GTO : Great Teacher Onizuka
7.9
GTO : Great Teacher Onizuka

Anime (mangas) Fuji TV (1999)

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グレート・ティーチャー・オニヅカ

Bon sang de bonzaï, c'est pas simple de parler d'Onizuka et de la série GTO, parce que ça t'oblige à retourner sur les bancs de l'école, ne fut-ce qu'en pensée, pour pouvoir en parler; et moi, l'école, j'ai jamais beaucoup aimé ça!
Ne croyez pas que j'étais du genre cancre qui ne s'intéressait à rien pourtant. Au contraire, j'aimais apprendre, et je m'intéressais à tout, mais je me suis vite rendu compte que l'école n'était pas forcément là pour ça.

L'école c'est une usine; elle en a exactement le mode de fonctionnement.
Comme à l'usine, tout commence avec une sonnerie pour indiquer le début du turbin.
Comme à l'usine, on trie le produit à manufacturer selon certaines catégories; ici, c'est par catégorie d'âge, selon leur date de conception, qu'on trie les élèves.
Comme à l'usine on essaye de faire en sorte que le produit soit calibré, standardisé, rentre dans le même modèle à travers tout une série de normes. Et ceux qui ne satisfont pas à ces normes sont expulsés de cette chaîne de montage socio-culturelle.
Comme les usines, les écoles sont multiples et chacune est spécialisée dans un domaine de production spécifique: produire des ingénieurs, produire des scientifiques, produire des ouvriers,...
De plus, chaque usine possède également ses différentes chaines de productions.
L'école à travers l'ensemble des processus qui y sont mis en œuvre est une usine à trier la qualité de ses produits, à savoir les élèves qui la fréquentent, pour pouvoir les ranger dans des cases avec les alpha tout au dessus qui finiront décideurs et les epsilon tout en dessous qui feront les pires corvées, comme dans Le Meilleur des mondes d'Aldous Huxley, si ce n'est qu'ici le tri au lieu d'être eugénique est un tri qui se fait sur des critères qu'on veut croire objectif... Mais est-on sûr qu'ils le soient bel et bien? Est-on sûr que ces critères soi-disant objectifs ne sont pas là que pour nous donner bonne conscience dans ce système de tri qui au fond n'a pas grand chose à envier à l'eugénisme d'Huxley?
La machine à produire de l'instruction qu'est l'école se base pour ce faire sur une hiérarchisation de ce qu'est l'intelligence en créant par exemple une séparation claire entre les filières académiques et les filières non académiques: si un élève n'est pas capable de suivre un cursus académique, c'est un échec de la part de cet individu qui doit être sanctionné par une rétrogradation sociale et culturelle, et voilà cet élève qui devra forcément être un manuel...
Tout cela est non seulement d'une totale absurdité, mais extrêmement insultant vis à vis de tas de personnes, et de tas d'occupations humaines qui peuvent s'avérer souvent paradoxalement de prime importance pour la société (et quand bien même ne le seraient-elles pas que ça n'en demeure pas moins être un mode de fonctionnement extrêmement violent).
Si cette volonté de standardisation et de conformité a toujours fait partie en quelque sorte de l'ADN de l'école à cause de son mode d'organisation pensé comme une usine lors de la révolution industrielle, la situation a encore empiré, car même en temps qu'usine dont la conformité des individus qui en sortent était le critère principal, l'école n'en oubliait pas son rôle primordial d'enseignement de la pensée critique et de lieu où on apprend la vie en société, pourtant, désormais, les politiques la veulent de plus en plus comme une machine à manufacturer les futurs travailleurs dociles taillés pour s'insérer sur le marché de l'emploi et satisfaire leurs futurs employeurs.

Et Eikichi Onizuka intervient là dedans pour foutre son gros majeur bien tendu sous le nez ce bordel éducatif à la con!
Onizuka, c'est un ancien zoku, un loubard pour ainsi dire, qui se retrouve avec le projet de devenir prof pour tout un tas de mauvaises raisons, au départ tout du moins, dont certaines particulièrement perverses (comme la possibilité quand il sera un vieux croulant de se taper une jeune élève de 30 ans sa cadette). Mais il va rapidement prendre conscience des problèmes qui infestent l'école: harcèlement des plus faible, élitisme, défiance, voire perte de confiance totale vis à vis du corps enseignant de la part des élèves, perte de repère pour des élèves qui ne voient rien de particulièrement prometteur dans l'avenir, enseignants désabusés et puis pire que tout pour lui, ce trop plein de certitudes dans le chef de tous et toutes.
Onizuka, tout ce que j'ai indiqué dans les paragraphes du dessus sur l'école, et son mode de fonctionnement, il en a sans doute conscience, mais dans ses tripes plus que dans sa tête. Le gaillard, c'est un instinctif plutôt qu'un intellectuel, et c'est dans sa chair qu' il n'aime pas l'injustice, qu' il n'aime pas les gens qui essayent de rabaisser les autres, qu'il n'aime pas qu'on prenne les élèves pour des choses.
Cette volonté de réussite individuelle, il ne l'aime pas plus. Pour lui, c'est le groupe, la solidarité entre ses membres qui fait tout l'intérêt de l'école. C'est un lieu d'apprentissage de la vie ensemble avant tout autre chose pour Onizuka qui fera passer le message à travers son enseignement pour le moins atypique.

