OVNI(s)
7.3
OVNI(s)

Série Canal+ (2021)

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Il m’est assez rare de parler de séries, tout simplement car je n’en regarde pas. Le médium ne m’intéresse pas spécialement, et j’ai beaucoup de mal à me retrouver dans ce format. Pourtant il faut croire que cette période chamboule nos habitudes, et voilà que je regarde deux séries en une semaine, diantre.
OVNI(s) avait, de l’extérieur, un certain charme. L’idée de faire une série sur les… Ovnis, en se plaçant dans la France de la fin des années 70 avec en rôle principal Melvil Poupaud et dans un second rôle Quentin Dolmaire, deux acteurs que j’aime beaucoup, le tout sur fond de comédie un peu perchée, intriguait. Ça me rappelait drôlement Coin Coin et les Z’inumains, une des rares séries que j’ai vues et dont la 1e saison, P’tit Quinquin, figure sans doute parmi les 10 plus belles choses qui m’aient été données de voir dans ma vie. En somme, OVNI(s) avait du potentiel, du moins vu de l’extérieur, mais quand on y regarde plus attentivement, on voit beaucoup de fragilité dans cette oeuvre parfois trop indécise et confuse, mais offrant tout de même quelques moments retenant l’attention par leur singularité, ne pouvant faire qu’émettre un sentiment d’entre-deux face à cette série.


La fin des années 70 remonte à plus de 40 ans quand on y pense, et dans cette série on y pense souvent, surtout par un habile (mais surtout lourd) procédé de faire référence au présent. Alors oui, cela peut donner des séquences plutôt marrantes, mais il y a un moment où cela devient trop écrit, trop pressenti, et pas assez original et inventif, soit l’inverse de l’image de cette série. Un des meilleurs exemple réside dans l’apparition vers la fin de la série de Steven Spielberg, qui vient pour observer le GEPAN (le groupe qui étudie les phénomènes d’ovnis, et principal lieu de la série) en action afin de faire une suite à Rencontre du 3e type. Bon, on sait qu’il n’en existe pas, et forcément on se demande quel film du réalisateur sorti après 1978 parle des extraterrestres ? Vous l’avez dans le mille, on attend seulement le moment où il va avoir une révélation suite à un « Téléphone, maison » d’un des personnages, et malheureusement la série ne crée rien au-delà de ces moments. C’est juste marrant car Spielberg est à Toulouse et paraît un peu comme un con. Ça marche pendant une séquence, pas pendant un épisode où toutes ses apparitions sont anecdotiques et ne font en rien avancer l’intrigue ou les relations entre personnages, bref c’est inutile.
Il semblerait que cette série veuille se distinguer d’un certain humour classique, en ajoutant un aspect méta à son histoire, mais pour cela il faudrait installer une certaine cohérence, car écriture comme mise en scène sont trop classiques pour s’inscrire dans quelconque subversion de la plaisanterie. En effet les plans sont très banals, la caméra est souvent trop sage pour surprendre comme la série essaierait de faire. Par exemple, lors de l’épisode 5, alors que Daphne Patakia (une des personnes qui travaille au GEPAN) se rend à une réunion de fidèles croyant en l’existence de certains extraterrestres, elle se rend compte que tout ça n’est que mensonge, mais tout est trop gentil, il manque un éclair pour que la série décolle. Ce personnage joué par Daphne Patakia est justement assez maladroitement écrit. L’actrice joue bien, mais ses actes et sentiments sont trop prémédités, et donnent souvent lieu à des conséquences trop classiques, trop déjà-vues. On a finalement beaucoup de mal à cerner le sens de tout ça, car ni l’histoire autour des ovnis, ni les relations entre personnages ne marchent, et pourtant oui, ce n’est pas faute d’essayer.


OVNI(s) est bizarre, il faut le dire. Bizarre car c’est une oeuvre qui laisse le spectateur se débrouiller entre rire ou être sérieux face à diverses situations, et cela n’est pas un mal. On a déjà parlé des films de Bruno Dumont qui est un maître en la matière, et Patricia Mazuy a récemment fait ça avec Paul Sanchez est revenu !, mais c’est un exercice très risqué, car il faut savoir doser ces moments, et pour cela avoir des personnages cohérents aide beaucoup, ce qui n’est malheureusement pas le cas de la série. Cependant, celle-ci essaie par moments de créer des moments de beauté. Peut-être est-ce extrapoler que de dire ça, mais en se désintéressant de l’affaire des ovnis (ce qui est une très bonne idée) elle essaie de se concentrer sur les relations entre personnages. Cela peut donner des moments ratés, comme à l’épisode 7, au Paradisio, ou deux personnes se retrouvent sur fond de Dalida, dans une séquence mal agencée et forcée ; mais cela peut donner des moments tout à fait intrigants, oui encore ce mot. Lors de l’épisode 2 (et ce n’est pas la première fois qu’elle apparaît), alors que Melvil Poupaud et Daphne Patakia sont sur une affaire, une musique apparaît tandis que Poupaud part et que Patakia tente tant bien que mal de suivre son rythme. Cette musique, c’est « Mélodie Hongroise », une reprise à la guitare du thème de Schubert. Il va sans dire que l’air et les plans dans les plaines donnent un aspect très mélancolique, voire beau à cet ensemble, mais le sens échappe, pourquoi avoir mis cette séquence là ? Pourquoi l’avoir construite de cette manière ? Pourquoi cette musique, qui ne cesse de me hanter et arrive finalement totalement à fredonner un certain air des années 70 ? Un mystère, comme la série ne manque pas d’en rappeler l’utilité, le mystère de cette musique qui se distingue de toutes les autres, plus électroniques, vraiment bien, mais ne se distinguant pas autant que cette « Mélodie Hongroise ». Elle apparaît après que Daphné Patakia ait parlé de la poésie, qui permet de ne pas tout comprendre, et d’apprécier le mystère. En une séquence, la série gagne un charme insoupçonné dans un élan de beauté rare, et faisant prendre sens à tout ce qui se passe. Malheureusement, c’est trop rare.
Une autre musique dans le même style se cache plusieurs fois dans cette série, et c’est celle du film Coup de tête, là aussi arrivant bien à retranscrire une certaine ambiance. Étrange, c’est peu et pourtant cela suffit à me hanter encore et encore, car au-delà de toutes les erreurs d’écriture ou une mise en scène plus que classique, OVNI(s) reste mine de rien plutôt plaisant à voir. La série arrive à créer assez de charme pour questionner, et sans doute pour rester longtemps dans la tête, et même si cela n’assure pas forcément une réussite cinématographique, ça montre que cette oeuvre n’a pas à être oubliée dès la fin du visionnage. Elle doit mûrir, chez nous comme chez les créateurs, et revenir plus forte.


OVNI(s), tu m’as déçu, mais tu m’as également surpris, et j’ai du mal à t’en vouloir malgré toutes tes erreurs, car tu me tourmentes, et des oeuvres qui procurent cela, on n’en trouve pas tous les jours, on en cherche même souvent. Alors, merci bien.

NocturneIndien
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le 23 janv. 2021

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NocturneIndien

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