le mal. Je retrouve aussi cela avec l’adaptation du comics Locke & Key de son fils Joe Hill par Netflix qui ressemble fortement à Ça. Certes, le thème est universel mais cette redondance à tendance à m’ennuyer. Le fait que cela soit Richard Price qui ce soit occupé de l’adaptation, me laisse à penser qu’il a su rendre l’histoire prenante et éprouvante, contrairement à sa lecture. C’est un avis ne reposant pas sur la lecture de l’oeuvre susdite mais sur celles de plusieurs de ses romans dont récemment Ça, qui ne fût pas une partie de plaisir. A l’âge adulte, c’est devenu un calvaire de lire un de ses romans. Les idées sont intéressantes mais c’est surtout du remplissage, une sorte de bouillie indigeste, parfois sublimée par la violence de ses situations, souvent plus éprouvantes qu’à l’écran.


Association de talents


La présence de Richard Price à l’écriture était une de mes principales motivations pour suivre cette série. La plupart de ses romans trônent fièrement dans ma bibliothèque : Les seigneurs, Clockers, Ville noire, ville blanche et The Whites. De même, Il avait signé pour l’été 2016 The Night Of, une des meilleures séries de l’année avec John Turturro, Riz Ahmed, Michael K. Williams et Bill Camp.


Un autre romancier talentueux accompagne Richard Price dans cette plongée au sein du mal ancré dans notre quotidien, il s’agit de Dennis Lehane. Ses romans ont connu de nombreuses adaptations avec Shutter Island de Martin Scorsese, Gone Baby Gone et Live by night de Ben Affleck, Quand vient la nuit de Michaël R. Roskam ou encore Mystic River de Clint Eastwood. On le retrouve aussi à l’écriture sur certains épisodes de la meilleure série de tous les temps The Wire, comme Richard Price et sur une autre série de qualité Boardwalk Empire.


L’écriture est une part importante, mais il faut savoir donner vie à l’ensemble, faire corps avec l’oeuvre pour la rendre passionnante. L’acteur et réalisateur Jason Bateman, dont je recommande l’excellent premier film Bad Words (2013), va donner le ton de l’oeuvre en instaurant un rythme d’une lenteur hypnotisante et d’une noirceur étouffante. Ce côté sombre, en prenant le temps de mettre en place une atmosphère inquiétante, il a expérimenté avec la série Orzak dont la saison 3 débarque le 27 mars sur Netflix. On retrouve cette mise en scène aux plans en profondeur, la caméra glissant lentement vers son ou ses protagonistes, définissant l’espace ou plutôt la réduisant pour la rendre anxiogène comme si nous étions confinés dans une pièce ou un lieu en étant proche de la claustrophobie avec les acteurs.trices, comme en immersion au sein de ce cauchemar éveillé. Jason Bateman signe les deux premiers épisodes en posant sa patte sur l’oeuvre que vont perpétuer Andrew Bernstein, Igor Martinovic, Karyn Kusama, Daina Reid, J.D. Dillard et Charlotte Brändström.


Enfin, il y a ce casting de gueules et de seconds rôles de qualités. Ben Mendelsohn ne m’avait plus autant impressionné depuis Lost River de Ryan Gosling en 2014 et la première saison de Bloodline en 2015. Il campe un personnage ni bon, ni mauvais, juste un être humain avec ses qualités et défauts dont les convictions vont être bousculées par cette affaire dépassant l’entendement. A ses côtés, j’ai découvert Cynthia Erivo campant le personnage le plus touchant et marquant car différent. Ces deux personnages sont des opposés qui vont apprendre à avancer ensemble, le premier se montrant réfractaire aux idées de la seconde, se raccrochant à ce qu’il connaît, ne voulant pas lâcher le souvenir de son défunt fils, avant que sa femme Mare Winningham ne le ramène à la réalité, à l’instant présent et à ce danger qui erre autour d’eux. Cette dernière est étonnamment impeccable alors que je l’ai toujours trouvé fade. Il en sera de même de Yul Vasquez. A croire que le fait d’être entouré des talentueux Bill Camp, Jeremy Bobb ou encore Derek Cecil, a fait ressortir le meilleur d’eux-même.


C’est HBO, c’est du haut niveau


The Outsider est une nouvelle réussite de la part de HBO et assurément une des meilleures séries de l’année 2020. Elle vous tient en haleine durant dix épisodes, grâce à son atmosphère, sa réalisation, son écriture et ses personnages.


Dans une interview, Richard Price a évoqué l’éventualité d’une saison 2. Pour ma part, cette saison me satisfait pleinement. Mais, je ne serais pas réfractaire à l’idée de me replonger dans l’atmosphère angoissante de cette oeuvre.

easy2fly
8
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le 19 mars 2020

Critique lue 2.6K fois

4 j'aime

Laurent Doe

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