Documentaire/ Monde utopique

Je reste mitigé face à cette mini-série. Et en général, quand on est mitigé, c'est que ce n'est pas entièrement négatif et que la série a eu un effet sur nous.

Même s'il n'a pas été caché que la production optait pour une version plus tolérante et rêvée des années 40-50 aux USA, j'ai tout de même un problème. Il aurait fallu choisir un camp. Soit montrer la réalité de l'époque, soit créer une histoire de toutes pièces où tout le monde est heureux. Le mélange des deux est problématique.

Cette série tombe à pic dans un contexte mondial où le racisme, l'homophobie, le sexisme et l'intolérance de manière générale sévissent encore fortement (dans nos pays riches et développés comme dans des pays pauvres et plus fermés). Quand on voit les tragédies racistes récentes aux USA, les scandales sexuels dans le monde du divertissement (notamment du cinéma) mais aussi du sport et tout un tas d'autres domaines, on se dit que le message principal de cette série axé sur la tolérance et l'amour de l'autre est le bienvenu. Et que certes, beaucoup de choses ont évolués depuis les années 40, mais que même dans nos pays riches et développés occidentaux, la haine de l'autre pour divers motifs est toujours aussi présente. Dans ce sens là, je valide cette volonté de montrer aux gens qu'il n'y a aucun souci à être comme on est. Que cela concerne sa morphologie, sa couleur de peau, sa religion, sa sexualité...

Maintenant ce qui me gène c'est les personnages qui ont vraiment existé. Que l'on crée l'histoire que l'on veut pour les personnages fictifs, peu importe. Mais que l'on déforme l'Histoire, ça me dérange particulièrement. Quand on s'attaque à des figures historiques, à un sujet historique, à une période historique, il faut être vrai dans les propos. Sinon c'est ainsi que de je ne sais où sortent des clichés qui perdurent avec le temps comme "Cléopâtre avait un long nez".

C'est super de prôner la tolérance et d'essayer de vivre dans une société où tout le monde se respecte de nos jours. Mais après les enfants actuels vont grandir en croyant que les servantes étaient de couleur au Moyen Age, que les homosexuels pouvaient s'assumer sans souci, qu'on pouvait aimer quelqu'un de couleur ou d'un rang social inférieur... La vérité historique c'est la vérité historique, point. Si on veut insister sur les problèmes qui persistent encore aujourd'hui, je trouve plus judicieux de faire un film ou une série à notre époque. Parce que la fin heureuse pour tout le monde dans la série alors qu'en 2020, il y a encore énormément de sexistes, d'homophobes, de racistes... c'est même plus utopique mais carrément perché. (Ex: Rock Hudson qui dans la série n'a aucun problème à assumer son homosexualité alors qu'en réalité on l'a découverte seulement parce que l'acteur a attrapé le SIDA dans les années 80 et que cela a mené à un certain coming out forcé puisqu'on était persuadé que c'était la maladie des homosexuels. Ce qui nous montre bien l'intolérance il y a encore 40 ans).

Si je ne m'attache pas à la réalité historique à 100%, en termes de fiction, la série reste agréable à regarder. Si on ne se concentre que sur le message de tolérance prôné, alors la série fait bien son travail. Et dieu sait qu'il y a encore du boulot pour changer les mentalités. Prenons tout simplement le cas de l'acteur Jim Parsons né en 1973, coming out public en 2012 ! À presque 40 ans ! Certes il n'y a pas d'âge ni de moment précis pour décider de s'assumer publiquement. Mais bon, en termes de carrière publique, de personnalité médiatisée, ça veut bien dire ce que ça veut dire. Un acteur gay aura encore beaucoup de mal à s'assumer aujourd'hui de peur de voir sa carrière détruite ou de n'avoir que des rôles sans importance ou d'homosexuels. C'est valable pour beaucoup d'autres domaines professionnels. Je ne vais même pas débattre sur la situation de la femme ou d'une personne de couleur où là ce n'est pas joli joli non plus.

Cependant, même si on prône la tolérance à travers la fiction, cette obsession pour la diversité du casting et des personnages me pose parfois problème. Il y a une nuance entre être respectueux, aimer les autres, être tolérant et bienveillant et forcément avoir des amis ou des proches qui rentrent dans toutes ces "catégories". Tout le monde n'a pas forcément un ami homosexuel, cela ne fait pas de ces gens des homophobes. Tout le monde n'a pas forcément un ami de couleur ou d'une certaine religion...
Que l'on veuille représenter le plus de diversité à l'écran pour que tout le monde puisse se reconnaître selon sa vie, ses expériences, sa personnalité, je suis d'accord (et c'est d'ailleurs bien illustré dans la série avec cette actrice de couleur qui veut que chaque personne de couleur puisse se dire qu'ils sont capables de réussir dans la vie et d'être qui ils souhaitent), mais la diversité à l'écran est forcément édulcorée. On est davantage dans le monde des bisounours où tout le monde est beau, tout le monde s'aime. Parfois, à vouloir montrer le plus de gens "différents", j'ai l'impression que l'on crée encore plus de clichés.

Conclusion, au niveau de la fiction, du message de tolérance, de l'illustration de l'envers du décor dans le monde du cinéma (à l'époque comme aujourd'hui), c'est plutôt réussi et je donne un 8/10.

Maintenant au niveau de la réalité historique pure et dure, ça ne passe pas vraiment désolé. C'est donc un 6/10.

Ce qui nous fait un joli 7/10 tout de même.

Si j'étais vraiment horrible, j'enlèverais un point pour le personnage incarné par Jim Parsons. C'est horrible de s'attacher à un personnage à travers une longue série. Pendant 12 ans, j'ai adoré Sheldon dans The Big Bang Theory. Mais là, son personnage m'a tellement dégoûté, fait grincer des dents (même s'il est vraiment inspiré de l'agent artistique de l'époque).