[Spoil toute l'intrigue]


Une mer qui scintille sous les rayons du soleil. Ses amis s’amusent, mais lui reste pensif. Son regard se perd vers l’horizon :



Par-delà la mer, c’est l’ennemi qui nous attend. À votre avis, si on abat tous nos adversaires au-delà des flots, est-ce qu’on obtiendra enfin la liberté ?



Eren nous prévenait déjà à la fin de la saison 3, la bataille n’est pas terminée. Alors que la menace des titans semblait avoir été éliminée, c’est en fait l’humanité tout entière qui se dresse face à nos eldiens de Paradis.


Cet autre monde qui les déteste, on va découvrir ses habitants eldiens les plus éminents : les guerriers et aspirant guerriers. Ils semblent à premières vues bien sympathiques : l’ambitieuse Gaby, le pétillant Falco, son frère Colt, Udo et Sophia, la lugubre Pieck, le gueulard Porco… On apprend à les aimer ces nouveaux personnages, bourrés de rêves et d’amour pour les leurs, nous faisant étrangement penser à un certain trio, les deux gardes Mahr du camp n’étant pas sans rappeler ce bon vieil Hannes. La vie n’a pas été facile pour eux non plus : humiliations, guerre, déportations de proches, mais ils sont tout de même déterminés à se battre pour exterminer leurs confrères insulaires, c’est le seul moyen de sauver le monde et de redorer l'image des eldiens continentaux.


L’un d’eux a pourtant vécu au milieu de ces eldiens insulaires - Reiner Braun - lui sait que ces « démons » ne sont pas si différents d’eux. Son allocution lors du dîner de l’épisode 2 est si empreinte de nostalgie qu’elle provoque la suspicion de Gaby, elle qui est complétement lobotomisée par la propagande Mahr.


Reiner, celui qui a tout déclenché ce jour-là où, à quelques kilomètres des murs, il a insisté pour continuer sa mission, alors que la raison et Annie voulaient qu’ils fassent demi-tour après la mort de Marcel. Le mur est détruit, Eren voit sa mère se faire tuer… La suite on la connaît. Le flash-back de l’épisode 3 est d’ailleurs saisissant : alors que l’on pensait avoir affaire à des monstres robotisés sans pitiés en débutant la série, on découvre que ce n’était finalement que 3 adolescents tourmentés, hésitant et apeurés, agissant simplement parce « qu’il faut bien que quelqu’un se salisse les mains » comme le disait si justement ce pauvre Bertolt à ses amis qu'il avait trahi. C’est fascinant de voir comment l’auteur arrive à constamment changer le regard que l’on peut avoir sur son œuvre à travers la découverte du vécu des personnages, on retrouvera cette logique autour du personnage de Sieg avec l'épisode 15.


9 ans plus tard, Reiner ne peut qu’assister aux conséquences de ses actes. L’auteur l’avait pourtant annoncé, grâce à un de ses ingénieux foreshadowings présents dans la série : lorsque Eren s’entraîne avec Reiner au corps à corps - dans l’arc de l’entraînement de la 104ème brigade - ce dernier lui tend le couteau et dit :



C’est à ton tour de faire l’assaillant



Eren est le titan assaillant et il est affreusement déterminé : Ils ont tué sa mère et pris sa liberté, il est venu le temps de payer. Même s’il doit tuer des innocents, il continuera à avancer pour atteindre son but, illustrant parfaitement les propos qu’il tient face à Reiner dans cette incroyable scène dans la cave d’une tension inouïe :



Toi et moi, Reiner, nous sommes semblables



Encore une preuve montrant que Snk n’a de Shonen que le nom, ici pas de héros se dressant en parangon de vertu et d’innocence pour stopper le cycle de la haine, le nôtre y contribue directement et volontairement. Ainsi, l’auteur réussi à merveille le pari de faire ressortir cette part d’ombre que chaque spectateur possède au fond de lui : le désir de vengeance. Pendant 59 épisodes, le spectateur a assisté avec impuissance aux atrocités subies par ses personnages préférés et leurs proches, une part de lui ne peut que se réjouir de voir que toutes ces morts et souffrances n’auront finalement pas été inutiles, on a alors une pensée pour eux :


Pour Faye, dévorée vivante par des chiens. Pour Grisha. Pour Krueger et sa famille brûlée vive. Pour Dinah, Gleis et les autres de la Résistance.


