Un très bon anime pour un très grand RPG

Persona et moi, c'est une grande histoire d'amour, et pas seulement le quatrième opus. J'ai découvert la saga avec Persona 4, avant de me plonger dans les précédents volets, puis ai suivi les différentes déclinaisons : The Golden, Arena... Puis The Animation, première adaptation animée fidèle d'un volet de la licence. Une précédente série, Trinity Soul, était sortie auparavant mais pas du tout en phase avec l'univers représenté par les opus 3 et 4. Ce nouvel essai anime parvient à nous faire retrouver cette ambiance qu'on adore dans Persona, les qualités du jeu mais aussi l'atmosphère vidéo-ludique.

Pour l'histoire, nous suivons Yû Narukami, lycéen qui se voit contraint d'habiter un an chez son oncle, à cause du travail de ses parents. Sur place, il découvre une bourgade rurale, mais aussi de nouveaux camarades de classe. Rapidement, l'horreur frappe son quotidien : le corps d'une présentatrice télévisée puis celui d'une lycéenne sont retrouvés pendus, inertes, à des antennes de télévision.
En parallèle, Yû découvre la Midnight Channel, un phénomène qui consisterait à voir apparaître son âme-sœur dans un écran de télé éteint, un soir de pluie, à minuit. Se rendant compte qu'il peut passer à travers l'écran pour atteindre un monde parallèle, il atterrit, avec ses camarades, dans un univers obscur où des créatures nommées Shadow,s'avèrent virulentes. En contrepartie, il dispose d'un pouvoir particulier pour les combattre : La Persona, un double psychique issu de son inconscient. Un lien existe entre ce monde et les meurtres en série, un univers où les victimes sont jetées en pâtures aux Shadow.

Adapter en 25 épisodes un jeu de plus de 70 heures était un pari très risqué. En effet, le quatrième épisode d'Atlus propose une très longue introduction, des donjons denses, et des event assez nombreux constitués d'une multitude de dialogues, sans oublier les liens sociaux à développer sur dix niveaux, avec chaque personnage du jeu. Alors, comment s'en sort Persona 4 - The Animation ? Plutôt bien mon capitaine, puisque l'anime a le mérite d'aller en permanence à l'essentiel sans jamais délaisser un aspect majeur du scénario. Le seul hic, c'est que tout va très, très vite. Pour ceux qui n'ont jamais joué au jeu, il faudra sans doute s'accrocher pour comprendre cette très riche intrigue dans les détails, notamment sur la fin où les rebondissements sont omniprésents. A l'instar du jeu, l'histoire s'avère complexe, empli de philosophie sur la société et l'inconscient, mais qui est nettement plus aboutie dans le jeu vidéo car aux phases de discussions plus nombreuses. Le tout est quand même bien retranscrit à l'écran, même si on garde cette impression que l'anime est avant tout destiné à ceux qui connaissent bien le soft.

Adapter les liens sociaux et event n'était pas chose aisée. Ceux-ci étant constitués de très nombreux dialogues et quelques gags, le tout aurait pu être soporifique retranscrit à la lettre en anime. Les scénaristes ont trouvé un bon compromis et réinventes toutes ces phases, sans jamais oublier les petit clins d’œil au jeu. Certes, on s'attache un peu moins aux personnages secondaires qui, en général, n'ont la vedette que durant un ou deux épisodes de la série, mais ils ont le mérite d'être présent à l'écran et de générer des épisodes relaxant, emplis d'humour et de convivialité. D'ailleurs, cet humour est souvent présent dans la série, et joue volontiers avec différents aspects du jeu, ne serait-ce la complexité du personnage de Kanji, ou les caractéristiques du héros dans le jeu vidéo.

