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Je n’attends jamais grand-chose de ce que la plateforme Netflix nomme presque solennellement « documentaires » dans l’une de ses merveilleuses sections au milieu des romances dégoulinantes, des films d’action bourrés d’explosions et de ses top 10 du jour. D’ailleurs, pour tout vous dire, je n’attends rien de Netflix en général.

J’ai toujours trouvé les contenus « documentés » de Netflix relativement médiocres, la teneur du propos et son traitement lacunaires, imprécis, souvent très orientés - dans un sens ou dans l’autre, et en définitive très éloignés de l’idée que je me fais de la connaissance, source claire et rigoureusement vraie.


Pourquoi donc, me direz-vous, allumais-je ma télévision en cette soirée du mercredi 8 mars 2023 ?

Le MH370 a disparu depuis exactement neuf ans. L’avion n’a jamais été retrouvé, les corps des 239 âmes qui se trouvaient à son bord non plus.

Comment pouvait-on de nos jours perdre ainsi la trace d’un tel appareil, symbole de modernité et d’innovation technique ?

Depuis le 8 mars 2014, des voix se sont faites entendre à travers le monde, interrogeant chacun de nous sur cette improbable tragédie du XXIe siècle. Ces voix saisirent la justice et confrontèrent les autorités concernées par l’enquête.

On leur répondit que personne ne savait rien. Haussements d’épaules, regards désolés, promesses solennelles : les pouvoirs publics semblaient tout à fait étrangers au sort des passagers du vol MH370, comme si la scission entre ces deux mondes s’était faite d’emblée, presque au moment de l’embarquement.


Avec le temps et les divers rebondissements de l’affaire, l’opinion publique forgea et développa toutes sortes de théories, des plus loufoques aux plus dangereuses, chacune avec leurs défenseurs et leurs théoriciens. Le fait est que le vol MH370 ressemble de plus en plus à un cruel jeu de dominos où chaque pièce déplacée menace d’abattre la seconde, ce qui donne un parfum étrange de suspense et d’angoisse chaque fois qu’un journaliste décide d’aborder de nouveau le sujet. Sans les deux précieux enregistreurs de vol, sans le fameux Flight Data Recorder, chaque tentative d’explication semble détruire la précédente. Où est donc la vérité ?


La réalisatrice de ce triptyque – Louise Malkinson – ne pouvant répondre à cette question fait le choix de présenter les grandes théories en vogue sur l’affaire, ce qui m’amène au premier point très négatif de cette critique: le manque de pertinence dans le choix des intervenants, entraînant d’une part un manque significatif de contributions scientifiques sérieuses et détaillées et d’autre part, un flot de témoignages aussi pénible qu’inutile.

J’ai ainsi maudit la vacuité des interventions de Jeff Wise et son narcissisme abyssal lorsque celui-ci déclare que l’histoire du MH370 « lui a fait perdre la tête » mais [qu’] « il le fallait ». Ses interventions ne révèlent rien sinon sa méconnaissance en matière de pilotage d’un Boeing 777, ce qu’on lui pardonnerait sans doute aisément s’il ne s’était pas présenté comme un journaliste spécialisé en matière d’aviation.


De manière générale, et bien que le documentaire soit segmenté en trois épisodes, je l’ai trouvé bien peu structuré et finalement très imprécis. Comme l’ensemble des reportages sur le sujet, celui de Netflix n’échappe pas à la règle et reste incroyablement superficiel dans son propos en donnant une place regrettable aux théories les plus improbables tant d’un point de vue politique que d’un point de vue technique sans se plonger sérieusement dans le peu de données factuelles réellement exploitables. Ainsi donc, on nous rappellera que les données fournies par Inmarsat furent remises en question de manière récurrente sans se pencher réellement sur celles-ci dans leurs détails.

Par ailleurs, que nous importait de savoir que Monsieur Mark Dickinson, CEO d’Inmarsat fut profondément affecté par les accusations de falsifications dont son entreprise fut la cible ? Il eut été cent fois plus avisé d’interroger directement un ingénieur capable de les authentifier - ou non - une bonne fois pour toutes.

Malheureusement, parler Satcom Data Unit (SDU), BFO, BTO, Log-on Request, IFE, bande de fréquences ne colle guère avec la bande-annonce sensationnaliste de Netflix : exit le lexique technique, cela demanderait de la concentration, et il faudrait trouver des ingénieurs capables de vulgariser tout ça à un public… de Netflix. À ce titre, le documentaire est donc d’une pauvreté scientifique déprimante, surtout si l’on cherche à s’emparer soi-même d’un maximum de données pour essayer de saisir toute l’histoire.


Bref, si vous vous étiez un tant soit peu intéressés à l’histoire du MH370 avant de regarder ce documentaire, vous n’avez sans doute rien appris de nouveau. Si vous espériez vous rapprocher un tant soit peu d’un début de vérité, vous n’avez fait qu’entendre un panel de théories sans réelle valeur.


Cela étant dit, il faut souligner l’une des difficultés majeures à laquelle on se heurte assez rapidement dès lors qu’on se plonge dans l’histoire du vol MH370 : quasiment tous les éléments de l’affaire ont été ou sont soumis à controverse : la trajectoire du vol, le point de chute de l’avion, sa façon de tomber dans l’eau, l’authentification même des quelques débris retrouvés, l’intégrité du pilote, sa santé mentale, la cargaison précise chargée en soute, les données fournies par Inmarsat, les radars qui auraient dû suivre sa route et qui ne l’ont pas (tous) fait, les lieux de recherches… etc.

Le doute a été jeté sur à peu près chaque élément de l’histoire à un point qui ne rend pas service à grand monde.


Le troisième et dernier épisode sonne comme une conclusion maladroite à ce mélange de larmes, de lassitude, de combativité et en fin de compte d’espoir au milieu d’hypothèses politico-complotistes.

Nous sommes au bord de l’océan, avec les familles des disparus et nous regardons au loin avec eux. Leur dignité et leur force contrastent douloureusement avec ce que Netflix a essayé de construire avec leur histoire.


Une question demeure : quand la vérité viendra-t-elle ?


« Si les réponses arrivent dans dix ans, elles arrivent dans dix ans » répond simplement Ghyslain Wattrelos résigné devant la longueur de son combat, comme Intan Othman et tous les autres.■



Proximah
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le 18 mars 2023

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