Wilson Fisk, you have failed (to make) this city (a better place) !

La guerre ouverte entre Marvel & DC menée à l'écran vient de prendre une nouvelle tournure. Là où Marvel domine le marché du cinéma avec des films funs et décomplexés, mais peine à maintenir la tête hors de l'eau avec Agent of S.H.I.E.L.D sur le petit écran, DC préfère des films sombres et réalistes mais qui peinent à construire un univers partagé. Tandis que leur travail sur le petit écran cartonne avec Arrow & Flash ou même Gotham qui fonctionne assez bien dans les audiences malgré sa chronologie improbable.

Marvel cherchait donc un moyen de redorer son blason côté série télé, l'approche tout public s'étant avérée bancale avec Agent of S.H.I.EL.D, il était temps d'essayer autre chose. Ce qui marche bien au cinéma nécessite des moyens et une série ne peut pas toujours se permettre le déluge d'effets spéciaux qui fait le succès de ses blockbusters. Arrow ayant ouvert la voie des supers-héros urbains sur le petit écran, Dardevil semblait un assez bon choix pour offrir quelque chose dans le même ton sans être trop similaire en terme d'intrigue et de personnages.

Daredevil revient de loin, depuis le film pitoyable de la 20th century Fox, le personnage semblait être une cause perdue. Puis les droits sont revenus à Marvel avec le Punisher et Ghost Rider. Pendant longtemps, on s'est demandé ce que la maison des idées allait en faire, surtout que cela ne collait pas avec l'image grand public véhiculée par les films et plus appropriée depuis le rachat par Disney.

Puis la série fut annoncée, le choix de Netflix laissait espérer un ton plus sombre, à l'image de ce que la chaine a pu faire sur Hemlock Groves. Restait à voir le résultat. En adoptant un super-héros urbain, Marvel a préféré choisir une ambiance plus proche du thriller policier que du film à super pouvoir pété d'effets spéciaux, on est donc plus proche du Dark Knight de Nolan que d'un Thor. L'intrigue est partagée entre le rôle d'avocat de Matt Murdock et ses pérégrination nocturnes pour péter des rotules. Mais là où le cinéma a l'avantage du budget et des effets spéciaux, le choix d'une série permet d'étaler l'intrigue pour obtenir un scénario beaucoup plus intéressant et abouti. Mieux encore : le choix de Netflix qui diffuse tout ses épisodes d'un coup, permet d'éviter le syndrome de l'histoire hebdomadaire qui ne perd pas les spectateurs. Ici, le scénario a pu se permettre le luxe d'instaurer une intrigue continue en 13 épisodes qui ne va pas s'égarer un seul instant.

Le casting est exceptionnellement réussi, aussi bien pour les personnages principaux que pour les secondaires, aucun ne sonne faux, à aucun moment. A vrai dire, c'est même le premier point qui m'a laissé penser que j'allais aimer le show : Vincent D'Onofrio. Personnage majeur du film qui m'a ouvert les yeux sur le cinéma en tant qu'Art (Full Metal Jacket), j'étais très curieux de le voir jouer dans une production Marvel, surtout que je ne l'avais pas beaucoup revu depuis Men In Black. Très bien amené dans l'intrigue, on commence par faire monter le suspense autour de son existence; mais c'est bien sûr Charlie Cox qui commence par crever l'écran lorsqu'on démarre la série. Absolument parfait en Matt Murdock, son interprétation du personnage sonne juste à tout point de vue. Son sourire est à la fois radieux pour son entourage et perturbant pour le spectateur dans la mesure où il s'agit la de son véritable masque; l'aspect jovial de son visage contraste royalement avec la noirceur qui le ronge de l'intérieur. Mais comme je l'ai dit plus haut, c'est Vincent D'Onofrio en Wilson Fisk qui m'a le plus impressionné. C'est simple, il s'agit pour moi du meilleur choix de casting opéré par Marvel jusqu'à présent, et entre Tony Stark, Loki et Nick Fury, dieu sait qu'ils en ont eu des idées brillantes dans leur choix d'acteurs. Mais cette interprétation du Caïd est juste hallucinante de justesse, on a là très certainement le méchant le plus réussi du Marvel Cinematic Universe. Avec des motivations complexes, une histoire crédible et surtout un aspect profondément humain. Ce n'est pas juste un méchant pour être méchant. La série nous le montre d'ailleurs sous un aspect fragile au premier abord, qui ne va pas sans étonner les connaisseurs de cette montagne ambulante. Mais son côté humain va justement décupler la puissance de ses explosions de colère. Car l'aspect brutasse absolue du personnage n'est pas en reste, et lorsque la bête est lâchée pour la première fois, on est saisi par la violence animale dont il fait preuve. Mais contrairement au film de 2003, on a pas juste une brute sans cervelle. Toutes les facettes du personnage sont ici saisies à la perfection. On admire le maître placer ses pions sur l'échiquier mais à la seconde où l'un de ses adversaires ose faire le moindre écart susceptible de l'énerver, on a pitié pour eux car on sait ce qui va leur arriver sur la gueule.

L'esthétique même de la série n'est pas non plus en reste avec une excellente photographie digne des meilleurs polars et des scènes de combats purement excellentes dont les chorégraphies feraient clairement pâlir les Batmans de Nolan, il n'y a qu'à voir le formidable plan séquence qui cloture le deuxième épisode pour s'en assurer. A vrai dire, cette série fait mieux que la célèbre trilogie à tout point de vue, du moins à mes yeux. Scénario fouillé qui prend son temps pour se mettre en place, esthétique visuellement irréprochable avec une ville glauque aux quartiers peu fréquentables, un méchant tout aussi génial que le Joker d'Heath Ledger mais en bien plus crédible, au point que le spectateur le prenne parfois même en pitié tant son histoire est tragiquement réaliste. Mais surtout, là où Nolan a fait d'excellent thrillers mais où le héros aurait tout aussi bien pu être James Bond ou n'importe quel flic avec 2-3 gadget, la série Daredevil ne perd pas de vue un seul instant ce qui fait l'essence du personnage et ça fait plaisir de ne jamais oublier qu'on est bien dans le super-héroïque et pas seulement dans un polar.

Franchement j'ai beau chercher, je ne vois pas un seul point de la série qui aurait pu être traité plus efficacement. Si vraiment je devais noter deux petits défauts, c'est vraiment les deux seuls qui me viennent à l'esprit :

1. Lors de l'accident qui coûte ses yeux à Matt Murdock, on ne voit nulle part les Tortues Ninja ^^


2. Aucune référence à un certain Frank Castle, même si cette série m'a définitivement réconforté sur l'idée qu'il puisse avoir un jour sa propre série, faite correctement.