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Parfois vilipendé (je pense à tort) par certains comme les fossoyeurs d'une production sériel de qualité, Netflix lance en 2018 The Haunting of Hill House, variation autour du classique du film de hantise The Haunting (La Maison du Diable chez nous).


La série fait d'abord table rase du contexte du film, pour s'en détacher et ne pas chercher la comparaison (ce qui est souvent une bonne idée) pour se concentrer sur la famille Crain et situer la partie "maison hantée" dans le passé, autour du drame de la mort de leur mère dont ils n'ont jamais vu le corps.
Et au détour d'une première scène admirable, on peut déjà apprécier les talents de Mike Flannagan, le créateur de la série, pour faire monter en tension une scène où rien de surnaturel n'est montré.
Après une ellipse, on suivra l'aîné de la famille Crain, Steven, qui sert de point d'ancrage a ce premier épisode jusqu'à une dernière scène lançant réellement l'histoire.
Les quatre épisodes suivants jouent avec la temporalité pour faire revivre la même période aux quatre autres membres de la fratrie, tout en alternant
5 personnages, 5 réactions, le parallèle avec les 5 étapes du deuil devient évidente au fil des épisodes. Elle pourtant amenée avec suffisamment de douceur pour qu'on ne sente pas la métaphore martelée ou bien étalée à la face du spectateur. Ne pas faire le rapprochement avec cette thématique ne changera pas grand chose à l'expérience de visionnage.


Steven dans cette optique est le déni, lui qui s'est construit en tant qu'homme et en tant qu'écrivain sur le rejet de tout surnaturel.
Theodora est évidemment la colère
Shirley, control freak qui aime imposer ses conditions aux autres devient la négociation
Luke le drogué est la dépression.
Quant à l'acceptation, je vois plus le père, Hugh, que la cadette, Nell, dans ce rôle.


Et au fur et a mesure de ces épisodes, plusieurs choses se font sentir :
1 - la série ne fait pas peur, mais elle n'en a ni l'envie ni l'intention. Pas de jump scare (il faudra attendre la 2e partie de la série pour en avoir quelques uns, jamais gratuits et parfois admirables dans leur efficacité), aucun gore
2 - la série se concentre sur ses personnages. C'est la chronique d'une famille brisée sur fond de maison hantée. Cela donne une réelle épaisseur à tous les protagonistes d'autant que les acteurs, adultes comme enfants, sont tous très bons, voire simplement excellents (si on connaissait les capacités de Carla Gugino par exemple, les deux Nell sont simplement bluffantes).
3 - la qualité artistique de la série est tout bonnement immense. Les fans mentionneront , à raison, la magnifique fin de l'épisode 5 et surtout le tour de force de l'épisode 6, mais la série regorge de moments magnifique et emprunt d'une réelle poésie. Par bien des aspect, le 8e membre de la famille Crain est la maison, qui offre un décor sublime tout au long des flashbacks.
4 - si cette série ne fait pas peur, d'où vient alors ce malaise qui grandit au fil des premiers épisodes ? Ce sentiment que quelque chose ne va pas en arrière plan ? C'est là une des grandes forces de cette série : régulièrement, sur un champ contre champ ou sur un travelling, un élément dissonant va apparaitre en arrière plan, presque invisible si on n'y prête pas attention, mais qui va titiller notre cerveau. Une statue a changé, un fantôme apparait puis disparait le plan d'après,.... La présence du surnaturel se joue sur des détails, tout en douceur.


L'épisode 6, impossible de ne pas s'arrêter dessus. Il correspond à la réunion de famille lors de l'enterrement de la victime du premier épisode et arrive au moment où la série regroupe toutes ses temporalités pour faire avancer son histoire. Il est pour cela construit autour de 4 longs plans séquences qui sont tout bonnement incroyables. Alternant adultes et enfants au sein de la même scène, virevoltant entre le funérarium du présent et la maison du passé dans le même mouvement, ils nous scotchent derrière les personnages (principalement Hugh ici, fort logiquement). Et au delà du tour de force technique, ils s'inscrivent parfaitement dans l'histoire et se finissent sur une des scènes les plus déchirantes de la série.


Passé cet épisode, The Haunting Of Hill House se dirige vers sa conclusion comme elle a construit le reste, en douceur. Et si la résolution finale emprunte aux classiques du genre


les gens mourant dans la maisons restent en esprit dans la maison


elle le fait a nouveau avec beaucoup de délicatesse et quelques révélations efficaces


la porte rouge, ou la réalité de l'amie de Luke


Au final, Netflix livre une grande série du genre, de celles qui marque et qu'on est impatient de simplement revoir.
Et qui aura le bonheur de rester unique, sans suite parasite dénaturant cette magnifique saison, Netflix souhaitant partir sur la piste de l'anthologie pour la suite.

Planet_Smasher
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le 15 mai 2019

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Planet_Smasher

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