Goblin Slayer
6.4
Goblin Slayer

Anime (mangas) AT-X (2018)

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"Goblins are trash": le rape and revenge déconstruit? (anime seulement?)

(Le contenu de cette critique s'appuie sur la saison 1, le film et la saison 2 en cours de sortie. Je n'ai pas lu les Light Novels mais j'aimerais beaucoup.)

J'ai fait un compte Senscritique spécifiquement pour cette critique donc je vais pas y aller par quatre chemins (comme Goblin Slayer finalement). Goblin Slayer c'est bizarre.

Genre vraiment bizarre.

Évidemment, on pourrait me dire que c'est parce que le principe est giga bourrin et edgy (les gobelins tuent et violent les femmes de cet univers de fantasy pour, sous-entendu, se reproduire vu qu'il n'y a vraisemblablement pas de gobelines? Gobelinettes?).

Sauf que non. Parce que Goblin Slayer, contrairement à ce que le titre sous-entend... bah c'est pas que du butage de gobelins. C'est pas tant tuer les gobelins que tuer le gobelin (je suis certaine que je sors pas cette formulation de nulle part, mes études de lettre m'ont ravagée le cerveau sans doute). Parce que les gobelins, si on comprend très bien qu'ils sont bêtes, mais pas suffisamment bêtes pour être inoffensifs (ce qui, de fait, empêcherait en fait le principe même de Goblin Slayer), ils sont pas non plus totalement différents les uns des autres. Certains peuvent parler (le boss de fin de la saison 1, je vais tenter de limiter les spoils mais quand même), certains peuvent pleurer (les bébés), etc. Mais dans le fond, un bon gobelin est un gobelin mort (Goblin Slayer, probablement). Y'a effectivement différents 'types' de gobelins (heureusement GS n'est pas youtubeur), comme l'explique GS (je vais l'appeler comme ça, oui, le héros de Goblin Slayer s'appelle Goblin Slayer, on en reparlera bien assez vite vous en faites pas), mais ça reste des connards de gobelins. Des saloperies à trucider. De la haine condensée qui viole les femmes.

"Mais du coup, Goblin Slayer, ça parle bien de buter des gobelins?"

Oui. Goblin Slayer c'est un pauvre gars qui a vu sa sœur se faire violer et tuer devant ses yeux par des gobelins et qui pouvait évidemment pas intervenir alors que tout brûlait autour de lui. A cause de gobelins, évidemment. Donc, ouais, il va buter tous les gobelins pour cette raison. Du coup, je suppose que GS tombe dans le genre du rape and revenge, même si c'est pas GS qui a subi le viol directement. Les trauma sont quand même restés, hein.

Donc on a un perso en armure, dont on ne voit le visage que quelques fractions de secondes (excepté à la fin de la saison 1), qui est une espèce de carcasse d'armure ambulante crade (les fans de fromsoft je vous en supplie ne me dites pas que vous avez cherché du r34 de Goblin Slayer, j'ai pas envie de savoir, mais vivez vos vies de baiseurs d'armures crades, je suis fière de vous) qui veut "juste" buter tous les gobelins. Mais pourquoi est-ce qu'il aurait un design aussi bizarrement réfléchi si c'était que ça?

Bah comme pour plein d'oeuvres, c'est pas que ça.

Goblin Slayer c'est l'histoire d'une menace de viol et de ravage constante qui est pourtant... en fait pas si *constante* que ça. Pourquoi et comment? On a plein de persos traumatisés.

Goblin Slayer, évidé de ses rêves et de son être même, plus qu'une espèce de carcasse ambulante qui galère à communiquer, qui répète certaines phrases, et qui réagit au quart de tour à la moindre évocation du mot "gobelin". Goblin Slayer, qui va même terrifier ses compagnons à plusieurs reprises, devant sa cruauté et sa violence inouïe sur les gobelins.

Parce que GS visiblement il a dû adorer le moment où Dio dit qu'il abandonne son humanité (non, évidemment que non).