Alors, oui, GTO en ressort souvent aux mêmes idées sur l'amitié, la confiance, le vivre ensemble ou une nécessité de vivre dans le présent que d'aucuns pourraient trouver naïves et sans doute ces idées le sont-elles, mais le sinistre cynisme pour être combattu efficacement doit sans doute être opposé à une certaine naïveté doublée d'insouciance.

GTO est une série dépourvue de véritables méchants. Chacun des personnages peut-être un antagoniste à un moment ou à un autre, mais la série comme le manga de Fujisawa démontre que cette attitude trouve sa source dans un mal être ou un trauma, et que les gens ne sont pas fondamentalement mauvais.

Fujisawa peut dresser un portrait particulièrement sévère de l'enseignement japonais (et au vu du succès international de sa série, il faut croire que les problèmes qu'il y dénonce ne sont pas spécifiques au pays du soleil levant), mais dresse pourtant un beau portrait des enseignants.
Si Onizuka s'avère être l'élément déclencheur d'un changement radical dans la manière dont un professeur se comporte avec ses élèves, il parvient à ranimer la flamme chez certains de ces collègues.
c'est également dans le portrait que tire Fujisawa du professeur Uchiyamada que l'auteur montre son respect aux enseignants.
Le sous-directeur Uchiyamada est présenté au départ comme un professeur devenu fonctionnaire. Il peut aussi être vu comme une incarnation satirique de la société japonaise dans son ensemble.
Il est défini au départ comme foncièrement élitiste à travers le rejet des élèves les plus difficiles, horriblement matérialiste, n'ayant d'yeux que pour sa Toyota Cresta à travers laquelle il pense regagner le respect et l'amour de sa famille (ce qui est à la fois ridicule, touchant et très triste), ne pensant qu'à sa position sociale, à garder son travail et à payer ses crédits.
Et pourtant, le sous-directeur démontrera à certains moments critiques qu'il a toujours la flamme de l'enseignement, et qu'au delà de ses errances, le bien être de ses élèves et la mission sacrée de l'enseignant lui importent toujours.

La série est dynamique, plutôt bien réalisée, remplie de clin d’œils à la culture populaire manga, souvent très drôle (si on aime l'humour débile et les ruptures de tons) et parfois étonnamment touchante.
En plus des qualités énoncées, il faut saluer l'excellent doublage français qui non seulement respecte son matériau d'origine, mais s'avère aussi bon que l'original. Il faut particulièrement saluer Benoit DuPac qui arrive même à ajouter un petit truc au personnage d'Eikichi Onizuka en français.

Le seul reproche que l'on puisse faire à la série malgré ses qualités, c'est que celle-ci n'est pas au niveau du manga, d'autant plus qu'elle s'arrête avant la conclusion de son équivalent papier. Les deux épisodes qui concluent la série sont plutôt bons, mais paraissent clôturer le récit trop vite. Je vous conseille donc une fois la série terminée de vous jeter sur sa suite en manga (à partir du tome 14) jusqu'à sa conclusion (au tome 25). Vous pourrez prolonger le plaisir en lisant également Great Teacher Onizuka: Shonan 14 Days qui a été écrite après la conclusion de la série principale, mais est censée se dérouler entre le tome 19 et 20 de celle-ci.

A travers GTO Toru Fujisawa crée une série très critique de la société japonaise et de l'enseignement en général tout en étant une lettre d'amour aux professeurs et à l'école. C'est une série humaniste, avec un cœur gros comme ça, un esprit de rébellion rafraîchissant et aux qualités inspirantes assez étonnantes. Il n'est pas rare de voir sous les commentaires relatifs à cette série que certaines personnes à sa suite ont repris leur vie en main, ou même se sont trouvées une vocation d'enseignant.
C'est leurs élèves qui doivent être contents!

Je ne résiste pas à vous mettre le premier opening de la série, Driver's High par le groupe L'Arc~en~Ciel, qui donne une pèche d'enfer et qui colle bien avec l'esprit de liberté qui souffle sur la série: https://www.youtube.com/watch?v=2JGl6UzfPkE

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le 24 janv. 2022

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Samu-L

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