Les Voyageurs du temps par Timst

Travelers est une série qui demande un peu d'adaptation. Déjà il faut se faire au scenario de voyage dans le temps, d'apparence pas du tout maîtrisé. Il court directement au paradoxe sans que les personnages n'aient l'air de se poser de questions, et notamment dans la première saison c'est tentant de ragequitter tant certaines séquences et plot points ont l'air illogique.

Mais au final on s'y fait. Un truc qui m'a pas mal aidé c'est de considérer le présent et le futur comme deux univers parallèles vaguement liés, plutôt que voir le futur comme étant littéralement le futur du monde présenté (sinon, comme dit, on va droit au paradoxe). Une fois qu'on a décompressé de ça on peut se concentrer sur les autres mécanismes, et là on trouve le coup de génie de la série : le fait que les gens voyagent dans le temps non pas en s'y téléportant, mais en occupant le corps de gens près à mourir, se retrouvant ainsi à jouer leur vie.

Ça crée tout un tas de scenarios intéressants. Déjà y'a le côté espionnage où les agents doivent convaincre leur conjoints/famille/collègue que rien a changé. Ensuite les personnages doivent non seulement gérer leur propres problèmes et démons, mais aussi ceux de leur "hôte". Résultat, dans une épisode lambda, on passe rarement plus de 50% du temps à faire avancer le scenario, et le reste se consacre au "protocol 5" – à savoir, faire continuer la vie des hôtes. Apaiser la suspicion des proches, gérer les problèmes de santé ou de finances, répondre aux engagements sociaux contractés par l'hôte avant qu'il soit remplacé, etc. C'est quelque chose qui aurait facilement pu être relou (voir: Breaking Bad, ou chaque séquence avec la famille me paraissait hyper pénible), mais qui est très bien implémenté ici.

Ensuite, ça permet de tuer des personnages sans tuer la personne qu'ils occupent (et au passage, sans invalider le contrat de l'acteur, cassant pas mal de chaines pour les scénaristes). On a donc l'occasion de voir un même corps "joué" par différents personnages, parfois à la personnalité très différente. C'est une belle occasion d'observer le très bon jeu d'acteur dont fait preuve la plupart des membres du casting.

Enfin ça permet tout un jeu de dynamique entre les personnages. Ceux qui savent le secret et ceux qui ne savent pas. Ceux qui avaient une information mais ont depuis ont été remplacés et l'ont donc oublié. Narrativement c'est très riche, et les réalisateurs s'en donnent à cœur joie.

Un autre truc chouette : le world building. Le futur est vaguement présenté comme la dystopie post apocalyptique standard (qui m'a perso rappelé le futur de Chrono Trigger), et je pense que si on avait eu droit à des séquences dans le futur, ça risquait de faire tarte. Mais à la place, le futur est révélé petit par petit, avec quelques phrases ici et là et des réactions qui en disent long, comme des voyageurs récemment arrivés (enfin, transplantés) qui se ruent à la fenêtre pour voir des oiseaux, ou le dégoût provoqué par le goût des habitants du 21ème pour la viande.