La prêtresse, cette pauvre gosse qui va assister à deux reprises à un carnage sans pouvoir intervenir, et qui va être sauvée à chaque fois par Goblin Slayer. Qui va être paralysée par la peur à chaque fois. Mais qui va continuer d'espérer, de faire en sorte que GS s'ouvre aux autres (et par pitié, j'espère que c'est pas par amour réciproque parce que ce serait un peu cringe si GS est plus vieux qu'elle en fait).

Un autre perso mais je ne spoile pas, qui a subi un viol directement, et qui en garde des séquelles pour toujours, au point où malgré sa position extrêmement élevée, ses pouvoirs incommensurables, la moindre mention de gobelins l'empêche même de les approche. Et alors qu'iel est persuadé que GS est son sauveur, ce dernier lui explique très clairement qu'il ne peut pas partager son ressenti (vraiment un bon gars ce GS), mais qu'il sera toujours là pour chasser les gobelins, même dans ses cauchemars. Même dans ses cauchemars. (Cette scène m'a fait larmoyer)

Et un autre perso violé qui tente une attaque suicide (enfin c'est comme ça que je l'ai compris) avant de peu à peu se reconstruire.

Y'a tellement de facettes du trauma dans un "simple anime qui parle de trucider du gobelin". Parce que c'est pas juste ça. C'est ça, et tout ce qui en découle. Y compris les trauma "extérieurs".

Un perso qui n'a pas assisté à la mort de sa sœur, mais qui veut s'en venger comme GS. Mais qui ne sera jamais lui.

Parce que GS, c'est probablement une erreur dans la matrice.

On a parlé du trauma, mais y'a encore tant à dire. La façon d'aborder le trauma dans Goblin Slayer est incroyablement plus subtile que ce que le titre pourrait laisser voir (on peut même considérer un perso qui manque de se faire agresser comme faussement je-m'en-foutiste de par son âge), et c'est ça qui tend à me faire penser que Goblin Slayer est une déconstruction (accidentelle, peut être) du rape and revenge. Normalement, le perso se fait violer, et part buter ses violeurs. Le reste, ça dépend.

Mais GS? Il l'a pas subi, mais il est une facette du trauma. Il tue sans relâche, détruit, brûle, empoisonne, etc. Mais peu à peu, ça change. Pas le fait de buter des gobelins, hein. Mais il est plus seul. Il parle de plus en plus, échange de la nourriture avec des compagnons. Il redevient peu à peu celui qu'il était, autrefois. Bien avant. C'est pas la vengeance qui le reconstruit. Et il le savait probablement, ça. C'est tout ce monde coloré, bizarrement moe (ça, c'est un aspect avec lequel j'ai plus de mal) qui se moque quelques fois de lui, mais lui parle parfois avec tendresse.

C'est ce monde de fantasy qui fait des références à Tolkien sans ciller, qui frotte les cheveux du petit garçon qui n'a pas pu grandir depuis bien longtemps. Est-ce que cette histoire finira bien? Est-ce que le petit garçon finira par prendre une épée et tuer un dragon et sauver un prince ou une princesse? (Oui parce que jusque-là, je suis pas suffisamment loin pour savoir par qui il est intéressé, le trucideur de gobelins)

Bah c'est une bonne question. Parce que GS, c'est un héros accidentel, en soi. Le premier perso qu'on voit et qu'on suit dans l'anime, c'est la prêtresse. Pas GS. Et ça peuuuut être confirmé par l'interview de Kagyu Kumo, qui dit de lui-même "The Goblin Slayer is not supposed to be portrayed as the main protagonist in this world" (interview de The Anime Man disponible sur Youtube). Et même si l'auteur disait qu'il avait pas vraiment fait un choix conscient en écrivant le LN (que je n'ai pas encore lu mais n'hésitez pas à venir dans mes DM pour me l'envoyer évidemment) à la 3e personne, ça change quand même pas mal de choses. GS, c'est un aventurier (comme cette pauvre prêtresse et d'autres persos, qui circulent dans l'anime, etc), mais un aventurier... bizarre.

Plein de persos dont aucun a de nom. La prêtresse, Goblin Slayer, la ranger elfe... Et si GS c'était juste un PNJ qui s'est retrouvé coincé dans un paradoxe de narration?

