J'ai une théorie très sérieuse selon laquelle la téléréalité - et en particulier "Secret Story" - serait une création certes débilisante, mais posant une question pas du tout débile concernant notre jolie petite société : le sacro-saint mélange privé et public, entre l'être et les différentes images qu'il choisit de renvoyer. Une problématique reprise par pas mal de plus de 40 ans sur les plateaux télé - le plus souvent pour nous traiter, nous les jeunes, d'abrutis.
Cher personnes de plus de 40 ans, sachez que c'est un autre mode de vie, que nous avons là, et ça ne nous rend pas plus cons, et ça ne vous rend pas plus intelligents. L'être humain est ce qu'il est - pluriel, et non pas uniforme, le monisme n'était à mon sens qu'un idéal, qui peut certes être le moteur d'une existence, mais un but rarement atteint, sinon dans des moments nets, précis, infiniment brefs, quasi-miraculeux - et les différents réseaux sociaux mis à notre disposition mettent cela en exergue (mais ne créent pas cette pluralité, non). Voilà. Bon. Revenons-en à "Secret Story".
Une vitrine des comportements humains les moins réfléchis, un jeu d'échec avec des pions vivants, pions qui tendent à devenir roi et de reine, et qui font du jeu quelque chose de bien plus important que la logique/la raison/les sentiments/la bienveillance. Dans le ventre de la maison des secrets, on ne pense qu'à sa gueule et sa cagnotte, et les quelques débordements sentimentaux - vie en communauté oblige - sont saisis immédiatement par le public, qui voit fatalement son reflet dans ces gens qui se veulent "réels".
Mais rien n'est réel. Tout est un jeu. L'appellation "réalité" revendique la sincérité, alors que rien, non rien, dans cette émission, n'est profondément sincère. "Je suis là pour jouer", disent-ils tous. Un jeu à échelle humaine.
Ce qui fait de " Secret Story" un joyeux microcosme des réseaux sociaux en général. On voit des comptes Twitter/Facebook/Instagram, pas des personnes, la preuve en est ce culte de l'image, des phrases qui claquent, des personnalités qui cherchent une singularité, noyées au milieu d'un grand bain qui les noie vite fait bien fait.
Mes amis, "Secret Story" est l'enfant de notre société.
Après, bon, c'est ridicule, débile, révoltant de voir autant de médiocrité et de se dire que les nouvelles icônes viendront de personnes affamées de célébrités, qui en font un but et un moyen , et non pas une récompense pour un quelconque talent. Sinon celui de se donner en spectacle de façon assez triste.
Je m'efforce de ne pas être dure, d'où mon 3. Parce qu'une double lecture est intéressante (comme tout phénomène de société - la pop culture ne sort pas du néant, elle a un sens, et ses remous aussi), mais qu'une lecture au premier degré est dangereuse et abrutissante au possible.