Minx
6.8
Minx

Série Starz (2022)

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Le hasard a voulu que je visionne le film "Barbie" et la série "Minx" à quelques jours d'écarts. Je vais donc tenter de traiter de ces deux productions dans ce qu'elles ont de commun et dans ce qui les distinguent.

Bien sur, ce qui les réunit est de traiter toutes deux de luttes féministes et d'aborder le sujet sous l'angle de la comédie. Dans Barbie, l'action principale se situe dans un monde imaginaire inspiré par des jouets qui va perdre son étancheité et se retrouver confronté au monde reel. Dans la série, nous sommes en présence d'un faux biopic où un personnage imaginaire prend corps sur la côte ouest des Etats-Unis au tout début des années 70. Tous les codes du biopic vintage sont respectés (la success story , les costumes seventies et la bande son sur mesure). Ce qui permet au film d'être plus original sur la forme et l'esthétique est évidemment l univers particulier où il se développe mais aussi son recours à la comédie musicale, un genre tout à fait propice à la fantaisie. En ce sens, il est tout à fait classique, à la manière de l'adaptation d'un spectacle de Broadway.

Les situations de départ sont différentes. Barbie vit dans un monde bienheureux dirigé par des femmes où l'homme est accessoire de l'accessoire. L'héroïne de Minx, Joyce Prigger va elle avoir à lutter pour faire valoir ses idées et ses compétences dans une société conçue par et pour les hommes.

Cependant si les deux oeuvres traitent (en gros) de l'affranchissement de la domination masculine, elles ne remettent pas en cause un seul instant, le modèle capitaliste qui est pourtant l'indéfectible garant du patriarcat. En cela, le discours du film comme de la série n'est jamais politique et ces productions ne sont en rien subversives. Il faut bien comprendre que la poupée Barbie dans les années 70/80 était la pure représentation d'une idéologie réactionnaire et qu'elle était considérée comme telle par ceux qui refusaient le modèle impérialiste. En d'autres termes, Barbie était "de droite" comme pouvaient l'être Mickey, Michel Sardou ou Louis de Funes. Le tour de force du film (et le formidable coup de pub de Mattel) sera sans nul doute d'avoir dépoussiérée cette image obsolète pour la revernir d'une nouvelle aura à destination des générations actuelles et futures. Dans "Minx" non plus, il n'y a pas de remise en cause du modèle, l'héroïne ne cherche pas l'abattre mais simplement à s'y faire une place. C'est une ascension vers le pouvoir qui suffit à elle seule à la satisfaire. Et il est intéressant de constater qu'une récupération des revendications féministes ainsi édulcorées ou tout au moins sorties de leur réflexion global fait finalement le bonheur du capitalisme et du patriarcat dont il remplit les poches. Nous pourrions comparer ce phénomène à celui des chanteurs contestataires issus des années 70 par exemple, le système capitaliste ne les a pas fait taire en les brimant mais en les diffusant au contraire à des millions d'exemplaires et en faisant des stars planétaires.

L'autre angle non négligeable est celui de la sexualité. Pour Barbie, la question ne se pose même pas puisqu'elle est dépourvue d'organes génitaux, elle n'éprouve pas même l'idée de désir amoureux. Ce qui peut paraitre étonnant, c'est que Kent qui est dans la même situation d'un point de vue organique, lui en ait tout au moins le pressentiment. Mais il était certainement plus facile pour la production d'éluder la question de cette manière et d'inscrire le personnage dans une pensée puritaine traditionaliste. La question est que la figure de la vierge appartient pour le coup pleinement au schéma paternaliste. Dans "Minx", l'approche est forcément différente puisque la série a pour cadre la naissante industrie pornographique et pour toile de fond la libération sexuelle. Cependant, la morale est sauve puisque l'héroïne est très prude et inexpérimentée. Et si elle découvre une sexualité au fil des épisodes, cela restera toujours dans très conventionnel et de l'ordre du fantasme bourgeois bon marché ( une aventure avec un modèle, une autre avec un musicien, un petit coup dans un bar et un autre dans un avion). La vie amoureuse des personnages secondaires n'est développée que pour la soeur de Joyce Prigger, femme au foyer frustrée qui découvrira les amours lesbiennes, puis pratiquera l'échangisme au sein de son couple avant de tout plaquer pour aller vivre avec une femme.

La série se terminera d'ailleurs sur une note d'inclusion des luttes LGBT à celles du mouvement féministe, les deux se retournant pour le coup, ensemble contre le grand capital.

Il est difficile d'extraire la fin de "Minx" de la réalité de sa condition puisque HBO Max interrompait le tournage de la série avant la fin de saison 2 avant de la supprimer de la plateforme pour la revendre à Starz. Il est donc fort probable que les scénaristes ayant à bâcler un final, y ait inclus une forme de message à la hauteur de leur frustration.

Ceci dit, " Barbie" comme "Minx" sont des spectacles tout à fait distrayants, pour ma part j'ai préféré la série qui présente une galerie de personnages attachants et qui au delà de ce que j'ai évoqué plus haut est souvent assez fine.

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le 14 sept. 2023

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