Pilier du monde des comics books, Preacher est originellement l’œuvre du très respecté Garth Ennis. Depuis plus de quinze ans, productions et chaînes diverses (dont HBO) se sont succédées pour porter à l’écran Preacher, mais ce n’est qu’à la fin 2013 que la possibilité d’une série devint enfin une idée crédible quand le duo Seth Rogen – Evan Goldberg (notamment connu pour leurs collaborations au cinéma sur Pineapple Express et The Interview, entre autres) trouva un accord avec AMC, chaîne câblée à l’origine de Mad Men, Breaking Bad et The Walking Dead. A l’écriture, on retrouve d’ailleurs Sam Catlin, ancien de Breaking Bad, dont le poids créatif n’est ici pas à négliger.
Preacher pourrait ressembler à la rencontre de Supernatural, de Breaking Bad et d’un film des frères Coen. Le ton est grinçant, parfois délirant, ponctuellement sérieux – cela fonctionne plutôt bien, donnant lieux à quelques scènes saillantes et inventives. On aurait pu craindre que la patte Rogen – Goldberg soit en désaccord total avec l’atmosphère du show, mais rien à voir ici avec les farces vulgaires pour lesquels on les connaît : ce sont de vrais admirateurs du comic book, et ils n’essaient pas de le passer à la moulinette de leurs caractères.
Celui qui, par contre, a eu une grande influence sur Preacher, c’est Sam Catlin. La comparaison avec Breaking Bad n’a même pas besoin d’être rappelée, elle est évidente : en-dehors du cadre, c’est cet équilibre stimulant entre humour grinçant et rapports humains tragiques qui renvoie à la série de Gilligan. Les personnages secondaires, les écarts extravagants… Les liens sont trop évidents, et ce n’est pas pour nous déplaire.
Ce qui pose réellement problème dans cette première saison, c’est sa construction : les showrunners n’ont cessé de répéter en interview qu’elle ne servait que d’introduction. On sait à quoi ressemblent ces fameuses saisons introductives : pauvrement construites, frustrantes et longuettes. Et en effet, Preacher n’échappe pas à ces qualificatifs. Ses premiers épisodes sont médiocres, si ce n’est mauvais, et ce n’est qu’à partir du milieu de saison qu’elle ne démarre réellement. On en retiendra son brillant sixième épisode et cet excellent final, qui sont une vitrine parfaite de ce de quoi la série est capable : toucher, faire frissonner, rire et plaisir dans un même temps.
C’est là le grand drame de ce premier chapitre : n’être réussi que par intermittences et peiner à impliquer le spectateur de semaine en semaine. Ce n’est pas forcément mauvais, mais ce n’est pas toujours passionnant. Et si seulement quelques éclairs de génie viennent ponctuer cette dizaine d’heures globalement faiblarde, on ne peut que se douter que Preacher a les moyens de proposer bien mieux l’an prochain. C’est du Coen sous acides avec une bonne dose de cool-attitude et de départs en vrille à la limite de l’incompréhensible, ce donc n’est pas fait pour tout le monde, mais il suffit d’apprendre à accepter cet univers singulier pour prendre son pied. Imparfait, mais prometteur.