The Magicians
6.1
The Magicians

Série SyFy (2015)

Roman culte de l’américain Lev Grossman, Les Magiciens a bien souvent été comparé à Harry Potter : école de magie, héros qui découvre brusquement ses pouvoirs, il faut dire que les points communs sont bien là. Pourtant là où l’œuvre de J.K. Rowling pouvait se destiner à un public plus jeune – ce qui ne l’empêchait pas d’explorer en profondeur un univers et des réflexions complexes – il n’en est rien de Les Magiciens, roman ciblant fondamentalement de jeunes adultes tant dans ses thématiques que dans la maturité de ses ressorts narratifs. Adaptation en série sur la chaîne Syfy, en pleine reconstruction depuis les succès qualitatifs successifs de The Expanse et de 12 Monkeys, The Magicians n’est peut-être pas la plus fidèle des relectures télévisuelles mais n’en oublie cependant pas la profonde moelle philosophique de sa source.


Ce qu’il faut absolument prendre en considération au moment de commencer The Magicians, c’est que sa lecture est double : il y a, en surface, l’aventure, les amourettes et l’aspect High School Magical du récit ; mais c’est son fond analytique qui donne à la série (comme au livre) toute sa dimension allégorique. Nihiliste, pessimiste, métaphore fantasmée de la torpeur, The Magicians est une série qui sonde les âmes les plus hantées de la fin d’adolescence et du passage à l’âge adulte : la dureté du monde, l’avenir encore embrumé, le sentiment de non-existence et de façon plus large, la dépression. La série de Syfy s’intéresse en soi à des sensations égocentriques : Quentin, son héros, n’a pas de destinée, n’a plus de rêve autre que cette magie enfantine refoulée. Ce Quentin, il est un alter-ego plus ou moins exagéré de chacun d’entre nous à un point précis de la vie ; tout comme Harry Potter, d’une certaine façon, mais de manière moins niaise et plus réaliste, plus tragique.
Quentin est le pilier de la série. Il est le point de départ de son atmosphère désenchantée, de ses thématiques dures et de ses expérimentations narratives – sans lui, tout cela serait vain. Mais de par ses imperfections, ses faiblesses, et aussi ses qualités, il transcende le visage de The Magicians, devenant le anti-héros le plus singulier de ces récentes années de télévision, sorte de miroir américain du Shinji de Neon Genesis Evangelion – mêmes sources, même renversement des codes scénaristiques du récit initiatique et du roman young adult, prenant à revers les attentes du spectateur. Quentin Coldwater n’est pas un Harry Potter ou une Katniss Everdeen, il est un être faible, déprimé, en quête identitaire, pris de vertige face à la vie – les scénaristes, et par extension Lev Grossman, ont su rendre à la mythologie fantastique cette signature humaine, proche de l’instable, et les personnages principaux qu’ils ont su développer sont de véritables chefs d’œuvres, à l’écriture incroyablement intelligente et aux ramifications labyrinthiques.
Une écriture accompagnée d’un travail admirable sur la direction artistique – obscure et mystérieuse sans tomber dans l’essai sombre. Le mélange des genres et des tons, l’ambiance étouffée du décor donne à l’action un ornement unique. La série possède en effet son propre rythme, sa propre mise en scène, lente, parfois presque abstraite, évitant continuellement de tomber dans le cliché du teen show.


C’est le rapport qu’entretient The Magicians à la fois avec son univers et avec les conflits intimes de son personnage qui fait tout le sel de la série. Plus ambitieuse qu’elle n’y paraît, plus révolutionnaire qu’on ne voudrait le penser, la dernière création de Syfy détourne allègrement les codes qu’on lui avait étiqueté pour mieux surprendre et torturer son public ; à l’image de ces bains de sang quasi hebdomadaires, aux issues toujours aussi imprévisibles qu’elles semblent routinières. The Magicians ce n’est pas seulement des personnages incroyables, c’est aussi une atmosphère – planante, magique et dans le même temps désenchantée, mais surtout complétement singulière. The Magicians, au final, c’est un peu à Charmed ce que John From Cincinatti fut à Alerte à Malibu : son versant métaphysique et auteuriste, comme un Harry Potter sous Xanax halluciné et hallucinant. C’est si rare que l’on ne peut pas passer à côté.

Vivienn
7
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le 12 avr. 2016

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