Jour polaire par gwennaelle_m

Je n'ai pas pour habitude de parler de séries, déjà parce que je n'en regarde pas tant que ça et parce que j'ai longtemps sous estimé le genre. Je me rends compte, en en regardant un peu plus et en analysant mieux les aspects techniques des épisodes que les exigences sont les mêmes que lorsque l'on réalise un film. Différentes bien sur d'un point de vue scénaristique puisqu'un film doit marquer en un temps record comparé à une série qui a plusieurs épisodes pour frapper les esprits bien qu'elle doive le faire à chaque fois sinon le spectateur ne s'accroche pas. En bref, les demandes sont différentes de par le format qui diverge mais le niveau attendu doit aujourd'hui être identique pour plaire au public. Quelques unes des séries actuelles sont renommées pour être différentes et aussi puissantes qu'un bon film : en apercevant le trailer de Jour Polaire, la nouvelle série de Canal + dont le premier épisode a été diffusé fin novembre, je me suis dit qu'elle devait en faire partie. J'ai donc décidé de m'y mettre dès la diffusion des premières minutes et je n'ai pas mis plus de trois jours pour finir la saison 1 (accessible sans attente pour les abonnés Canal).

La série qu'on qualifie de "polar sombre en plein jour" porte sur une enquête policière au nord de la Suède (en Laponie), là où le soleil ne se couche pas pendant plusieurs mois. Les acteurs castés ne sont pas forcément connus quand on n'est pas un adepte du cinéma suédois. Seule Leila Bekhti m'était familière, et c'était une raison suffisante pour me lancer dans la série sans appréhension, moi qui pense toujours être déçue. J'affectionne particulièrement cette actrice et sa capacité à jouer n'importe quel rôle, dans des comédies avec Géraldine Nakache par exemple autant que dans des films dits "drame" comme Un prophète ou encore L'Astragale. Talent et polyvalence qu'elle a largement confirmé par sa performance dans Jour Polaire. On s'attache immédiatement à la policière qu'elle incarne dans la série, Kahina. Rien de surprenant quand on voit qu'aussi bien l'actrice que le personnage livre une grande humanité. Aussi douée pour enquêter que pour se mettre dans des situations délicates desquelles elle ressort chamboulée perdant totalement ses repères ; la policière a une histoire qui nous touche tout de suite et un courage qui nous pousse à la défendre, quoi qu'il arrive.

Jour Polaire est le meilleur moyen de voyager dans ces terres aux couleurs magnifiques trop peu montrées. Le cinéma suédois n'est pas le plus connu, et cette série donne sans aucun doute envie d'approfondir, ne serait-ce que pour revoir ces paysages à couper le souffle. Les réalisateurs subliment le décor nordique avec leurs caméras à travers les grands lacs et les grands espaces où la nature est la plus belle, et la pureté de la neige qui ravivent mes envies de voyage et de découverte. Chaque épisode débute avec un plan large qui présente toute la grandeur et la beauté de la Suède pendant cette saison, que les couleurs soient chaudes ou froides, on ne peut qu'être subjugué devant ces immensités colorées. Ajouter à ces lieux incroyables, un chant de femme presque divin et la magie opère.

Que ce soit par les cris du premier épisode qui nous placent tout de suite dans l'atmosphère d'un thriller, ou par les regards toujours perçants entre les personnages, l'intensité est vraiment la plus grande arme de Måns Mårlind et Björn Stein. Comme le disent ces derniers eux mêmes, qui sont les réalisateurs de la série, le défi était de parvenir à créer une ambiance noire malgré la lumière du jour permanente. Et ils réussissent leur mission grâce, non seulement, au jeu somptueux des acteurs (Leila Bekthi et Gustaf Hammarsten entre autre), mais aussi grâce aux ficelles de l'histoire qui s'emmêlent, nous aiguillent puis nous perdent et font chuter nos repères dans cette aventure, avec ceux des enquêteurs. Si le dernier épisode résout toute l'intrigue en éclairant nos doutes, le sujet de la série n'est pas seulement de trouver un coupable.

L'identité est un thème clé de Jour Polaire puisque celle de la communauté samie est au coeur de l'histoire. Méconnue de bon nombre de gens, y compris moi avant avoir vu la série, contrairement aux communautés indigènes d'Amérique par exemple, c'est toujours agréable d'apprendre et de découvrir des cultures qu'on ignorait. En plus de cette lutte pour l'identité samie et la reconnaissance, deux autres combats individuels viennent s'y ajouter, avec chacun sa problématique. Quand ils n'enquêtent pas, ils ressassent, s'interrogent, font parfois des cauchemars ; les deux camarades chargés d'investigation vont rapidement se trouver aussi bousculés par leur vie privée que par leur quête du coupable. Le procureur tente de cacher son homosexualité à sa fille tandis que Kahina retrouve son fils, aux yeux de qui, elle a toujours été la soeur. Des vérités éclatent et brisent l'équilibre des personnages, déjà un peu bancal. La scène de la la grande discussion entre Nadji et Kahina est d'ailleurs l'une des scènes les plus émouvantes de la saison : les deux acteurs jouent très bien et ce qui ne passe pas par la parole, passe par les regards, souvent remplis de larmes.

Je recommande vivement à tout le monde de se laisser porter par cette aventure nordique aux couleurs aussi noires qu'intenses.