Pour Carla. Pour le grand-père et les parents d’Armin. Pour Thomas et les autres de l’escouade 34. Pour Marco, trahi par ses camarades.


Pour Petra, Auruo et leurs acolytes de l’escouade Livaï, pulvérisés si soudainement alors qu’ils semblaient si forts.


Pour Ragako et la famille de Conny. Pour Mike, Nabana, et plus largement tous ceux du bataillon morts au combat. Pour Hannes, oooh Hannes.


Pour Armin, brûlé vif en se sacrifiant. Pour cet immense bonhomme qu’était Erwin Smith et les 99 gamins du bataillon qui se sont précipités à la mort, déchiquetés par le bestial, donnant leurs vies pour la liberté. Pour Marlo, qui ne reverra jamais Hitch.


Mais finalement, qui de Eren ou Reiner étaient dans le juste ? Lequel faisait le bien ? Lequel faisait le mal ? Pour obtenir la réponse, il suffit de remonter sur ce fameux mur surplombant la mer, où c’est un autre Eren qui éclaire nos pensées de sa sagesse, par une phrase devenue emblématique :



En réalité, en ce monde la vérité n'existe pas. Tout le monde peut devenir un dieu ou un démon. Pour peu que les autres en décident ainsi.



Illustration parfaite de ce qui fait la singularité de cette œuvre, son absence totale de manichéisme : il n’y a ici pas de gentils, ni de méchants, seulement des êtres humains lâchés dans un monde cruel, qui font ce qu’ils peuvent pour vivre et survivre de la façon qu’ils considèrent la plus juste.


Ainsi, cette saison 4 se révèle être à la hauteur de nos attentes, avec un studio MAPPA prenant à merveille le relais de WIT en nous offrant un visuel de haut niveau rendant une ambiance très sombre (à l'exception de la CGI des titans sur certaines scènes), et des nouvelles musiques de qualité toujours aussi magnifiquement adaptées à leur propos.


Le lyrisme épique, constamment alimenté depuis le début de la série par des moments marquants et la beauté ou la profondeur de certaines paroles, trouve ici une continuité logique. Que ce soit la lente volée en éclat du cristal du titan marteau par la machoire de Porco, ou encore le discours de Willy Teyber en parallèle du face à face dans la cave, des scènes viennent constamment enrichir cette dimension épique, amorcée 9 ans auparavant lorsque qu’un « YAMEROOO » déchirait l’atmosphère de Shiganshina.


Modèle d’écriture et de cohérence, œuvre philosophique émouvante d’un réalisme effarant, les superlatifs ne manquent pas pour qualifier Shingeki no kyojin, qui se voit confirmé, avec cette saison 4, comme l’un des plus grands animes de tous les temps.


[Ma "critique" de l'ensemble de la série : https://www.senscritique.com/serie/L_Attaque_des_Titans/critique/163991166 ]

Equinoxentrique
9
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à ses listes Les meilleurs animes de 2020 et Les meilleures séries de 2020

Créée

le 7 janv. 2021

Critique lue 3.9K fois

41 j'aime

9 commentaires

Equinoxentrique

Écrit par

Critique lue 3.9K fois

41
9

D'autres avis sur L'Attaque des Titans 4 : Saison finale - Partie 1

Du même critique

L'Attaque des Titans, tome 34
Equinoxentrique
1

Autopsie d'un désastre

Il fallait bien parler du final de Shingeki no kyojin qui a fait couler tant d’encre aux 4 coins du monde et n'a laissé personne indifférent. Certains situent la dégénérescence du manga au chapitre...

le 8 nov. 2023

24 j'aime

3

Jujutsu Kaisen
Equinoxentrique
8

Mort et fatalité

Je me permets d'écrire quelques courtes lignes (sans divulgâchis) pour expliquer rapidement pourquoi Jujutsu Kaisen est un grand manga (après lecture des 152 premiers chapitres), étant donné qu'il...

le 2 juin 2022

13 j'aime

5

My Hero Academia 5
Equinoxentrique
6

Bones aïe...

Attention divulgâchis en approche. Contrairement à ce que pourrait laisser présager le titre de la critique, on ne va pas parler ici de l’art de la taille de petits végétaux en pot, mais plutôt de...

le 27 sept. 2021

9 j'aime