Prohibition
7.8
Prohibition

Série PBS (2011)

Excellent documentaire, très fourni en images d'archives et en détails comme je les aime.


Le 1er épisode présente d'abord le départ, dans un petit village, de la lutte contre l'acool venant d'un pasteur ayant eu à gérer le fléau de l'alcoolisme et des violences domestiques, venant de paroissiens pourtant bons et pieux mais cédant à l'appel maléfique de la boisson s'emparant d'eux malgré leurs larmes.


Puis les problèmes, à plus grande échelle partout sur le territoire des USA, de l'appauvrissement des foyers, des salaires entiers dépensés pour assouvir le vice : l'on buvait dès le matin, pour commencer la journée, l'on buvait le soir, pour la terminer. On buvait parce qu'il faisait chaud, ou on buvait parce qu'il faisait froid. Tout était devenu prétexte à boire sans modération, et l'alcool était devenu le liant social universel, infiltré jusque dans les plus petits interstices de la vie en société. La souffrance des femmes, et des enfants, livrés à eux-même, jusqu'à la famine, la rue, ou les coups et les accidents au travail, poussèrent à un certain succès ces mouvements de prohibition venus du fin fond des campagnes, auprès des citadins exténués par cette contradiction matérielle entre le niveau de vie proche de la misère et l'expansion pourtant lucrative de la révolution industrielle.


La dualité entre d'un côté les adeptes de la disparition de l'alcool, et de l'autre, les modérés, espérant pouvoir conserver le doux breuvage malgré la prise de conscience d'un problème social, déchira la population qui pourtant conserva une certaine paix sociale au delà des tensions. Mais la douceur de la bière et des brasseurs, vantée comme partie intégrante des moeurs et de la gastronomie quand ça n'était pas de la constitution physique elle-même (tchin !), n'était pas celle des whisky et des distilleurs, brutale et dévastatrice. La fièvre nationale de la cultivation de maïs et de céréales propres à fabriquer ces alcools forts, jurait avec les espoirs modérés d'une faculté à se contrôler soi-même sans l'appel à la répression.


Le message du petit pasteur eu un retentissement imprévu, dans un tel échiquier socio-économique.


Face à la culture des saloons, lieux sociaux et politiques, à la fois sanctuaires masculins après la dure journée de travail et points centraux des paiements de salaires et offres d'emplois, jusqu'à même des intentions de votes et création de groupes politisés, la souffrance et la colère sage se montra soudainement sous le visage des femmes, force sociale latente, qui sortirent de leurs foyers pour marcher et protester religieusement à l'entrée même des lieux de débauche. De chants en pourparlers, de larmes en maris dévisagés, elles réussirent à convaincre nombre de débits de boisson de fermer boutique.


L'action touchante de ces femmes, la beauté de leur geste, alla jusqu'à déclencher une prise de conscience générale, et de nombreux repentis allèrent, souvent en pleurs, se retrouver dans des regroupements d'alcooliques cherchant la porte de sortie de ce qu'ils voyaient de plus en plus comme la réalité d'un enfer pour soi et pour les autres.


Mais la lutte disparu aussi rapidement qu'elle fut montée ; car le petit noyau de résistants et d'indécrottables buveurs, ralliés à la cause des modérés, constitua la racine d'où reparti la passion, qui se nourri d'une pensée d'opposition.


Et la croissance des débits de boisson reprit de plus belle, cette fois-ci non sans un aspect de contrebande qui s'efforçait déjà de lutter contre les tendances locales à promouvoir l'esprit de la prohibition. Bordels et saloons se cotoyèrent, parfois avec un degré d'entassement frôlant la surenchère.


Plus tard, une vieille femme trempé dans un caractère de sioux et "suivant les paroles de Dieu", nommée Carry Nation, déferla ses hordes de "fracasseurs" munis de haches (les "hatcheters"), pour saccager et détruire les antres du mal aux protubérances désormais mafieuses (présageant l'apogée du banditisme lors de la véritable prohibition qui sévira plus tard), sous les yeux effrayés des tenanciers s'écartant face la férocité de ce mouvement incontrôlable. Juges et gouverneurs ne purent arrêter cette vague, qui ne cessa que lorsqu'à nouveau la racine du mal se réduisit à sa plus petite expression, irréductible, et à l'intégration de cette égérie féminine dans la culture populaire... Ce qui faisait peur fit soudain sourire, car l'on savait très bien que si les premiers mouvements moralistes n'avaient pu gagner par la conviction et l'auto-discipline, ce nouveau mouvement violent et répressif comme réponse à l'inaction ne pouvait atteindre la racine, sans l'appui d'une loi qui forcerait le moindre individu à se plier à l'interdiction. L'humain, comme d'habitude, fit l'autruche.


