Ici tout commence
4.3
Ici tout commence

Série TF1 (2020)

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Avouons-le sans honte : cette série est un chef d'œuvre !!!


Cependant, j'ai vu trop de critiques nous expliquer "J'ai regardé 10 minutes, j'ai arrêté, c'était de la merde." (Pardonne-leur, ils ne savent pas ce qu'ils disent). Malgré tout, j’entends que ma position peut être radicale, donc quelques explications s’imposent.


Effectivement, on pourrait croire que l'on a affaire un un soap comme les autres, mais pas du tout. Le concept est plus osé que ça. Sous couvert d'un soap quelconque, mais avec beaucoup de post-ados et quelques adultes surréels, cette œuvre (quotidienne) se propose de prendre le réel, son décorum, ses manières, ses logiques, ses raisons, ses conséquences et ses contradictions, de nager à la surface de tout ceci, pour ensuite plonger brusquement et lui en mettre plein la gueule !


C'est incroyable de réussir à ce point de fracturer la réalité pour nous montrer que le monde serait plus beau, mais aussi et surtout plus vaporeux, si tout ce que nous faisions n'avait aucune conséquence. Tout dans cette œuvre est une ode à la démesure et au microcosme. C'est une œuvre subversive qui attaque la notion de responsabilité individuelle, tout en valorisant une saine émulsion de l'entraide stimulée par un peu de compétition. Un plaidoyer pour le socialisme (au sens Jaurésien) ; il ne lui manque pas grand-chose pour devenir une représentation de l'anarcho-post-structuralisme. Le tout en étant pourtant diffusé chaque jour sur TF1 (je pense d'ailleurs que cette série est tellement au-delà de nos représentations, que les producteurs et TF1 ne se rendent pas compte qu'ils diffusent une œuvre qui pourrait mener à la révolution si elle était prise au sérieux.)


Imaginez un monde qui ressemblerait en tout point au notre, dans lequel vous installer une école de cuisine, façon Poudlard, mais dans le sud de la France. C’est plus ensoleillé, c’est plus frais, c’est plus joyeux et tout le monde est cool, même quand on est con. Les mecs sont pas mal, les filles ont des jolis minois et parfois même plus que ça. Imaginez que ce monde se limite à cette école et que tout ce qui l’entoure n’existe que comme une limite à franchir pour comprendre que cette école est un sanctuaire d’élégance, d’aventure, de passions mais aussi de repos. Ensuite promenez-vous dans cette école, tout y est soigné, moderne dans des bâtiments qui ont le cachet de l’ancien, mais restaurés dans le plus grand respect des arts de la maçonnerie ; les jardins sont éclatants de verts toute l’année. Imaginez être élève là-bas, on dirait le sud, le temps dure longtemps, vous n’allez presque jamais en cours, vous êtes là pour peupler les pelouses, les potagers et toutes les chaises longues, avec vos amis, tous plus beaux les uns que les autres et qui ont toujours une histoire démente à vous raconter. Vous ne vous ennuyez jamais. Quand vous êtes en cours, c’est pour qu’on vous enseigne la haute gastronomie, c’est pas facile, vous êtes obligé de vous y reprendre à deux fois, vos profs sont des demi-dieux exigeants, parfois provocateurs, certain frôlant le génie sadique, mais ils vous emmèneront toujours plus haut, quand ils ne changeront pas les règles de l’école toutes les trente secondes, et vous permettront de mettre dans les cordes Paul Bocuse & Co, après un mois ou deux de formation. Votre directeur est un doux dingue qui a un poster géant du Professeur Rogue dans sa chambre (on ne voit pas ça chambre, mais je me permets de supposer), qui joue les tyrans aussi bien que les girouettes (une fois que vous aurez appris à le connaître vous saurez comment contourner ce boss final). Vous y êtes ? Vous aimez ?


Et maintenant imaginez que quoi que vous fassiez dans cette école : faire votre come-back, tricher à des examens, sortir avec votre prof et tenter de le tuer, faire du chantage au suicide, produire et user de faux, vous battre, blesser des élèves, faire du chantage, vous prostituez, menacer des élèves (même de mort), empoisonner au choix des élèves, des profs ou des clients, mettre le feu à l’école, avoir un cancer en phase terminale… ou même être viré (plusieurs fois), et tant d’autres choses ; tout ceci n’aura jamais aucune conséquence pour vous. Vous êtes IN-VIN-CI-BLE.


