Un documentaire extrêmement ambitieux, à défaut d'être parfaitement clair et précis sur toute la (très longue) ligne.


Le travail de Tancrède Ramonet est plus proche de l'histoire pure que de l'histoire de la philosophie : c'est une position un peu frustrante, tant on a l'impression après plus de deux heures de documentaire de n'avoir que survolé les théories politiques anarchistes. Pour le reste, même si tous les commentaires de la pléthore d'intervenants (parmi lesquels figure Normand Baillargeon) ne se valent pas, le film balaye une immense fenêtre temporelle, du milieu du 19ème siècle jusqu'au milieu du 20ème.


Il aurait été intéressant de passer beaucoup plus de temps (et laisser émerger des contrastes, pour ne pas laisser flotter un léger parfum d'ode un brin béate) sur Pierre-Joseph Proudhon par exemple, au-delà du célèbre "La propriété, c'est le vol !" de 1840 et auquel la pensée anarchiste ne saurait entièrement se résumer. Les différents courants sont certes évoqués, mais pas toujours approfondis (le féminisme est traité de manière bien lapidaire), pas toujours dans un sens aigu de la nuance. Les bases du mouvement sont bien situées à la charnière de la révolution industrielle, alors que naissait la théorie capitaliste. Les grandes tendances comme les premières dissensions laissent entrevoir autant de regards sur la lutte contre toutes les formes de domination (l'état, mais aussi les puissances religieuses et économiques), et avec tout ce que cela comporte de divergences avec les théories communistes. Révolution pacifique, insurrection violente, attentats pour instaurer un climat de peur, déstabilisation du pouvoir en place par la grève générale : les modes d'actions étaient très nombreux et sources de désaccords.


Le premier volet (1840-1914, "La volupté de la destruction"), beaucoup plus précis que le suivant, aborde également les aspects liés au conquêtes sociales diverses comme la bourse du travail et la journée de 8 heures, mais aussi le droit des femmes, Ravachol et Bonnot, l'anarcho-syndicalisme et les premières heures de l'écologie politique décrite entre autres par Élisée Reclus. L'opposition au marxisme en tant que dictature du prolétariat, en la personne de Bakounine, est clairement énoncée, mais on n'a jamais vraiment la sensation de pénétrer au cœur du débat idéologique ni d'en cerner autre chose que des éléments très superficiels.


Les tentatives de révolution occupent la seconde partie (1911-1945, "La mémoire des vaincus"), entre le Mexique (1910), la Russie (1917) et l'Espagne (1936), avec le caractère international du mouvement ainsi que de ses répressions (bolchéviques ou par la guerre civile). Le docu se fait beaucoup (encore) moins critique et plus brouillon, mais les tourments de l'Histoire avec tout ce qu'ils comptent de luttes intestines restent passionnants.


Un billet intéressant à lire sur ce documentaire : http://ombresurlamesure.com/ni-dieux-ni-maitres-une-histoire-de-lanarchisme-tancrede-ramonet/

Morrinson
7
Écrit par

Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur.

Créée

le 2 mai 2017

Critique lue 1.2K fois

20 j'aime

3 commentaires

Morrinson

Écrit par

Critique lue 1.2K fois

20
3

D'autres avis sur Ni Dieu ni maître : Une histoire de l'anarchisme

Du même critique

Boyhood
Morrinson
5

Boyhood, chronique d'une désillusion

Ceci n'est pas vraiment une critique, mais je n'ai pas trouvé le bouton "Écrire la chronique d'une désillusion" sur SC. Une question me hante depuis que les lumières se sont rallumées. Comment...

le 20 juil. 2014

142 j'aime

54

Birdman
Morrinson
5

Batman, évidemment

"Birdman", le film sur cet acteur en pleine rédemption à Broadway, des années après la gloire du super-héros qu'il incarnait, n'est pas si mal. Il ose, il expérimente, il questionne, pas toujours...

le 10 janv. 2015

138 j'aime

21

Her
Morrinson
9

Her

Her est un film américain réalisé par Spike Jonze, sorti aux États-Unis en 2013 et prévu en France pour le 19 mars 2014. Plutôt que de définir cette œuvre comme une "comédie de science-fiction", je...

le 8 mars 2014

125 j'aime

11