Top MouMouthe !

Douze ans après son singulier et très attachant Poupoupidou, polar qui nous faisait découvrir l'univers étrange de Mouthe la ville la plus froide de France, le réalisateur et scénariste Gérald Hustache-Mathieu revient sur les lieux du crime pour offrir de nouvelles aventures sous forme de série à ses personnages décalés. Une série courte de six épisode de 52 minutes produite par ARTE qui fait bien plaisir à voir tant pour la qualité de son écriture que pour l'univers singulier qui prend vie sous l’œil de la caméra de son créateur.

Le romancier de polar David Rousseau est donc de retour à Mouthe après avoir reçu des informations provenant d'un monastère pouvant le conduire à éclaircir ses origines. Une fois sur place il se retrouve aussi confronté à une enquête semblant sortir directement d'un de ses romans avec un mystérieux tueur en série qui transforme les scènes de crimes en reproduction d’œuvres d'art. Le romancier en panne d'inspiration s'associe avec le gendarme et adjudant Louveteau en panne de suspects afin d'essayer de résoudre l'enquête.

Polar Park est une franche réussite de celles qui font vraiment plaisir à voir, la série même si l'on pourra y rattacher moult références possède tout de même un univers singulier et bien particulier comme peu de série françaises savent en proposer. Cette ville de Mouthe comme éternellement engourdie par le froid ressemble par ses paysages enneigés et par son univers feutré à une ville nordique paumée quelque part entre l'imaginaire du grand nord américain et celui des pays scandinaves. Diner, grosse Chevrolet, casquettes américaines, indiens, mobil home et serial killer côtoient moines, absinthe, gendarmes, Picasso et romancier de gare dans une double culture déjà largement assumé par le film Poupoupidou en 2011. Les univers qui se télescope dans Polar Park sans jamais se contredire ni ressembler à un vain catalogue de citations vont de Fargo à David Lynch en passant par Stephen King le tout agrémenté de quelques clin d’œil à Shining ou Le Nom de la Rose. Polar Park possède sans doute ce qui fait défaut à de trop nombreuses séries française à savoir de la personnalité et un formidable univers tant visuel que sonore et thématique. Gérald Hustache-Mathieu est aussi à l'aise pour filmer les grands espaces que les intérieurs confinés comme recroquevillés pour échapper au froid extérieur. Les scènes de crimes qui reprennent des œuvres d'art sont tout aussi fascinantes que poétiques et effrayantes à l'image même de cette intrigue tortueuse comme une route de montagne, froide comme une nuit d'hiver et mélancolique comme un chocolat chaud d'enfance. Polar Park reprend le singulier mélange de Poupoupidou avec son humour pince sans rire, ses personnages juste légèrement en marge pour rester aussi décalés que crédibles et un étrange sentiment de spleen existentiel permanent s'interrogeant sur la vie, la création et les failles humaines.

Et puis Polar Park c'est aussi une formidable galerie de personnages et un casting qui frôle le sans faute. Jean Paul Rouves retrouve son personnage d'écrivain désabusé en mal d'inspiration, un rôle qui convient parfaitement à l'acteur qui selon moi n'est jamais aussi bon que lorsqu'il reste dans une sobriété un peu nonchalante tout juste rehaussée de quelques pointes de sarcasme. On retrouve également l'adjudant de gendarmerie Louvetot interprété par Guillaume Gouix, un enquêteur à la fois lunaire, pugnace et très terre à terre contrepoint parfait des théories fantaisiste issus de l'imaginaire du romancier. Tout le reste du casting est du même acabit avec la chaleureuse Firmine Richard dans le rôle du commandant Bellrose, Feodore Atkin en vieux chaman indien du Doubs, Olivier Rabourdin et Jean Claude Drouot en moines fournisseurs de substances illicites ; même Pierre Lottin est très bon dans son rôle pourtant habituel de grand costaud un peu con sur les bords... J'ai aussi une très grosse tendresse pour les personnages féminins avec la jeune et sacrément charismatique Soliane Moisset dans le rôle de Niki, une employée de médiathèque, fan de scrabble et chanteuse à la voix planante (même si elle est doublée pour l'exercice). Et puis impossible d'oublier India Hair absolument GENIALE dans le rôle de la professeur de français Aurélie Poulidor et admiratrice amoureuse du romancier débarqué providentiellement à Mouthe. Pour terminer l'autre acteur important de la série est incontestablement sa musique composée par Stéphane Lopez qui vient draper le récit d'une ambiance planante, onirique et inquiétante, les différentes chansons et morceaux présents dans la série ( Falling – Whispers of Owl – Change Your Mind) sont le fruit de très belles collaborations entre Stéphane Lopez, Gerald Hustache-Mathieu, Karina Rammage et le duo Dimitri Leroy et Jérémy Barlozzo qui incarnent également deux gendarmes à l'écran.

Polar Park est une franche et belle réussite à laquelle on pourra juste reprocher une intrigue tordue jusqu'à l'absurde mais pour le reste sur le fond comme sur la forme la série reste aussi agréable qu'addictive. Bravo !!