Stateless
7.3
Stateless

Série ABC (AU) (2020)

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Un retour sur l'expérience vécue de Cornélia Rau, qui aura révélé par son emprisonnement la situation dramatique des migrants, et Yvonne Strahovski que l'on verra peu à son avantage, pour ensuite nous marquer le lumineux, le maquillage et les vêtements chatoyants, sourires jusqu'au oreilles lors de scènes dansées et chantées, pour quelques flashback obligatoires mais bien intégrés. Ces inserts convoquent brillamment le flou mental dans lequel elle est plongée. Une jeune femme à la famille envahissante, naviguant à vue dans ses fantasmes d'une vie meilleure et de rêves de gloire avortés, pour finir par atterrir au milieu de migrants préférant s'y oublier que de se confronter à sa réalité, réservent quelques belles scènes hors du temps. Si l'actrice confirme son talent et une présence marquante, son personnage pointe différentes problématiques bien loin du thème de la crise migratoire et la série n'évite pas la grosse faute de goût en plaçant son intrigue via ce seul personnage, même si nous apprendrons par l'encart final, que la solution apportée -grâce ou à cause de sa malheureuse expérience ?- sera de rapatrier ces centres de détention, dans des zones inaccessibles, un peu comme de mettre la poussière sous le tapis. Comme si tout ça n'était pas bien grave finalement. Notre australienne est sauve.

La série remportera a minima l'adhésion par son court format et sa mise en scène sèche, au suspense efficace. Les créateurs tentent le portrait complexe et choral en milieu ouvert et si parfaitement confiné en intégrant -sans savoir si cela rejoint l'expérience de vie de cette jeune femme- la dangerosité des sectes valorisant votre potentiel créatif indéniable et rémunérateur avec abus de faiblesse à la clé. S'ajoutent la crise de couple et autres conflits fraternels pour trop d'intrigues annexes qui sapent bien malheureusement le sujet.

C'est à la fois le bémol et l'attrait du genre sériel de divertissement qui souhaite parler de choses qui fâchent tout en usant du cahier des charges.

Ces hommes, ces femmes ou ces familles fuyant leur pays en attendant un visa hypothétique ne seront malheureusement que survolés ou romancés, laissant la part belle à ceux du cru, navigant dans l'adversité comme de prime importance. On n'échappe alors pas aux problèmes annexes de vie de famille compliquée, de tromperie débile et de journaliste qui n'est là que pour valoriser une prise de conscience extérieure.

On remarque -quoique poussif dans son évolution-, Jay Courtney dans sa contradiction entre humanisme et impuissance, nous rappelant aux comportements humains récurrents, où la colère non gérée, se rabat sur les victimes. On y verra l'inquiétante Cate Blanchett dont on connaît son investissement sur la question et qui produit cette série. Affublée d'un époux nocif (Dominic West, tout autant parfait) pour ces deux manipulateurs à l'égo surdimensionné, ce couple vient juste saper encore une fois le sujet central des migrants, sans résolution d'ailleurs sur l'enquête en cours pour cette secte abusive.

L'ensemble appuyé par d'autres portraits qui posent question. Ameer (Fayssal Bazzi) reste tout autant l'atout indéniable pour les plus racistes au cerveau en berne pour changer leur mode de vision, que bien faiblard et gênant en le plaçant comme seul représentant de l'étranger parfait en pays hostile (ancien professeur, cultivé, investi pour ses filles et leur destinée- c'est bien beau). Rosna (Helana Sawires) dont on aurait aimé en savoir plus, est oubliée en cours de route, tout comme ceux, figurants, pour ce sujet pourtant central, à l'image de cet homme assis depuis 7 ans dans la cour, acte de rébellion passif pour l'imagerie, dont on ne saura rien non plus. Quelques scènes dites de choc pour ce renvoi dans son pays d'origine d'un homme qui y sera certainement exécuté -profitant du nouveau sujet d'actualité qu'est l'homosexualité que l'on se doit d'intégrer dans toute série aujourd'hui-.

Le désert australien restera du domaine du simple décor tout comme la liberté pour ces migrants qui attendent parfois des années avant de voir leur sort jugé. Si ce n'est leur quotidien amélioré lors de visites d'associations des droits de l'homme, où l'endroit prendra alors des allures de fêtes, avec thé et petits gâteaux pour l'occasion, pendant que les troubles fêtes iront se faire voir ailleurs et que les gardiens veilleront au grain, casque et matraque à l'appui.

On peut donc y déceler une facilité de mise en scène oscillant entre drame, portrait lacrymal, amourettes accessoires au détriment d'une mise en valeur des lieux et de ses espaces isolés, pour rendre compte du sentiment d'abandon et de l'enjeu sociétal.

Pourtant, avec une introduction voyant une femme fuir en plein désert, on s'attendrait même aux grands moments du survival en milieu hostile, et au féminin mis en valeur que l'on salue ici, avec plusieurs personnages qui ont enfin un peu de place.

Heureusement, le portrait percutant de la gestion administrative des plus aléatoires, qui se perds dans sa mission entre ses demandeurs d'asile, ses gardes à la violence latente et une hiérarchie qui ne s'encombre pas des sensibilités d'autrui, relève le niveau. Asher Keddie absolument excellente dans ses diverses oscillations à pointer la frustration d'une valorisation de carrière, aux chemins de traverse périlleux, oubliant le b.a.-ba  de sa mission humanitaire, marque la pellicule.

Mais si les créateurs arrivent à y insuffler suffisamment de rythme et de tension, jouant d'effet de temporalité assez bien amenés, se fait jour une certaine frustration au fil des épisodes n'arrivant jamais à convoquer un genre ou un autre. Encore une fois le fait réel marque bien ses limites et nous renvoie violemment -et c'est tant mieux- à notre incapacité de solidarité si celle-ci ne nous concerne pas. On salue alors le beau personnage de Kate Box pour le coup de cœur humaniste et l'hommage à tous ceux qui se battent contre des moulins.

limma
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le 23 mai 2022

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