The Mechanism par limma

José Padilha, réalisateur brésilien traitait déjà avec ses deux opus des films « Tropa de elite », de corruption entre services policiers et narcotrafiquants des favelas. Il signe O Mecanismo une série de 8 épisodes sur le scandale de 2014 au Brésil qui aura permis d’arrêter nombre de personnalités impliquées dans le blanchiment d’argent dans un pays où la corruption serait le seul mot d’ordre.

Adapté de l’ouvrage du journaliste d’investigation Vladimir Netto, le metteur en scène semble passionné par son sujet. On y retrouve la problématique socio-politique avec en même temps la contradiction d’un pays à vouloir s’élever et la souffrance de ses habitants laissés pour compte. La pauvreté, la difficulté d’accès aux soins, la résignation sont quelques thèmes abordés en filigrane de l’enquête qui reste le principal point d’appui de la série.

Un service de fraudes financières pugnace pour une police de façade, en porte à faux avec l’indécence tranquille des criminels à la tête du pouvoir, banquiers, avocats, hommes d’affaires...vie luxueuse (Avec la personnalité si (im)probable de la fille de  João Pedro Rangel -directeur logistique de Petrobrasil- qui démontre à elle seule l’ampleur égoîste et dévastatrice de leurs comportements...) et autres pot de vins pour les marchés publics ou encore pour la réélection de politiques en place... jusqu'à la présidence. Avec la majorité des partis impliqués, le cinéaste décrit le fonctionnement tentaculaire par plusieurs angles d’attaques et décrit des villes soumises à la main mise politique et des enquêteurs fédéraux, qui devront travailler dans l’ombre de leur propre service de police.

L’enquête dite « Lava-Jato » pointe l’obstruction à la justice et l’impunité pour une enquête qui se mord la queue. …Soutenue par un des seuls juges encore intègre, Sergio Moro (dans la série Paulo rigo joué par Otto Jr.) elle sera le point de départ d’une investigation plus longue, avec plus de moyens qui durera plusieurs années.

Le premier épisode est le moins bien mené avec trop de longueurs, une intrigue qui a du mal à se mettre en place et des jeux bancales...Démarrant dans les années 2000, sur le travail difficile d’un policier obsessionnel sur la traque d’un entrepreneur hors la loi, Roberto Ibrahim, amoral à souhait mais excellent, la série installe rapidement une ambiance tendue voire déprimée et se dirige ensuite sur ce qui aura véritablement permis le gros coup de filet : lier l’entreprise pétrolière Petrobas, soutenue par l’État, (dans la série Petrobrasil), à Ibrahim, aux politiques, aux entrepreneurs (principalement énergie et BTP), au blanchiment et à l’évasion fiscale.

Quelques défauts de tension à l’inverse du premier opus « Tropa de elite », plus puissant. Wagner Moura est nettement plus extrémiste (et plus charismatique que Selton Mello - au physique assez proche d’ailleurs). La série s’inscrit pour un public plus large donc moins excessive et l’ambiance se révèle moins sèche. Pourtant quelques points communs à l’image du policier perturbé, en prise avec ses démons et son caractère impulsif et la redondance de dialogues avec leurs effets appuyés sont bien la marque du metteur en scène, dans sa manière à dénoncer pour faire passer son message. Le second opus « Tropa de elite » quant à lui pointe le politique et rejoint le thème de la série. Moins d’action ici, et la violence des échanges plus subtile et dialoguée.

Mais quelques touches d’humour décalées, à l’image du procureur corrompu qui répondra en toute sincérité à la question des investissements pour le pays (manœuvre pour essayer de rattraper le coup et rembourser le pays de quelques milliards)
oui... construire des prisons à travers le pays….serait une très bonne chose pour tous.

Au final, le thème reste moins approfondi qu’il aurait pu l’être, les seconds rôles n’ont pas la main, la série se concentre plutôt sur trois personnages.
Ruffo (Selton Mello), Verena (Caroline Abras) et Alberto Youssef (Ibrahim dans la série, joué par Enrique Díaz).

On retrouve la voix off explicative que l’on avait dans « Narcos », la qualité de mise en scène, le montage addictif, la photographie soignée avec des décors naturels et des teintes propres au drame, et la musique inspirée sur quelques scènes choisies... Un bon moment, permettant à la fiction de traiter d’un sujet authentique qui trouve bien sa place, malheureusement.

On devra attendre la saison 2 pour la suite des événements, l’affaire dite «Odebrecht» (un des entrepreneurs passés entre les mailles) pour des ramifications qui engloberont finalement plusieurs pays de l’Amérique latine.

A suivre...