S'il nous fallait une preuve ultime, après la trahison originelle de "Blade Runner" et les multiples aberrations qui suivirent, que Philip K. Dick est absolument inadaptable, ce serait très certainement cette laborieuse collection d'adaptations de nouvelles de notre cher "Maître du Haut-Château", dans la quelle la maison Amazon, décidément bien peu inspirée, a visiblement investi pas mal, que ce soit pour embaucher des acteurs connus auxquels on ne donne rien à faire d'intéressant, ou pour représenter des mondes futurs d'une laideur stupéfiante et d'un manque d'imagination déprimant !


Le lecteur assidu de Dick sait de toute manière qu'il ne s'agit pas là de Science-Fiction au sens propre du terme, l'auteur étant en général incapable d'imaginer - à supposer que ça l'ait intéressé - la moindre évolution technologique (on s'envoie des télex dans son futur et on téléphone de cabines vitrées) : Dick, c'est avant tout des concepts vertigineux qui vous font douter de la réalité et / ou de votre propre identité - comme lui en doutait chaque jour - et une terreur noire devant les manipulations gouvernementales qui ont pour unique but de conquérir votre cerveau - comme lui pensait être espionné télépathiquement par la CIA ou le KGB, ou les deux. Pas facile à mettre en image, surtout si l'objectif commercial est d'attirer la masse des spectateurs, plus tentés par les duels au sabre laser ou les combats de super-héros. Dédouanons donc de cet échec les réalisateurs de "Electric Dreams", la tâche était impossible !


Pourtant, un tout petit nombre d'épisodes passe mieux la rampe : "The Commuter" à la saveur délicieusement british, qui retravaille l'inusable concept du village idéal (remember "le Prisonnier" ?), "Real Life" qui traduit quand même assez justement le vertige dickien de l'oscillation entre deux réalités, et surtout "Kill All Others", pamphlet pas si bête sur l'assoupissement des masses dans une démocratie qui peu à peu n'en est plus une. Pour le reste, on fluctue entre la catastrophe industrielle ("Crazy Diamond", où deux pointures comme Steve Buscemi et Sidse Babett Knudsen se ridiculisent), le recyclage sans inspiration ("The Hood Maker" nous fait platement son petit "Blade Runner") et les poncifs de la SF la plus usée ("The Father Thing" en citation directe des "Body Snatchers").


Pas de quoi se réjouir, ni en faire des rêves particulièrement électriques !


[Critique écrite en 2018]

EricDebarnot
4
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à sa liste Les meilleures séries de 2017

Créée

le 10 févr. 2018

Critique lue 1.8K fois

18 j'aime

Eric BBYoda

Écrit par

Critique lue 1.8K fois

18

D'autres avis sur Philip K. Dick's Electric Dreams

Philip K. Dick's Electric Dreams
Kerven
7

Une série assez inégale

Forcément, avec Philip K.Dick, le besoin d'exigence monte d'un cran chez le spectateur averti. 10 épisodes basées sur les nouvelles de ce diable d'homme dont la paranoïa n'est plus à évoquer. Le...

le 27 févr. 2018

7 j'aime

Philip K. Dick's Electric Dreams
OskarNewon
8

Des rêves électriques.

Le premier épisode se situe dans une époque indéterminée où la technologie semble totalement absente. Un monde dans lequel s’opposent les Teeps, sortes de mutants télépathes, et les humains...

le 20 sept. 2017

4 j'aime

6

Philip K. Dick's Electric Dreams
aGa
7

L’alternative à Black Mirror est sur Amazon (Critique originale pour Begeek.fr)

Voici notre critique sans le moindre spoiler de Philip K. Dick’s Electric Dreams, la série d'anthologie de Channel 4 et Amazon Prime Video qui devrait plaire aux amateurs de Black Mirror. En...

Par

le 30 avr. 2018

4 j'aime

Du même critique

Les Misérables
EricDebarnot
7

Lâcheté et mensonges

Ce commentaire n'a pas pour ambition de juger des qualités cinématographiques du film de Ladj Ly, qui sont loin d'être négligeables : même si l'on peut tiquer devant un certain goût pour le...

le 29 nov. 2019

204 j'aime

150

1917
EricDebarnot
5

Le travelling de Kapo (slight return), et autres considérations...

Il y a longtemps que les questions morales liées à la pratique de l'Art Cinématographique, chères à Bazin ou à Rivette, ont été passées par pertes et profits par l'industrie du divertissement qui...

le 15 janv. 2020

190 j'aime

105

Je veux juste en finir
EricDebarnot
9

Scènes de la Vie Familiale

Cette chronique est basée sur ma propre interprétation du film de Charlie Kaufman, il est recommandé de ne pas la lire avant d'avoir vu le film, pour laisser à votre imagination et votre logique la...

le 15 sept. 2020

185 j'aime

25