Ostentation insupportable et propagande

Je sais pas pour vous mais moi la vie de la classe dominante new-yorkaise, dépeinte de manière si complaisante, si peu critique, j'en ai strictement rien à carrer. Pire, ça me met hors de moi. Qu'est-ce que ça veut dire ce choix de l'Arconia comme décor ? Pourquoi pas exactement la même chose mais dans un complexe d'appartements où il y a des gens normaux à l'intérieur ? Ah mais zut, oui, j'avais oublié, ça aurait été vachement plus compliqué de nous fourrer Sting en caméo dans un appartement de pauvre et c'est vrai que ça aurait été dommage de priver d'une opportunité un mec qui peine quand même déjà vachement en terme de notoriété et de sous ! Merci pour lui.

Vous me direz "Hypocrisie, halte ! Mais bien sûr qu'il y a des pauvres dans Only murders in the building. Qu'en est-il de Mabel, originaire de Long Island et d'Oscar le fils du concierge ?". Je répondrai qu'Oscar n'est plus au générique de la saison deux donc voilà ça déjà c'est plié. Et surtout je répondrai que le personnage de Mabel n'est rien d'autre qu'une Nième incarnation, ni très fine ni très discrète, de la propagande de caste dont les productions hollywoodiennes raffolent depuis à peu près forever. Mabel c'est la seule image du pauvre acceptable pour l'élite. Pourquoi ? Parce qu'elle aspire de toutes ses forces à la condition de ses petits camarades, parce qu'elle est construite pour être l'objet de l'identification du spectateur lambda. On s'imagine ce que ça aurait été de passer toutes ses vacances dans un immeuble comme l'Arconia, on est encouragé à rêver par ses yeux le luxe, le succès, la célébrité. Lorsque Cinda raconte que sa personne (SA PERSONNE !!!) vient d'être achetée par une entreprise étrangère pour 3 millions/milliards who cares, moi devant mon écran j'ai envie de gerber mais Mabel s'exclame un truc du style "Elle est géniale, je l'aime trop". C'est comme ça qu'on fait tenir des sociétés aussi inégalitaires que les nôtres, en instillant et en nourrissant sans cesse dans l'esprit des classes dominées ce fantasme que l'ascension sociale et économique est possible, la seule chose désirable et que de se battre pour que les élites gardent leurs privilèges c'est la seule façon de pouvoir un jour y prétendre soi-même à la force de ses petites mains.

Dans la même veine on peut citer les apparitions de Sting et d'Amy Schumer que je trouve d'un extrême mauvais goût. C'est puant cette mode de mettre en scène des célébrités dans leur propre rôle et de se moquer, encore une fois avec beaucoup de complaisance, de leurs excentricités. Ça m'avait déjà mis assez mal à l'aise dans la série Dix pour Cent (que j'ai bien aimé par ailleurs). On te met face à des gens qui se comportent quand même de manière assez horrible (la scène dans l'ascenseur avec Sting et le chien d'Oliver...) et on twiste ça pour qu'à la fin tu te dises : ah quand même qu'est-ce qu'ils sont attachants ces gens hein, malgré tout hein, on leur pardonne hein, au fond ils méritent bien leur position et des gens si talentueux, ils ont bien le droit de pas suivre tout à fait les mêmes règles sociales que nous pauvres mortels. Bah non, juste non en fait.

Enfin, après ces considérations politiques, on parle vite fait du scénario ou bien ? Saison 1 j'étais encore dedans même si rien d'extraordinaire, trop de facilité, trop de rebondissements artificiels etc. Mais alors la saison 2 pardon mais il s'est passé quoi ? On veut nous faire croire que Becky/Poppy a pu se repointer dans sa ville d'origine avec Cinda pour enquêter sur sa propre disparition avec une frange, des lunettes et une teinture pour seul déguisement ? Seriously ? J'crois qu'on a rarement fait aussi ridicule depuis Clark Kent.