Persona 4, c'est cette troupe d'amis, ces camarades que l'on suivait durant plus de 70 heures, dans des combats tactiques face aux Shadow et dans les moments de détente, la vie de tous les jours. Alors, on retrouve cette fraîcheur dans l'anime, ainsi que la convivialité dans cette bonne bande de copains qui devient aussi un peu la notre. Les épisodes event aident à tout cela, si bien qu'on ne dirait pas non à quelques épisodes supplémentaires. La psychologie de ces protagonistes est aussi appuyée que dans le jeu, ceci grâce à des petits moments qui se concentrent successivement sur eux, mais aussi aux donjons parfois réinventés. L'arc Yukiko est une véritable pépite à ce sujet, et parvient à créer une ambiance dramatique absente dans le passage correspondant dans le jeu vidéo.

L'autre question qui se posait, c'était comment retranscrire les combats et le concept des Persona, des fusions, et même de l'aspect stratégique dans l'anime. Pour les fusions, le bon compromis a été trouvé, permettant à Yû de simplement invoquer de nouvelles entités au fil des relations qu'il noue durant la série. Pour expliquer brièvement cette mécanique, on peut saluer les interventions d'Igor et Margaret, en toute début de chaque épisode. Pour le reste, les combats se font plus bourrins. Certaines références au jeu sont données, comme le nom des entités ou de leurs attaques, ce qui est très bien dosé. Le fan s'y retrouve, et ces éléments sont assez discrets pour ne pas gêner ceux qui n'ont jamais joué au jeu.

Techniquement, je pense que c'est le point le plus noir de la série. La conception de Persona 4 ne s'est pas faite dans les meilleures conditions, si bien que des animateurs ont déserté le projet. Ceci explique alors l'animation parfois limitée, ou le design des personnages qui en pâtit face au trait de Shigenori Soejima. On retrouve néanmoins visuellement la chaleur d'Inaba, ceci via une sélection de couleurs osée par rapport aux cinématiques du jeu vidéo. Côté musiques, les compositions du jeu côtoient les inédites, le tout réalisé par la talentueux Shoji Meguro. On retrouve avec grand plaisir les compositions phares du soft, leurs réinterprétations de l'album "Reincarnation Persona 4", et de nouvelles pistes en phase avec l'anime. Je recommande d'ailleurs chaudement la piste "The bond of everyone soul", mélange d'épique et de majestueux. Les génériques ont aussi leur mot à dire car au lieu d'opter pour un parti-pris "shônen", on reste en phase avec l'esprit de Persona 4, tant visuellement que musicalement. Shihoko Hirata, Yumi Kawamura et Lotus Juice, trois artistes qui ont fait la gloire sonore des épisodes 3 et 4, sont de la partie pour le meilleur et pour... le meilleur.

Notons qu'autour de la série, d'autres petits projets sont nés. Tout d'abord, l'OAV "No one is alone" qui adaptent en réalité la véritable fin du jeu et propose plus d'informations au spectateur. Le choix de cet épisode est assez particulier tant il fallait adapter à l'écran les derniers passages clefs du jeu. Nous n'avons pas à proprement parler une ascension de donjon mais un mindfuck parfois dérangeant, ce qui peut rebuter. Puis vient le film "The factor of hope", que je qualifierai comme une simple version longue de l'OAV. Moi qui avait commandé le dernier DVD en édition japonaise limitée pour obtenir une copie physique de ce film, la déception fut là.

Bref, je me suis longuement attardé sur la comparaison entre le jeu Persona 4 et son adaptation animée, ce qui est bien normal puisque j'estime que l'anime s'adresse avant tout aux fans du soft et risquerait parfois de perdre celui qui n'y a jamais joué. Demeure alors une très bonne adaptation animée, faisant montre de choix audacieux pour retranscrire à l'écran tous les éléments clefs du chef d’œuvre d'Atlus. Et pour ceux qui en redemanderaient, un nouvel anime vient de débuter au Japon, "Persona 4 - The Golden Animation" qui, comme son nom l'indique, cherche à adapter le jeu "The Golden". Mais c'est une autre histoire, et le constat est bien plus mitigé...