The Boys
7.7
The Boys

Série Prime Video (2019)

Voir la série

Alors que les super-héros, après avoir envahi la culture geek par le biais des comics, se sont aussi emparés du cinéma, il paraissait logique de voir apparaître, passé l'âge d'or des adaptations ultra rentables, des vilains petits canards à la limite de la parodie dont l'originalité se trouvera surtout dans la critique livrée à un genre ultra médiatisé et formaté pour plaire au plus grand nombre. C'est là qu'intervient The Boys.


Cette série, première production Amazon Prime que je vois, est un paradoxe réjouissant : elle surfe sur le succès retentissant des films tirés de comics tout en le critiquant, en le tournant en dérision : les super-héros ont tous leurs propres films et incarnent, outre des stars, les symboles d'une humanité qui a besoin de repères pour avancer. Il n'est donc pas étonnant de voir que cet ersatz de Justice League, plus proche d'une version diabolique que de la satire, entraîne avec elle un ego-centrisme à la perversité absolue.


Au départ, cette vision somme toute originale des fondateurs du mythe actuel des super-héros détonne avec ce que l'on a l'habitude de voir : si elle ne cache pas sa violence forcément très sanglante (les super-pouvoirs font de super-blessures), la série jouit d'effets spéciaux étonnamment impeccables pour le registre (elle met à l'amende 80%, si ce n'est pas 90, des séries héroïques sorties ces dernières années) et d'une mise en scène largement supérieure à nombre de films pourtant populaires et très, très rentables.


Ce n'est pas tant pour sa très jolie photographie que pour la beauté de ses plans posés, toujours au coeur de l'action sans pour autant la filmer en tremblant comme un parkinsonien, que The Boys plaît; c'est aussi pour ses acteurs tous emblématiques, de Jack Quaid en Hughie au glaçant Anthony Starr en Homelander (la révélation de la série; il porte le casting sur ses épaules), d'Erin Moriarty en Starlight Chace Crawford en The Deep, le tout ajouté au plaisir de voir s'y éclater le Butcher de Karl Urban (fantastique et très charismatique) et Elizabeth Shue en directrice de société manipulatrice et, en même temps, très humaine.


On tient là l'une des plus grandes qualités de The Boys : si la série manque parfois de finesse dans ses écarts de personnalité (il faut dire que la copine d'A-Train n'est pas un comble de finesse d'écriture), elle a le talent nécessaire pour nous présenter un tableau de protagonistes aux agissements parfois affreux qu'elle va, à mesure de l'avancée des épisodes, tempérer au point de nous faire changer de point de vue, de jugement; si rien n'y est figé, c'est aussi parce que la série évite le plus grand piège du genre, le manichéisme.


Cela vient très surement de cette qualité d'écriture unique puisque constante et sans véritable faille, qui nous transmettra une réflexion passionnante sur les super-héros dans la culture moderne durant une saison d'un peu plus de 8 heures. L'action, de mise, en profitera pour venir illustrer le propos tenu par les scénaristes et Garth Ennis dans son comics initial, que je n'ai pas encore lu.


Fascinant à plus d'un titre, The Boys l'est principalement pour son regard à la fois nuancé et désabusé sur une société du divertissement qui se mord la queue à force de trop vouloir être rentable, de ces actionnaires qui manipulent les films comme un patron ses clients de Casino, où l'on décidera, par raz-le-bol généralisé de vivre dans une société sans espoir, de choisir comme figure de rédemption le premier connard venu qui sorte un peu de l'ordinaire.


Hughie avec les Boys, Homelander pour l'humanité : les deux, finalement similaires dans leur statut de sauveurs dont on ne connaît finalement jamais le potentiel intérieur (et qui sera révélé en fin de saison, pour une partie du moins), évoluent dans une chasse réciproque propice aux péripéties improbables d'une bande de collègues terroristes des plus fragiles, levée comme dernier rempart de l'humanité face à une Justice League qu'on croyait pensée comme son penchant démoniaque, pour ensuite comprendre qu'elle n'en ai en fait qu'une version pathétique et dépravée.


