Tu veux la drogue ?

OCS a financé pas mal de séries à petit budget en leur laissant une totale liberté créative et de ton. En résulte des séries souvent un peu à part dans le paysage télévisuel français, qui souvent divisent, mais qui ont toutes un côté sacrément rafraichissant, plus particulièrement leurs séries comiques. On pourrait citer Lazy Company et sa troupe de 4 soldats un peu particuliers, José et son Jésus un peu branleur qui revient sur Terre, Templeton et sa vision particulière du western spaghettis, mais aussi La Bouse, Alphonse Président ou encore France Kbek. Ajoutons à cette liste la série qui nous intéresse aujourd’hui, passée complètement en dehors des radars, Holly Weed, une série bien déjantée tout au long de ses 12 épisodes qui, même si elle n’aura pas de saison 2 faute de succès, vaut clairement le coup d’œil pour qui a envie de se marrer un bon petit coup en compagnie d’une tripotée de bras cassés tous plus cons les uns que les autres dans un village sur une île perdue au fin fond de la Bretagne. Holly Weed, ce n’est pas de la grande série, ça n’en a pas la prétention, mais c’est sacrément fun.

En février 2004, dans les Landes, sur les plages de Capbreton, un chauffeur du Syndicat intercommunal de Saint-Vincent-de-Tyrosse trouve sur la plage un paquet de 3kg de cocaïne rejetée par la mer. Ni une ni deux, il en parle à un collègue qui en parle à une connaissance sur Tarbes qui est en relation avec des petits délinquants pour arriver aux oreilles d’un caïd de Grenoble qui pourrait être intéressé par la drogue mais pas forcément en l’achetant. Avec d’un côté des agents communaux qui n’ont jamais fait ça, allant jusqu’à faire croire qu’il y a bien plus que 3kg en stock au caïd, et ce dernier qui se dit que ça l’emmerde de payer ces zigotos et que s’il les liquide, il récupère la came gratos, c’est l’amateurisme qui rencontre le professionnalisme. C’est de ce fait divers tout à fait réel que vont s’inspirer les trois créateurs de Holly Weed. L’histoire sera déportée dans un village en faillite, déserté par sa population, sur une île de Bretagne. Les 3kg de coke deviennent 2.5 tonnes de cannabis. De deux agents communaux on passe à tout un village qui va chercher à écouler la drogue. Et d’un caïd de Grenoble, on passe au plus grand trafiquant de drogues parisien. Rajoutez à cela un faux curé, un mariage arrangé, une tripotée d’abrutis, un godemichet, des cousins juifs, des morts qui s’empilent, une alcoolique nympho (et bien d’autres choses), et vous obtenez une série qui va peu à peu basculer de l’humour loufoque à l’humour noir, voire macabre. On n’est pas loin de Groland qui aurait copulé avec l’émission belge Strip-tease. C’est décalé, absurde, irrévérencieux, parfois légèrement trash, souvent politiquement incorrect, à partir de la question toute simple « Vendre de la drogue pour faire le bien, est-ce mal ? ». On pourrait se dire que faire 12 épisodes, même de juste 25 minutes chacun, pourrait paraitre beaucoup pour ce simple postulat de départ. Mais pourtant ça fonctionne et, passés les deux premiers épisodes qui pourraient soulever des questions quant à la qualité de la bête, à peine le générique retentit qu’on a envie d’enchainer avec l’épisode suivant.

Alors oui, nous sommes dans une série à petit budget et ça se sent. Aucun artifice, un casting de seconds couteaux, une image un peu terne, … cela pourrait décourager les plus frileux. Et pourtant ça fonctionne. Tout d’abord, parce que ces personnages tous plus crétins les uns que les autres deviennent rapidement attachants. Les voir s’embourber dans des situations toujours plus ubuesques, parfois à la limite du vaudeville, a une saveur très particulière. On se moque d’eux, on passe notre temps se dire que ce n’est pas possible d’être aussi con, mais on les aime et les comédiens qui les incarnent, bien que le jeu de certains soit en dents de scie, sont tout bonnement excellent et semblent croire au projet et se donnent à fond, quitte à tomber dans le ridicule, pour l’amour de la blague. Il n’y a pas un personnage pour rattraper l’autre, et les quelques éclairs d’intelligence qui vont fleurir chez certains sont vite contrebalancée par leur ânerie de compétition. Les dialogues truculents sont souvent loufoques et provoquent parfois des crises de rire. Entre le maire de plus en plus manipulateur, n’hésitant pas à vendre sa propre fille pour l’appât du gain, l’épicier toujours à coté de la plaque, l’institutrice coincée mais délurée, le jeune de riche bête comme ses pieds, encore le policier qui n’a plus grand-chose de policier ou encore les bandits plus intéressés par l’histoire qui leur est racontée que par la drogue elle-même, cette galerie de personnages balance une quantité de répliques juste excellentes. Le postulat de départ assez simple est finalement bien traité, l’histoire est assez bien montée, les situations improbables et les quiproquos vont s’enchainer à grande vitesse au point que ces 12x25minutes passent mine de rien à une vitesse assez folle jusqu’à un final auquel on ne s’attend pas et qui vient clôturer de bien belle manière une série à la limite de l’OTNI (objet télévisuel non identifié), loin d’être parfaite, mais ô combien fendarde, barrée et attachante.

Méconnue, Holly Weed est une petite série qui tente de bousculer un peu les codes des séries comiques françaises avec son côté décalé, immoral, corrosif. Bien qu’il y a à lui reprocher, c’est un petit coup de cœur qui détend les zygomatiques.

Critique originale avec images et anecdotes : https://www.darksidereviews.com/serie-holly-weed-saison-1-2017/