Crossed par Cinemaniaque

Après avoir copieusement éviscéré Durendal, il m'était impossible de ne pas évoquer son exact opposé. En effet, si Durendal représente à mes yeux la quintessence du youtubeur inutile, Karim Debbache et sa bande symbolisent quant à eux l'internet d'utilité publique.

Car derrière un concept un peu chaud, forcément malin (jeux vidéos et cinéma, frères ennemis d'un univers où le nanar et donc la blagounette facile sont rois et reines), Crossed dépasse son principe pour amener quelque chose de neuf dans le paysage du tube : on peut rire, apprendre et devenir curieux en même temps.

Oui oui, des différentes focales à la technique de l'élastique, du money shot à John Truby, on ne s'ennuie pas chez les zigotos de Crossed, tous plus sympathiques les uns que les autres car conscients qu'ils font du net donc un truc sensé être rigolo entre potes de base. Et ça l'est : ok, y a un peu de thune, beaucoup de protections juridiques, mais Crossed assume son délire jusqu'au bout et passe de la petite blague au mélodica à Attention Dino Danger sans jamais se perdre dans la question de l'ego. Crossed, c'est une bande de clowns qui s'éclate sur du bon son et devant des films médiocres, sans doute une bière à la main en coulisse.

Il n'empêche : la technique est là : c'est beau comme un camion, la lumière et le cadre sont soignés quand le montage est une véritable leçon en soi, une sorte de Tony Zhou focalisé sur un seul film. Crossed, c'est un court métrage x28 pour parler de cinoche en toute simplicité apparente. Apparente ? Oui, car derrière la grosse poilade se cache un véritable auteur, Karim Debbache, qui réalise un travail de montage mais surtout d'écriture admirable, pointue, précise comme un scalpel, habile mélange de vannes méta et de références pop-culture, doublée d'un coup de génie (le clone "maléfique" comme interlocuteur), bref un véritable travail d'orfèvre qui fait de Crossed, 3 ans après sa fin, une des références incontournables en termes de vidéo internet.