Regarder le condensé de la carrière de Roger Ailes, tête pensante de la chaine d'info Fox News, c'est autant regarder en arrière que de faire face au présent. Comment pourrait-il en être autrement à l'ère du racisme anti-musulman, de #Metoo...et bien sûr de Donald Trump ?
J'ai souvent pensé au biopic insolent Vice d'Adam McKay sorti l'année passée, au sujet d'une autre figure responsable du ruissellement fanatique à tendance réac. Bien que le politique se taille une bonne part de gâteau dans The Loudest Voice, Tom McCarthy (Spotlight) inspecte les dérives d'un média souillant progressivement toute forme d'intégrité au profit de relations incestueuses avec le pouvoir. Et de tout ce que cette avidité implique : porter atteinte aux faits, aux valeurs de son pays, et à la dignité de ces citoyen.nes. Devenant le porte-étendard du nationalisme jusqu'au-boutiste et d'une misogynie crasseuse, Roger Ailes représente les excès ayant secoué la société américaine depuis 20 ans. Dans le rôle de l'ogre débectant, Russell Crowe fait des merveilles. Physiquement imposant, il occupe tout l'espace jusqu'à en évacuer ses camarades de jeu. Ils ne sont pas en reste, je pense notamment aux excellentes Naomi Watts et Sienna Miller. Mais sous-exploitées.
The Loudest Voice est instructive et décidée à traiter son sujet sous tous les angles. Mais la série peine à les mêler correctement. Une grosse partie de l'intrigue est consacrée aux dérives politiques de la ligne éditoriale de Fox News, et l'autre au comportement scandaleux de R. Ailes envers ses collaboratrices. Le problème, c'est que la deuxième est superficiellement imbriquée dans la première sur les 4-5 premiers épisodes, pour finalement occuper tout l'espace dans les 2 derniers.
Bien sûr, tout cela parait logique si on se place d'un point de vue chronologique, les parties 6 & 7 contant l'arrivée sur la scène politique de Donald Trump (conseillé par R. Ailes lui-même), autre animal ayant plus d'une fois défrayé la chronique pour ses propos sexistes. Mais il aurait préférable de disséminer ses autres méfaits de manière plus claire.
Autre écueil, la longueur. The Loudest Voice est réalisé avec énergie et le rythme ne faiblit pas. Néanmoins, je reste persuadé que ce morceau de télé aurait pu faire un film plus efficient. En ramassant son intrigue sur 2 heures, on aurait évité le caractère répétitif de son développement (R Ailes s'enfonçant dans le sectarisme anti-progressiste).
Le message est clair, le propos édifiant, glaçant même. La série conte l'Amérique écrite par ces ogres insatiables, grignotant la moindre parcelle de dignité sur leurs victimes et leur pays. Long mais plutôt bon.