Irréversibles Clichés sur la Jeunesse

Teen drama (vraiment très drama) norvégien ayant la prétention d'aborder le difficile sujet du cyber-harcèlement tout en adoptant un audacieux montage à rebours semblant rendre hommage à un célèbre film de Gaspar Noé* Delete Me bénéficie d'une mise en scène travaillée (pour qui n'est pas allergique aux excès d'esbrouffe) , de performances plutôt réussies de ses jeunes actrices principales, et d'un scénario relativement efficace si plutôt prévisible (ce que n'arrange pas vraiment le fait que l'histoire soit racontée à l'envers).

(* si Delete Me ne respecte que partiellement la règle du jeu d'Irréversible : chaque épisode, tout en revenant en arrière dans l'histoire se sent obligé de nous rappeler les scènes déjà vues du 'futur' auquel le passé évoqué répond par de courts flash ... forward dans le passé des épisodes de la série, ce qui aboutit à un mode de narration particulièrement bizarre)

Par contre si j'avais le bonheur d'être encore jeune, je serais sorti de cette série avec la désagréable impression d'avoir passé 4h à me faire insulter par quelque boomer prenant pour acquis tous les pires clichés qui peuvent circuler sur la jeunesse.

En résumé dans l'univers de Delete Me les teens se divisent à peu près en 3 groupes, les filles populaires qui ne pensent qu'à la fête, aux garçons et (surtout) à être populaires ; et dès qu'elles se rencontrent en groupe/meute se montrent totalement monstrueuses avec toute personne qui leur donne un prétexte d'être humiliée. Les filles impopulaires (enfin y'en a qu'une d'un peu développée, mais d'autres seraient surement pires), trop sérieuse et un brin pète sec, qui pense surtout à nourrir ses griefs contre sa rare amie ayant rejoint les populaires et à réussir dans la vie, par exemple en devenant populaire à la place de son amie. Et finalement les garçons, qui ne pensent qu'à baiser, trouver des images sur lesquelles se palucher ou envoyer des messages salaces à celles qui en produisent (mais qui apparaissent tout de même un peu plus sympathiques que les filles populaires dans la mesure où ils semblent généralement trop stupides pour comprendre les conséquences de leurs actes). On pourrait éventuellement ajouter une quatrième catégorie, les un peu plus jeunes, qui sont exactement comme les plus grands mais en beaucoup plus bêtes (si certains semblent dotés de skills impressionnants en matière de maîtrise des technologies mobiles).

Enfin à part ça, il y a quand même aussi un personnage, qui pourrait être vu comme plus original si son origin story n'était pas un autre cliché ultime, d'ancienne victime de cyber-harcèlement devenue hackeuse et tentant de rendre la justice elle même.

Enfin donc ne sais pas quel est l'âge de la personne ayant écrit ce truc, mais soit elle était trop jeune (et probablement une fille impopulaire amère) soit beaucoup trop vieille pour traiter ses personnages avec le minimum de nuance qu'on attendrait d'une série non américaine.

Ou pour le dire plus méchamment, raconter dans un style très prétentieux une histoire sérieusement tragique sonnerait mieux si elle ne se basait pas une vision de la jeunesse semblant issue de visionnages d'American Pie et de Projet X (après c'est peut être aussi une conséquence du format court de la série, dont les épisodes font 35mn environ au lieu du 50+ habituel, ne lui laissant que peu de temps pour s'écarter de l'intrigue ou développer ses personnages secondaires, ou de donner à ses 3 principaux d'autres aspirations -en dehors bien entendu de devenir populaires- qu'un vague rêve d'aller vivre en Amérique - pas très flatteur pour la Norvège au passage).

Ceci étant dit je vais quand même mettre une note de 6 à ce truc parce que ça se laisse tout de même bien regarder, même par des gens au plus loin de parvenir à s'identifier à aucun des personnages, même en tentant de se repenser au sommet de sa pire connerie de jeunesse, et qui s'attendaient aux deux demi-twists finaux depuis le début. Je me suis fait les 7 épisodes en boucle sans m'ennuyer donc je n'irais pas nier que cette série a tout de même son petit charme. Puis bon, j'ai récemment mis un 3 à She-Hulk et un 5 à Rings of Power, faut que ma notation reste cohérente.