Parce que Goblin Slayer c'est une méta de Donjons et Dragons, vous l'aurez sûrement compris si vous avez vu l'anime. Des dieux qui lancent des dés, un univers de fantasy qui reprend beaucoup les codes des JDR (en les subvertissant par moments, notamment dans l'apparence de certaines espèces), une guilde d'aventures avec des rangs...

Ok. Alors si les gobelins sont des créatures faibles, pourquoi ils sont pas déjà tous morts? Parce qu'ils évoluent et se reproduisent en violant. Goblin Slayer y répond, ok.

Mais du coup, ils ont cramé combien de villes et villages? Suffisamment pour que dans tous ces villes et villages, y'en ait un qui ait survécu. Et suffisamment pour que parmi tous les survivants de massacres gobelins, y'en ait un qui veuille se venger. Et suffisamment pour que parmi tous ceuxlles qui veulent se venger, y'en ait un qui réussisse.

Et ça, c'est GS. GS, c'est un paradoxe de narration. Est-ce que c'est pour ça qu'il ne laisse jamais les dés être lancés pour lui? Bah j'ai bien hâte de savoir, en tout cas. Ou si c'est juste un perso que son joueur/dieu a abandonné? Y'a un moment où le dé est lancé dans la s1. Et donc? Bah je sais pas encore.

Et c'est pas fini. Parce que c'est bien beau, de buter des saloperies qui sont des saloperies ambulantes sans équivoque, mais du coup, le reste ça donne quoi? (Je pourrai dire que ça donne kwama, mais on fera cette blague quand on parlera en profondeur des Elder Scrolls, un jour)

Vous avez vu le traitement des persos féminin ou pas? Déjà la façon de traiter le trauma et comment il affecte les personnes, c'est super intéressant. Mais là je parle d'autres choses.

Vous avez vu comment les hommes se comportent avec les femmes dans Goblin Slayer ou pas?

La prêtresse qui se fait reluquer à l'armurerie, deux aventuriers de haut rang qui parlent de femmes et se justifient avec leur genre/sexe, un des deux aventuriers qui court après toutes les femmes qu'il voit (à l'aide, ne faites pas ça IRL c'est cringe en fait), un autre mec qui reluque la poitrine d'une aventurière, etc...

Ouais. Peut-être que l'anime a alourdi ça, j'en sais rien. Le fait que GS soit le seul mec un tant soit peu correct avec les femmes (en-dehors du nain et du saurien, je les aime très fort), bah c'est super intéressant en fait. Mais je vais pas trop m'avancer de ce côté-là, même si il est clairement évoqué que la gérante de guilde se fait régulièrement agresser verbalement, donc même si c'est pas volontaire, Goblin Slayer renvoie une image assez négative des hommes humains (en-dehors de Goblin Slayer qui est hors du carcan de normes de genre pour des raisons pas terribles, mais à voir comment ça tourne dans le LN).

Donc, Goblin Slayer c'est une méta de Donjons et Dragons rape and revenge déconstruite au point où aucun perso a de nom fixe parce que l'auteur a décidé qu'aucun nom collerait bien et que ce serait plus chouette que les lecteurices choisissent d'euxlles-même les noms (source: l'interview de The Anime Man) ? C'est un bon résumé.

Goblin Slayer c'est, encore une fois, plus que ça. Des espèces (j'utilise le terme espèces parce que le terme "races" ne fait en fait, selon moi, aucun sens dans ce genre de récits) qui s'entendent bien même si elles se chamaillent (je prends par exemple le nain qui, malgré ses chamailleries avec l'elfe, l'aide quand même immédiatement quand elle manque de se faire violer), du partage de culture (à travers la nourriture), de la tendresse entre les peuples même (un saurien inspiré des amérindiens qui est montré avec une rare douceur et un amour du fromage qui le rend adorable, et en tant que grande fan de lézards, je remercie l'univers pour ça). C'est l'univers des personnages, pas des dieux-joueurs qui, encore une fois, répare peu à peu GS. Qui s'entre-réparent, s'entraident. De la tendresse, de l'espoir, de l'entraide entre les peuples. C'est peut-être pas ce qu'on s'attendait à trouver en tirant les dés, en regardant le premier épisode, mais est-ce qu'on va prendre ça pour un échec critique? Nan, sûrement pas.

