Last Chance U
7.6
Last Chance U

Série Netflix (2016)

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Ce sera donc cette série qui me poussera à rédiger ma première critique. Cette série, commencée en 2016, avec les gamins d'EMCC, dans le Mississipi, prolongée avec les Pirates d'Independance, au Kansas, se termine donc avec les Eagles de Laney, à Oakland. Gamins ? Non. Rarement une série n'aura aussi bien photographié la transition de l'adolescence à l'adulte, de surcroît dans une société fracturée par le néo-libéralisme à outrance et ses nombreuses dérives. Du Kansas, à Oakland, on retrouve les mêmes failles. Ces jeunes (afro-américains pour la plupart), obnubilés par la question de l'élévation sociale, absolument déterminés à obtenir une bourse afin de décrocher un diplôme ou de continuer à jouer au football, deuxième religion étatique, pour espérer intégrer la NFL.


Ici vous pouvez spoiler


Selon moi, cette 5 ème saison, marque l'apothéose de ce show. Cette fois-ci, le regard est d'autant plus sociologique. Comment, la ville d'Oakland, et ses communautés historiques réagissent à l'embourgeoisement perpétré par l'installation des géants de la tech dans la ville ? Plus que jamais, la ségrégation sociale et économique s'enracine. Les systèmes de valeurs muent. Les solidarités deviennent des actes de résistance lorsque l'argent se fait roi. Et, la population historique de la ville fuit à quelques heures de routes, la population de "homeless" augmente, des enfilades de voiture-maison s'entasse sous les ponts, à quelques encablures de loyer en milliers de USD. Dior Walker-Scott, QB/WR, en fait partie. Il doit dormir dans sa voiture, travailler pour se nourrir, étudier, être un athlète de haut-niveau et dealer avec des conflits paternaux. Quel personnage illustre mieux l'Amérique de nos jours ? Ce jeune de 18 ans, à la volonté de titane, un véritable "self-made-man", fragilisé par la relation étouffante et cassante entretenue avec son père (vétéran de guerre), se démène corps et âme pour poursuivre ses rêves. Quels mots reflètent le mieux la mentalité libérale de ce pays si ce n'est lorsqu'il explique qu'il doit être égoïste pour survivre, que l'altruisme est raréfié ? Comment lui en vouloir ? L'ensemble de son environnement, de son parcours de vie, sont marqués au fer rouge par le drapeau Américain.


À chaque saison, les entraîneurs l'auront avoué à demi-mots, mais plus que jamais l'enjeu de ces programmes n'est pas sportif, n'est pas compétitif. Il est humain. Et ces jeunes gens en sont des illustrations parfaites. Leur maturité est impressionnante. Car c'est bien de cela qu'il s'agit. Il s'agit de leur donner la capacité de réaliser des choix de vie, des choix de destinée. Est-ce facile d'avoir 18-19 ans dans des sociétés en pleine crises existentielles ? Lorsqu'on est confronté à la violence systémique d'années de décision politique ? Lorsque celles-ci viennent s'ancrer dans de tristes anecdotes de quotidien, au caractère bien plus politique que banale ? Non. C'est dur. "Life ain't fair, football ain't fair : Just Focus !" comme titrait un précèdent contributeur. Mais quelle fraîcheur, quelle lourdeur, quelle leçon, que de voir ces jeunes hommes sûrs d'eux-mêmes, sûrs de leurs rêves, se battre, encore et encore, pour arracher un peu de la lumière qu'il leur est dû, au milieu de tout cet obscurantisme.


La manière de filmer leur rend hommage. La photographie est superbe. Ces jeunes sont grands. Et au final, n'est ce pas ça le meilleur soutien existentiel ? Intégrer une communauté où la solidarité, la fraternité sont les piliers et où chacun est considéré dans toute sa valeur ? L'unique au sein de l'universel, l'individualité au sein du collectif. Chacun servant l'autre. Il me semble que cette série à beaucoup à nous apprendre. Merci.

alterre
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Créée

le 3 août 2020

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alterre

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