Ces drogués, sadiques, pervers deviendront plus tard des femmes esseulées dont l'amour fut brisé par l'alcoolisme et le système (les deux allant souvent de paire), des hommes au complexe d'Oedipe affirmé, des protecteurs d'un environnement qu'on ridiculise en le sous-estimant, tous manipulés, contrôlés dans un but précis, celui de toujours être rentable, de toujours dépasser les chiffres prévus, de faire finalement comme Marvel avec Avengers -Endgame, ressorti pour dépasser Avatar, et ne surtout pas suivre l'exemple d'un Justice League qui tenta de surfer sur la vague Disney sans avoir jamais compris que le succès cinématographique est partagé par ceux qui assurèrent d'abord leurs arrières.


C'est donc dans ce contexte ci qu'évolue The Boys : son anti-conformisme, qu'il ne renie pas pour plaire au plus grand nombre, n'est jamais entaché de critiques directes faîtes à ses concurrents, d'une forme de supériorité de la critique qu'on aurait pu envisager : loin de se dire qu'il est meilleur que tout ce dont il parle parce qu'il est suffisamment méta pour l'évoquer dans une oeuvre de fiction, ce divertissement des plus honnêtes a le mérite d'évoquer sans jamais rabaisser, de détourner amoureusement des figures qui firent et font encore rêver des millions de gens, le tout dans un superbe hommage à 70 ans de culture qu'on été loin d'attendre au tournant.


Petite claque inattendue, cette série mi-2019 est surement l'une des meilleures adaptations de comics de l'année et l'un des plus grands divertissements ciné-séries contant les exploits de super-héros, avec une intelligence méta encore supérieure au tout aussi surprenant Teen Titans Go ! le film, bien qu'en un poil meilleure. La fin de saison, proche du cliffhanger putassier, laisse cependant planer de grands espoirs pour la suite des évènements, encore qu'on pourrait se demander comment faire plus d'une saison sur une histoire qui a autant été chamboulée par des évènements si dramatiques et excessifs.


Superbe.

FloBerne
8
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à sa liste Service Streaming & Replay : Des séries comme s'il en pleuvait

Créée

le 17 déc. 2019

Critique lue 431 fois

3 j'aime

FloBerne

Écrit par

Critique lue 431 fois

3

D'autres avis sur The Boys

The Boys
AdrienClaeys
4

Classique. .

C'est un peu énervant cette propension des gens à 'kiffer' des films ou séries dès que cela apparaît un tantinet trash ou subversif ... Dès qu'on enlève la forme la série est quand même très moyenne...

le 29 juil. 2019

53 j'aime

14

The Boys
Buddy_Noone
8

American Gods

Si plusieurs comics (Watchmen, The Dark Knight Returns, Planetary) et films (Kick-Ass, Super) se sont déjà risqués à désacraliser la figure super-héroïque, le vaste monde des séries télés compte...

le 9 août 2019

51 j'aime

14

The Boys
GwlaDys1
5

Les Antisuperhéros

Je suis assez partagée. La proposition de départ de la série est assez intéressante et originale, elle se démarque clairement des séries habituelles sur les superhéros. Les superhéros des Seven de...

le 7 août 2019

46 j'aime

3

Du même critique

Les 4 Fantastiques
FloBerne
2

Des fois c'est dur d'être un geek... Putain mais quelle purge !!

Dans le ptit bled paumé où je passe le clair de mes vacances s'est proposée une expérience pas commune : voir le film "Les 4 Fantastiques" en avant première. Nourri d'espoirs et d'ambitions, je me...

le 4 août 2015

35 j'aime

42

Marvel's The Punisher
FloBerne
8

Miracle et drama

Saison 1 : 9/10. Au cinéma, nombre de personnages se sont fait massacrés pendant des décennies, sans vergogne ou une once de progrès. Les comics aussi ont été touchés par cette mode de la destruction...

le 13 déc. 2017

34 j'aime

4