Monstre sacré
6.9
Monstre sacré

Série Channel 4 (2016)

Il y a beaucoup de qualités dans cette minisérie. D'abord, un excellent casting avec notamment Robbie Coltrane dans le rôle de Paul Finchley. Le visage et le nom de Coltrane me disaient bien quelque chose, jusqu'à ce que Wiki me confirme qu'il s'agissait bien de Hagrid ! (Avec quelques cheveux en moins...). C'est étonnant car je n'avais jamais vraiment considéré le potentiel de cet acteur, autrement que dans son rôle bien connu du bon gros géant dans Harry Potter. Et après avoir vu cette série, je m'étonne maintenant de ne pas l'avoir vu si souvent au cinéma.


J'ai remarqué un soin particulier apporté au visuel: la prise de vue est très soignée, et l'éclairage parfois sophistiqué (contre-jours, portant notamment sur l'accusé ou sur le couple, ciel très lumineux etc). La photographie est belle. Les maisons sont sublimes. Côté sonore, j'étais un peu moins séduit. Je ne sais pas du tout quel instrument ou quel type de musique était utilisé, mais j'en retiens une sensation de désagrément (peut-être volontaire?).


J'ai trouvé la minisérie bien écrite, le scénario maintient un bon niveau de suspense autour de la culpabilité de Paul et des accusations dont il fait l'objet. Certaines relations m'ont semblé cependant un peu artificielles ou représentées de manière peu crédibles. Par exemple, la relation qui se crée entre Marie et Karl, alors que ce dernier lui propose carrément de profiter de l'emprisonnement de son mari pour se mettre avec elle. Quel genre d'homme, connaissant les difficultés de son prétendu meilleur ami, tirerait un tel avantage de la situation pour faire ces avances ? Et quel genre de femme les accepterait sans émettre aucun jugement critique sur une telle démarche?
La relation entre la mère et la fille reste un peu brouillonne. On comprend que Dee, enfant, n'aimait pas beaucoup sa mère malgré ses efforts, sans que l'on sache vraiment pourquoi. Adulte, cela ne semble plus être le cas, même si certaines répliques laissent percevoir une certaine antipathie entre les deux femmes.


Durant les quatre épisodes, un temps assez important est consacré à l'explication possible de la dépression de la fille de Paul et Marie, autour d'un potentiel traumatisme d'enfance. Ce fil alimente beaucoup l'intrigue de la série. Mais finalement, aucune explication satisfaisante n'est donnée, puisque l'hypothèse des attouchements par son propre père est écartée. On suppose qu'enfant, Dee aurait vu son père avec la baby-sitter, mais ceci n'est que légèrement suggéré par une prise de vue en plongée depuis l'étage de la maison à la fin de l'épisode 4, le reste de l'histoire montrant Dee souriant à l'idée que son père ait finalement raccompagné la baby-sitter dans le taxi (ce qui n'était en fait pas le cas). Devient-on suicidaire ou toxicomane pour avoir été le témoin de l'infidélité de ses parents ? (c'est un autre débat, mais je dois dire que je ne suis pas trop convaincu)


Ce qui m'empêche de considérer personnellement cette série comme géniale, c'est surtout son côté banal et réaliste. Dans son style, qui cherche à raconter #MeToo du point de vue de l'accusé et de sa famille, elle est certes très bien exécutée, car elle arrive à en saisir de nombreuses composantes: l'ambigüité de l'homme et ses "différentes couches" comme le dira sa femme, la présomption de culpabilité médiatique et la voracité des journalistes qui n'ont aucun scrupule à exposer la vie privée du suspect, les nombreuses femmes opportunistes (il y a dans l'histoire six menteuses, et une seule victime), la foi de la femme pour son mari puis sa perte de confiance progressive jusqu'à la rupture (qui est suggérée par la fin). Ce qui est appréciable c'est que la série ne prend pas parti, mais cherche au contraire à représenter #MeToo dans toute sa complexité: elle n'est ni "féministe" (elle dénonce l'abus de la presse et de certaines femmes), ni "machiste" (elle dénonce finalement l'hypocrisie totale de Paul Finchley qui a bel et bien commis un viol).


En somme, on a là le portrait fidèle d'un phénomène de société en vogue, mais rien qui ne puisse vraiment émerveiller... Il manque du génie, de la créativité. Je pourrais presque dire qu'il manque du Black Mirror.

Philip-Marlowe
7
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le 18 oct. 2020

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Philip Marlowe

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