De grâce
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De grâce

Série Arte (2024)

Une série sur les docks qui laissera son aspect documentaire de côté. Rien ne sera montré ou très peu de cet espace gigantesque qui se compte en milliers d'hectares, relié par voie de chemins de fer, routes et autoroutes de plusieurs dizaines de kilomètres aux nombres de conteneurs et de dockers tout autant impressionnant pour nous immerger dans un environnement inconnu et de ses enjeux sociaux et économiques. En introduisant dès le départ la résolution et la caractérisation franche de ses personnages, entre violence des échanges et envolées sentimentales, la mise en scène est efficace et sans effet accessoire au départ. De ceux droits dans leurs bottes et solidaires, à ceux qui contribuent aux trafics de drogue protégés par la loi du silence avec les dommages collatéraux qui s'ensuivent, un regard sur ces docks qui restera en filigrane. Et puis au fil des épisodes, raccourcis faciles et situations poussives voire incompréhensibles axées sur la seule famille de Le Prieur (Olivier Gourmet) et leurs tourments pour caractériser des personnages faibles et de peu de confiance qui reprend tout ce que l'on connaît. La drogue et les combines, les trahisons et les tromperies. Mais on apprécie l'ambiance faussement tranquille de cette famille soumise à vents contraires, la noirceur et le pessimisme ambiants et ces portraits de solitude qui auront des impacts différents sur ses membres. On apprécie que cette famille ne soit pas celle parfaite, aux enfants aimants qui ont réussi leur vie, faisant front comme un seul homme face à l'adversité. Les teintes délavées et grisâtres assoient un parti-pris délétère pour marquer les fractures d'une famille et l'envers du décor.

Le Prieur nous parle outre-tombe de tout ce qui l'aura amené à ne plus être le père modèle, menant double vie et qui cherchera un exutoire à son éviction du syndicat. On navigue entre flashbacks et temps présent pour donner du temps de présence à Gourmet mais on s'interroge de la résolution de sa chute, sur cette vengeance subie et sur cette acceptation de la fatalité sans vraiment y voir sa lutte contre le trafic, alors qu'il n'a pas la main pour y mettre un terme. Tout comme l'aîné (parfait Pierre Lottin) au désir de reconnaissance mais qui semble n'avoir aucune utilité sur les trafics de son oncle déjanté (Philippe Rebbot) pour ne pas vraiment comprendre le drame qui s'en suit pour sa famille. Pour le plus jeune passablement irritant, Panayotis Pascot s'en sort presque haut la main, avec son personnage flou et duale. Et si Eliane Umuhire à la présence sobre et puissante, marque de sa présence, on regrette que les enjeux sociaux pour Nailia Harzoune ne soient pas plus finement décrits et que les femmes, mère et fille de la famille, n'apportent pas grand chose. Astrid Whettnall en mère confiante de plus en plus dévastée, tire son épingle du jeu par un personnage revêche qui voit son monde s'effriter, mais Margot Bancilhon au semblant de rébellion, aura peu de crédibilité en avocate parisienne revenue au bercail et fait pâle figure tant son rôle est limité à quelques amourettes peu passionnées. La solidarité entre dockers aura ses limites, le patron du syndicat (Xavier Beauvois) en politicien faiblard pointe la difficulté de la tâche, tout autant que sa lâcheté et le procureur (Samuel Theis) marque quant à lui le décalage entre la Loi et le concret. Dommage alors que les créateurs décident comme toujours d'y inscrire pour le divertissement, nombre de situations aux faux rebondissements et aux caractérisations clichées, pour une simple histoire de famille et de ses non-dits, plus franchement passionnante au fil des épisodes, qui sabotent son parti-pris réaliste et tendu.

Souvent filmée de nuit quelques belles scènes viennent adoucir l'ensemble, notamment cette relation cachée traitée subtilement et qui vient en porte-à-faux de la surdité ambiante, sans autre dénonciation que le constat au besoin d'agir et d'exister.

limma
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le 7 févr. 2024

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