Si vous arrivez à imaginer ce monde, alors vous êtes dans Ici tout commence.


Cette série est un bonheur qui est construit sur un schéma qui se répète inlassablement. A chaque fois quelques personnages, tirés au sort par les scénaristes, se trouvent dans face à une situation problématique qui met sur un même niveau « Je ne sais pas faire la recette X ou Y » et « Je suis élève mais je veux devenir directeur, donc je produis un faux testament, je fais chanter mes profs et je tente de tuer quelques clients. » (c’est un lecture wittgensteinienne de la réalité : les faits ne sont rien que des faits.) Puis moulte péripéties qui s’étalent entre cinq et vingt épisodes où la tension monte et où tout le monde prend les décisions les plus idiotes les unes que les autres (alors que dans 90% des cas il suffirait : 1. de sanctionner le fauteur de trouble ou 2. Appeler la gendarmerie, et lui donner toutes les infos en notre possession, et pas seulement celles qui ne servent à rien.), puis résolution en une minute et trente-deux secondes par la façon que toi, humble spectateur tu avais trouvé au bout des premiers instants de cette intrigue et qui se résume souvent par cette maxime : « Faites le truc que tout le monde ferait dans la réalité réelle ! », mais non, nous ne sommes pas dans cette réalité, nous sommes dans Ici tout commence. Et tout continue dans ce mouvement perpétuel.


Les personnages sont des blocs de béton recouverts d’acier trempé : ils ne bougent pas. Quoi qu’il arrive, ils resteront ce qu’ils sont car l’essence précède l’existence. Rien ne les fera évoluer. Ils pourront changer de place, de relation ou autre, mais leur psychologie est imperméable aux influences extérieures, ils mettent en PLS le surhomme nietzschéen.


Les décisions prises par les profs sont à géométrie variable, niveau « Tu vas chier du sang !!! » et les élèves ne bronchent pas, ou si peu (tu peux te faire virer d’un claquement de doigt, par exemple parce que tu ne tiens pas correctement ton fouet, mais comme rien n’a de conséquence tu reviendras dans deux ou trois épisodes), ça c’est du Epictète.


Tout y est joliment dingue et chaleureux, il y a tellement d’exemples que je ne sais même pas lequel prendre. Choisissons le dernier en date. Dans ce monde qui écartèle les règles du réel, c’est le début de l’année, c’est votre premier jour, on vous met comme serveur dans un restaurant gastronomique, vous n’avez jamais tenu un plateau, votre prof ne vous a rien montré, rien expliqué, mais vous met la pression par un discours qui dit « Ici, on ne veut que l’excellence ! » et qui s’étonne que vous fassiez des conneries dès votre premier service. C’est un peu comme si à votre premier jour en médecine on vous balançait en chirurgie, au bloc opératoire, et qu’on s’étonnait que vous ne sachiez pas faire une opération à cœur ouvert, et que le patient claque. De la folie si naïve que s’en est jouissant de connerie. Et comme vous êtes dans Ici tout commence, on vous fait une petite tape dans le dos et on vous dit « Tu feras mieux la prochaine fois », pendant que le cadavre refroidit lentement, dans le fond de la pièce.


Une série folle, qui ne s’arrête jamais. Avec pleins de petites pépites et des plaisirs faciles.


En plus y a Frédéric Diefenthal, et comme dirait ma copine, « J’aime bien Diefenthal ».


Je t’envie, toi le spectateur néophyte qui ne connait encore rien de cette série. Je me permettrais néanmoins deux conseils. Premièrement, n’ai pas peur de reprendre cette histoire à partir de l’épisode 1 : tout est bon. Deuxièmement, comme tout grand plaisir, il peut y avoir accoutumance et dépendance, donc ménage toi et pense à faire des pauses de temps en temps ; autrement tu pourrais oublier que c’est le réel qui peut t’en mettre plein la gueule.

alizengrah
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le 28 août 2021

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