Shield 5
Shield 5

série(2016)

Quand j'ai entendu parler de ce projet, je me suis laissé porter par mon enthousiasme pour clamer haut et fort : "et pourquoi pas ?" En effet, nous vivons dans une société où ce genre de technologie prend beaucoup de place et je trouve qu'on n'en parle pas assez. Il y a bien le thème de la technologie que l'on peut trouver au travers de films ou de séries ("Black Mirror" me vient en tête directement) mais ce qui serait vraiment bien c'est de les exploiter au niveau formel aussi. Ainsi, des films exploitant narrativement et visuellement l'interface d'un ordinateur, c'est une bonne idée, tout comme faire des films à base de cam2cam (le tout est de pondre un bon scénario, ce qui n'est pas mince affaire, hélas). Ici, Instagram devait carrément permettre aux auteurs de se libérer des contraintes audio-visuelles, puisque l'outil permet de publier de simples photos, des commentaires, des articles... de quoi ouvrir la narration à un champ de possibles démesuré. Hélas, les auteurs ne parviennent pas à satisfaire les attentes.


Le scénario en soi n'est pas très intéressant, on est dans un thriller déjà vu et revu. Les auteurs ne font aucun effort pour étoffer les personnages ni les situations. Soit après tout, c'est une première tentative et puis on sait bien qu'une même histoire peut être racontée plein de fois de manière différente et donner lieu à des films qualitativement bien différents. Là où ça devient un peu gênant, c'est que la recette employée est si évidente que les auteurs se permettent de ne pas raconter convenablement, sans doute parce qu'ils misaient sur les connaissances du spectateur. C'est un peu dommage parce qu'à cause de ça, on ne se pose jamais de question et on peut même reprocher un côté décousu à la narration.


Mais vraiment, le pire du pire, c'est l'exploitation terriblement pauvre de la plate-forme. Les vidéos pourraient presque tenir toutes seules, sans complément photo, car ces photos, la plupart du temps, ne font que répéter ce que l'on a déjà compris grâce à la vidéo. De temps en temps, on a une info supplémentaire, mais ça n'est jamais vraiment exploité narrativement. Il y a aussi pas mal de choses amenées qui ne servent à rien. Par exemple dans les articles de journaux mis en photos, certains intitulés ne servent absolument à rien, pourtant on connaît tous la fameuse théorie du fusil de Tchekov : si on place un élément dans l'intrigue, ça doit servir plus tard (par exemple si on voit un fusil accroché à un mur dans la première scène d'un film, ce fusil devra servir tôt ou tard, d'une manière ou d'une autre). Ainsi donc, on se retrouve avec des éléments inutiles. Je n'irai pas jusqu'à parler de parasite car on comprend assez vite ce qui est utile ou non dans un article, les auteurs se débrouillant pour bien souligner l'aspect important, bien le mettre en évidence. On lit le reste par acquis de conscience mais on sent bien que ça ne servira pas (déjà le contenu n'est pas tellement intéressant, ensuite, ce n'est pas assez mis en évidence, or le style narratif est clairement putassier : on emploie les gros sabots et rien d'autre).


C'est malheureux car ces ajouts de photos auraient pu permettre de jouer avec les spectateurs de leur proposer des pistes (ils auraient alors à faire des recherches eux-même avant que la prochaine vidéo ne survienne) ou bien ç'aurait pu être l'occasion d'approfondir les personnages qui, il faut bien l'avouer, sont tous assez superficiels. C'était l'occasion simplement de digresser de montrer ainsi les possibilités oniriques de cet outil. Soit, les possibilités sont vraiment nombreuses, j'insiste, mais les auteurs ne proposent rien, se contente de raconter une histoire lambda en n'exploitant que le minimum de son concept (parce que, je le répète aussi, cette histoire peu intéressante en soi aurait pu devenir géniale avec un traitement du concept plus poussé et là au moins les habitudes narratives empruntées par les auteurs auraient moins gêné puisque ça aurait permis au spectateur de mieux comprendre des choses peut-être moins évidentes au travers d'une telle expérimentation).


La mise en scène des épisodes n'est pas géniale, c'est même carrément maladroit par moment, du genre amateur. C'est un peu Z, on sent tellement le côté fauché... les mouvements de caméra, les ambitions visuelles ne trouvent pas justice, ça fait bricolage, le montage rapide ne permet pas d'en jouir. Les acteurs, du peu qu'ils ont à montrer, s'en sortent correctement : ils doivent souvent passer par la caricature du film de genre, ce qui n'est pas forcément une mauvaise chose, c'est juste que vraiment, on n'a pas le temps de s'attarder sur quoi que ce soit.


Il y a tout de même cette histoire de braquage sur lequel on insiste lourdement. Déjà qu'au niveau de la narration c'est pas crédible pour un sou mais alors au niveau de la mise en scène, ça tue complètement le rythme adopté jusque là. Pour le reste, c'est souvent trop court, parfois on a l'impression qu'il manque un bout aussi. Aucune ambiance n'est vraiment installée, seule l'épisode où le héros se réveille dans le flou a un peu plus de gueule même s'il faut passer par des effets de style ringards.


Bref, ce projet partait d'une très bonne idée mais le traitement est terriblement décevant : ça ne va nulle part, les scénaristes n'osent pas quitter les sentiers battus et on se retrouve avec un truc mal ficelé. Quel dommage !

Fatpooper
3
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le 31 janv. 2017

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Fatpooper

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