Et ça "s'entend" aussi. Les OSTs de Goblin Slayer sont douces pour la plupart, si ce n'est la bonne grosse basse (ou guitare électrique, je suis incapable de faire la différence, désolée les adelphes) de certaines qui indiquent le danger imminent (à défaut de tambour de gobelins des profondeurs, une basse fera très bien l'affaire). Et les génériques aussi. Si vous ne connaissiez pas Mili avant de regarder Goblin Slayer, les openings ont dû être une sacrée surprise. Parce que Mili est assez similaire à Goblin Slayer en fait. Une bizarrerie de prose dans quelque chose qui pourrait être plus habituel, et qui mélange pas mal de choses (je pense à Camelia, une chanson de Mili qui reprend des codes du tango de ce que j'ai compris, ou Between Two Worlds qui fait chant religieux, n'hésitez pas à vous faire la discographie de Mili au passage). On pouvait pas faire un meilleur choix, en fait. Surtout avec le thème du Goblin Slayer, qui tranche furieusement avec l'univers de ses amies, là où le monde en lui-même pourrait être plus sombre sans elles.

Pour ce qui est du chara-design, je ferai pas de commentaires. C'est difficile de dire si c'était volontaire de partir pour cette espèce de moe générique isekai (malgré le fait que Goblin Slayer se démarque justement du genre puisqu'il n'est PAS un isekai), qui a participé au piège du premier épisode lors de sa sortie, je suppose. Et quant à l'animation, ça marche quand il faut, même si le passage du canari (vous savez de quoi je parle) m'a un peu laissée... pantoise?

Maintenant, l'effet que Goblin Slayer peut avoir sur vous, je peux pas le prévoir. Les scènes de viol sont ignobles, mais elles sont peu nombreuses, comme dit auparavant. Elles sont bien réparties, ce qui fait comprendre ce qui va pas assez rapidement, mais pas suffisamment forcées pour qu'on ait envie de drop par condensé d'écriture dégoulinante de gras sombre-adulte-mature-blablabla. Mais je pense que beaucoup de personnes ont dû ressentir un plaisir viscéral en voyant les gobelins se faire MASSACRER. Peut-être que c'est pas censé être le cas - les personnages le reprochent à Goblin Slayer, après tout. Mais oh, c'est satisfaisant, de voir toutes ces stratégies, cette ingéniosité de torture, de morts sur des saloperies ambulantes. Est-ce que c'est censé nous faire réfléchir sur notre curiosité morbide? Peut-être bien. Peut-être bien qu'on est aussi censés guérir en regardant cette carcasse humaine reprendre peu à peu vie avec l'aide des aventuriers. De tout le monde, en somme.

Je pourrais aussi parler du traitement du corps féminin (la fermière qui se lève nue, ce qui est peut-être une façon de montrer un corps pas violenté, tranquille, paisible), mais il me faudrait le LN en comparaison pour être sûre de ce que je raconte (au moins un peu plus), comme pour la vision des hommes humains en général. Parce que la suranimation de la personne violée qui veut qu'on la sauve, je voulais pas voir ça dans ce contexte, merci. Pareil pour les seins de la hobbit (oups) de la s2, merci. Ou la scène dans les bains qui avait le mérite de parler des différences de vieillissement entre les peuples qui était un peu cringe (mais je pense que c'est surtout que je paniquais à l'idée que ça puisse être VRAIMENT cringe). Donc à voir de ce côté là. Et encore une fois, les design douteux, etc... Est-ce que je recommanderais l'anime? Si vous avez des trigger, que vous en avez eu ras-le-bol du moe ou de la violence, non, je ne peux pas vous le recommander sciemment. Goblin Slayer a clairement des problèmes et si j'ai pu passer à côté c'est surtout parce que j'ai vu tellement de trucs cringe et gores plus jeunes (Léa sache que me faire regarder Highschool of the Dead au collège c'était PAS une bonne idée) que GS me paraît "acceptable" en comparaison - mais il est quand même bon parler de ses problèmes.

J'étais venue pour la violence, je suis restée pour la tendresse. On devrait peut-être faire un jet pour voir si on arriverait pas toustes à se parler calmement, non?

Bansheesh
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le 30 oct. 2023

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