Mais bientôt, les patients et dévoués politiciens de l'ombre, acquis à la cause de l'éradication et oeuvrant en silence dans les coulisses du pouvoir, continuèrent le travail de fond jusqu'à ce qu'un leader (dont le nom m'a échappé) apparu à nouveau, pour cette fois-ci atteindre le coeur du système politique tout entier et le faire plier. Non sans la connaissance intime de ce qui anime chaque politicien : le désir de garder son poste. Et de slogans clivants en rassemblements dévastateurs faisant éjecter le moindre objecteur appelant à une gestion politique locale du problème et à une modération possible au delà d'un mouvement national, la lutte pour l'intégration de la prohibition dans la constitution (par amendement) se fraya un chemin en ralliant à sa cause chaque ville qu'elle faisait plier.


Toutefois, la culture de l'alcool, multiculturelle, et surtout vitale à de nombreux immigrés pour la conservation de la culture de leur pays d'origine ainsi que leur force au travail, conserva une place dans le coeur de nombreux citoyens de la "terre promise".


L'équilibre entre d'un côté les éradicateurs et de l'autre les modérés, ne fut rompu que lorsque les brasseurs, menés par des patrons allemands, commencèrent à porter la faute sur les distilleurs, comme pour se séparer sémantiquement de l'excès et redorer le blason de la modération, et que plus tard, la première guerre mondiale allait faire naître une haine anti-germanique favorable à un esprit de propagande déjà installé préalablement dans les écoles où l'on enseignait déjà la peur des effets de l'alcool sur l'organisme. Les piliers de l'industrie à la source de la résistance perdaient peu à peu la bataille de la communication.


Pensant pouvoir ruser, les ligues de défense anti-prohibition trouvèrent un accord avec les prohibitionnistes sous la forme d'un ultimatum : d'accord pour un amendement, mais seulement s'ils réussissaient à réunir des signataires dans une période limite de 7 ans ! Certains qu'ils n'arriveraient jamais à leurs fins dans un si court laps de temps, les défenseurs de l'alcool fêtèrent leur victoire à l'avance, sans savoir que seulement 13 mois plus tards, les signatures auraient été réunies et la prohibition inscrite dans la constitution. Constitution qui désormais n'était plus le simple cadre d'un fonctionnement politique, mais l'expression d'idéaux propres à déclencher une véritable répression.


Le 1er épisode s'arrête sur cette fin.


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J'arrête là le résumé. Je manque de détails, il me faudra revoir tout ça, je prenais juste des notes, de mémoire. J'ai essayé de ne pas exprimer mon avis, qui aurait pris un peu plus de place tant il y a matière à développer philosophiquement.


Mais excellent docu sur une époque ou au moins, les choses permettaient à chacun de trouver une place, au delà de l'hypocrisie et de la démagogie qui ronge aujourd'hui les rouages politiques et citoyens jusqu'à l'immobilisme.


Pour info j'aime l'alcool, la bière et le vin rouge surtout, mais avec modération sauf en cas de festivité. J'ai moi-même connu l'alcoolisme (une bouteille par jour). Toutefois je comprends le désir abolitionniste qui a soulevé la société américaine, car malheureusement, la modération implique une capacité d'auto-discipline que les humains n'arrivent jamais à avoir. Mais je pense qu'avec le recul, nous avons la possibilité de dessiner les choses plus finement, et par exemple de ne pas interdire l'usage d'une chose, mais de son excès : ainsi il aurait été possible 1) de bannir les alcools forts, 2) de soigner et réprimer l'alcoolisme et les violences domestiques, et 3) d'interdire simplement la consommation sur les lieux de travail (et états d'ébriété au travail).

Héraès
10
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le 25 nov. 2017

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