Je ne prends pas de risque en disant que l'on assiste sûrement à l'âge d'or des séries tant sur leur qualité générale que sur leur médiatisation. Bien sûr, elles profitent de l'explosion des plateformes de streaming, d'une augmentation de leur budget, mais encore faut-il proposer quelque chose d'intéressant derrière…
La Casa de Papel est l'archétype d'un programme qui a tout compris. Diffusée à plus grande échelle par Netflix, la série est rapidement devenue virale sur les réseaux sociaux et dans le monde étudiant (j'en suis témoin). Si le show espagnol ne se prétend pas révolutionnaire, il n'en est pourtant pas moins ambitieux. Il est vrai que faire une série de 15 heures centrée sur un braquage implique quelques contraintes : c'est à la fois court en terme de longueur de série mais long quand on s'attarde sur le contenu. La première saison de Prison Break est un bon exemple du schéma que la série pouvait suivre. D'ailleurs, on retrouvera plusieurs points communs en terme de structure (huit clos, flashbacks révélateurs, progression d'un plan étape par étape).
Le fait est que le programme d'Álex Pina étonne par son efficacité et sa justesse d'ensemble. Nos amis ibériques signent en effet une série d'action très rythmée mais aussi intelligente. Intelligente par son propos mais aussi par sa construction. D'une part, on est rapidement intrigué par el Profesor et son plan complètement fou et on penche rapidement de son côté en souhaitant sa réussite. La petite critique sur la mise en place de la planche à billet pour sauver les banques après la crise est bien amenée et demeure intéressante quand on s'y attarde un minimum. La chanson révolutionnaire italienne Bella Ciao chantée par Berlín et el Professor porte d'ailleurs leur message d'une belle manière. D'autre part, le fait que le braquage n'en soit pas réellement un (puisqu'ils s'apprêtent à fabriquer eux-mêmes leur margot) permet aux scénaristes de donner du temps pour développer les personnages. En effet, l'occupation pendant plusieurs jours de la Maison royale de la monnaie et du timbre va amener son lot de problèmes au sein des ravisseurs, parmi les otages et chez les enquêteurs. Ces passages permettent largement à l'intrigue de respirer (par fois un peu trop même).
Sur la forme maintenant, la réalisation n'a vraiment rien à envier aux américains. La mise en scène est dynamique ce qui met le spectateur au cœur de l'opération. Encore une fois, tout s'enchaîne plutôt bien, j'ai personnellement dévoré la série en une semaine. L'utilisation des flashbacks est particulièrement appréciable, toujours placés au bon moment, ils apportent beaucoup à l'histoire sans complètement casser avec le moment présent. J'en ai effectivement marre de ces séries qui aiment balancer un épisode prequel en plein milieu d'une saison qui casse complètement la dynamique générale, je suis content que ce ne soit pas le cas ici. À noter aussi la bonne performance générale des acteurs, mention spéciale à Pedro Alonso interprétant Berlín avec brio. La série sait aussi nous donner des petits moments de légèreté bienvenus, jamais dans la surenchère pour ne pas perdre en crédibilité vis à vis d'un propos qui reste assez sérieux.
Après toutes ces louanges, reste que la série n'est pas parfaite (était-ce son but ?). On peut regretter certaines facilités scénaristiques voire grosses incohérences, des cliffhangers un peu trop à la pelle, des relations un peu tirées par les cheveux ou encore des personnages insupportables. Je pense notamment à la fille de l'ambassadeur plutôt jolie qui passe pour une victime auprès de ses camarades et qui n'apporte strictement rien. J'ai été franchement déçu par Tokyo, qui est la narratrice et ouvre quand même la série. Ce n'est pas tant sa relation avec Rio qui tape sur le système mais surtout ses décisions complètement stupides et sa personnalité détestable. J'exclue les quelques scènes d'action WTF (big up à la nullité des flics espagnols) parce que bon, il ne faut pas oublier que la série est faite pour nous divertir et quand en plus ces scènes sont bien fichues, disons que je passe l'éponge ! J'aurais peut-être aimé entendre une meilleure bande originale d'ensemble sur le même temps que la musique du générique, qui au passage est réussi.
Finalement, La Casa de Papel est vraiment une bonne surprise et je n'hésite pas à dire que c'est l'une des meilleures séries européennes de ces dernières années. Elle fait mouche grâce à son efficacité et son humilité. Même si elle pourra en décevoir certains, j'ai plutôt bien pris sa fin classique qui nous laisse avec quelques questions mais qui parvient à clôturer 15 épisodes de très bonne qualité. Les espagnols ont montré qu'ils étaient capables de sortir autre chose que des telenovelas et ont notamment mis une grosse gifle aux productions françaises qui depuis le sabordage de Braquo, sont toujours à la peine dans les séries d'action.